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Violence insoutenable et préjugés sociaux

Le triste quotidien des enfants du Maroc


Hassan Bentaleb
Vendredi 29 Avril 2016

«Les enfants marocains font encore l’objet de normes et de pratiques sociales préjudiciables et de formes de violences particulièrement extrêmes malgré les progrès importants réalisés par le Maroc durant les dernières décennies en matière de droits de l’enfant ». C’est ce qui ressort du projet d’avis sur « L’effectivité des droits de l’enfant au Maroc : responsabilité de tous », adopté avant-hier par le Conseil économique, social et environnemental (CESE).  
D’après ce document, les enfants qui représentent toujours plus du tiers de la population dont la moitié sont des filles et 10% ont moins de 5 ans, sont victimes d’exploitation dans la mendicité, la prostitution ou au travail. Certaines catégories d’enfants sont plus exposés que d’autres comme les  enfants des rues, les enfants nés hors-mariage, trop fréquemment abandonnés à cause de la situation matrimoniale (célibat) de la mère, les enfants en contact avec la loi et placés dans les centres de protection de l’enfance, les enfants migrants et les mineurs marocains migrants, non accompagnés et qui se trouvent majoritairement en Europe. 
Le rapport a pris constat du fait que la violence à l’égard des enfants est un phénomène très répandu, présent sur tous les lieux de vie et dans la quasi-totalité des milieux socioéconomiques. Or, beaucoup de ces formes, comme les brimades, les châtiments corporels, les insultes, l’humiliation, l’invocation de terribles punitions divines ou autres que l’enfant pourrait subir, sont encore largement considérées comme des mesures éducatives nécessaires, voire incontournables. Elles sont souvent banalisées. 
Ces enfants font également l’objet de pratiques sociales informelles défavorables et qui constituent une entrave majeure à la concrétisation de leurs droits. 
Ainsi, le rapport du CESE a-t-il mis à l’index la persistance du décalage entre la définition légale (moins de 18 ans) et la définition implicite de l’enfant. Dans la réalité, l’enfant n’est plus considéré comme tel dès l’apparition des signes de puberté.  Sur ce, l’adolescent (e) est considéré (e), voire parfois jugé(e) comme étant responsable de ses actes et devant se comporter comme un adulte. Ceci d’autant plus qu’il n’est généralement pas considéré comme détenteur de droits mais plutôt d’obligations envers la famille. Ainsi, les enfants peuvent-ils être amenés à travailler dès leur jeune âge, à émigrer à l’étranger sous la pression des familles, ou être placés dans des familles ou chez des artisans pour subvenir aux besoins de la famille….
Le rapport observe également la persistance d’un modèle éducatif encore largement basé sur le respect de l’autorité des aînés, le silence et l’absence de dialogue  et non le développement de capacités propres de discernement ainsi que la primauté donnée à la préservation des intérêts de la famille et de la communauté au détriment de ses intérêts propres.
 La stigmatisation et l’exclusion de nombreux enfants sont encore répandues et nombreux sont les préjugés et jugements de valeurs véhiculés à ce propos, a noté le document du CESE. D’après lui, les enfants en situation de rue sont assimilés à des délinquants, des «chmakria» et les enfants abandonnés sont traités de «oulad ezzna», «allakit», «enfants de prostituées» … Ces enfants ne sont donc pas perçus comme des victimes ou comme des enfants dont on a violé les droits. Ils sont «souvent rejetés par les familles». 
Les enfants en situation de handicap ne sont pas non plus bien traités. Souvent, ils ne sont pas acceptés par les familles, sont au centre de discordes familiales et sont majoritairement «exclus du système éducatif».
Les préjugés et stéréotypes de genre perdurent également. Ainsi et malgré le chemin parcouru en matière de scolarisation et de réduction des inégalités entre les hommes et les femmes, les pratiques éducatives discriminatoires à l’égard des filles se perpétuent et restent encore fortement ancrées. Beaucoup de filles sont encore éduquées pour devenir de bonnes épouses et mères soumises à l’autorité de l’homme. Elles sont retirées précocement du système scolaire pour être utilisées comme aide familiale. 
Qu’en est-il des politiques publiques censées protéger ces enfants et lutter contre les violences sociales ? Le CESE rapporte que ces politiques publiques demeurent insuffisamment coordonnées, suivies,  évaluées et ancrées au niveau territorial. 
Le rapport a également noté l’absence d’un système territorial de protection de l’enfance définissant clairement les budgets, les responsabilités et les domaines d’intervention des différents acteurs, les normes et standards à respecter, les procédures de signalement ainsi que l’absence d’une instance responsable de la coordination d’une politique territoriale de protection, de l’allocation des budgets et du suivi-évaluation des réalisations et de la situation de l’enfance.
Par ailleurs, le document du CESE relève l’absence actuelle d’un mécanisme de recours indépendant.  Le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a d’ailleurs déjà recommandé au Maroc de «… créer un mécanisme spécialisé dans la surveillance des droits de l’enfant habilité à recevoir les plaintes émanant d’enfants, à enquêter sur ces plaintes et les traiter dans le respect de la sensibilité de l’enfant ».    
 


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