Vive polémique autour de la Une d’un magazine dédiée à Saad Lamjarred

La revue réserve une dizaine de pages au chanteur accusé de viol


Mehdi Ouassat
Vendredi 17 Novembre 2017

 Le chanteur marocain Saad Lamjarred mis en examen pour «viol aggravé» en France fait la Une du magazine marocain VH, actuellement en kiosque. Le chanteur y est censé «tout déballer» mais cette couverture a fait réagir de nombreux observateurs et internautes, qui reprochent au magazine de donner la parole à un homme accusé de viol, et dont l'affaire n'a pas encore été tranchée par la justice. Mais pour les responsables du magazine, le fait de mettre Saad Lamjarred en Une n’est en aucun cas «un soutien» à l’artiste. «Quand VH donne la parole à Saad Lamjarred dans son numéro de novembre, le magazine ne se substitue pas à la justice qui n’a pas encore statué dans cette affaire dont on attend le procès et le dénouement», lit-on sur le site dudit magazine. L’auteur de l’article souligne que VH a toujours traité des thématiques fortes d’actualité en citant l’exemple de plusieurs éditions du magazine qui mettaient en couverture des personnes controversées comme Tariq Ramadan. «VH cautionnait-il les frères musulmans et l’idéologie radicale islamiste ? Loin de là», expliquent les responsables du magazine. «Idem quand on a traité d’Al Jazeera en plein chaos de la guerre et des crises diplomatiques. Pareil, quand on a mis en Couv Driss Benhima alors en conflit avec l’Association des pilotes de ligne de la RAM ou encore quand on a parlé des Marocains de Guantanamo. Et les exemples sont très nombreux en 15 années», précise-t-on. Sauf qu’aucun de ces cas cités par le magazine n’a a été accusé de viol ou de violences aggravées. En plus, dans le texte de présentation de l'interview censé rapprocher les lecteurs de l’enfance du chanteur et de son passé, l'auteur de l'article n'évoque en aucun cas le passé douteux de l’artiste aux Etats-Unis. Il tient par contre à souligner qu’au fil des échanges, «je sens un garçon gentil, un type qui ne se la joue pas. Mais alors pas du tout».
Pour ceux qui ne le savent pas, en 2010, le chanteur, encore inconnu, a été poursuivi par un tribunal de New York pour «agression et viol». Libéré sous caution avant d’être jugé, il en avait profité pour fuir. Jamais jugé, l’artiste est sommé par la Cour suprême de l’Etat de New York de se présenter au tribunal. S’il retourne aux Etats-Unis, il risquerait jusqu’à vingt-cinq ans de prison.
Toujours selon les responsables du magazine, le but était de lever le voile sur les non-dits et aller à la source de l’information tout en gardant une stricte neutralité. Mais peut-on vraiment parler de neutralité lorsque le journaliste tutoie son interviewé et qui de surcroît publie un selfie avec lui dans le magazine. «Pour le tutoiement, cela n'a pas été corrigé lors de l'impression du magazine, je vous l'accorde. Pour le selfie, c'est simplement pour montrer que nous avons fait notre travail d'aller jusqu'à Paris pour obtenir cette interview», explique l’auteur de l’interview dans un entretien accordé à nos confrères du Huffpostmaghreb. Mais comment peut-on expliquer qu’à aucun moment dans l'interview, le journaliste n'écrit que le chanteur est poursuivi pour «viol aggravé» et «violences volontaires aggravées» ? Pour évoquer ce lourd dossier, il parle de
«l'affaire de Paris».
Interrogé s’il comprend tout de même que certains lecteurs soient heurtés par cette couverture, surtout en cette période où les affaires d'agressions sexuelles, notamment dans le milieu des célébrités, sont de plus en plus médiatisées, l’auteur de l’interview avec Saad Lamjarred explique que personne n’est parfait et qu’il n'a peut-être pas su bien faire. «Je demande pardon à certains lecteurs si je les ai offensés. J'ai toujours défendu les droits des femmes et VH aussi. Mais tant mieux si cet article fait débat et si d'autres journalistes vont chercher aussi des informations afin que chacun de nous apporte son grain de sel. À la fin, on aura, peut-être, le début d'une vérité» conclut-il. 


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