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“Une femme nommée Rachid”, ou le récit d’une vie

Le livre- témoignage de Fatna Lbouih consacré à Casablanca


Mustapha Elouizi
Mercredi 25 Mai 2016

Avec Saïda Mnebhi, c’est la souffrance
carcérale au féminin. Avec Fatna Lbouih, l’on saura comment l’incarcération pour des raisons politiques au Maroc des années 70  tue l’humanité d’une femme et sa raison d’être.
Les scènes d’horreur auxquelles elle a assisté
ont assagi la jeune Fatna dont le crime est tout simplement de croire aux lendemains meilleurs.


Le témoignage de Fatna Lbouih compilé dans le livre «Une femme nommée Rachid» réédité en ce début de 2016 aux Editions Fennec est un vrai récit de vie. Une vie qui n’en est pas une.  «Les coups aux pieds sont si destructeurs, qu’on est pour longtemps incapable de se mettre debout… Les chocs électriques aussi sur la plante des pieds et sous les angles m’anéantissent et me mettent à leur merci», écrit Fatna sur un ton froid, mais sans rancune. L’on dirait que l’exercice de l’écriture était plutôt un moyen de se purifier, de se désintoxiquer, de retrouver une nouvelle âme… mais aussi pour échapper à la tyrannie d’une mémoire infailliblement récurrente. De Derb Moulay Chrif, à Casablanca, à Ghbila puis Meknès… que de chemin à parcourir. Le rôle des familles pour subsister, lutter et continuer à caresser l’espoir de revoir un jour le monde extérieur est indéniable. « … Mon père voit ses efforts aboutir à Casablanca. Il était constamment en quête d’informations sur mon lieu d’incarcération… », raconte-t-elle.
L’on avait vu avec les Merzouki, Rayes, Bouâamlat, Benbine, Hachad… combien l’incarcération détruisait l’être et le réduisait à néant. Là, l’on assiste grâce à cette fenêtre grande ouverte à un récit qui ne perd pas sa verve, nonobstant le temps qui nous éloigne à chaque fois des faits, du  temps et de l’espace des événements. Un récit issu de chroniques d’une vie anormale,  d’une vie sordide et d’une vie où des jeunes filles rêveuses de grands idéaux, d’une société meilleure et éprises d’une liberté de ton comme d’action, se sont subitement retrouvées derrière les barreaux, sans bouffée d’oxygène.
Fatna Lbouih, dans un esprit conciliateur ou plutôt pacificateur, accorde surtout un grand espace aux souffrances morales. L’abus, la bourde, le sadisme … voulaient surtout affecter et détruire le psychique profond des détenues politiques de l’époque. Elle rappelle également comment, elle et ses camarades, Latifa Jbabdi, Widad Bouab, Latifa Zouini, Khadija Boukhari et Nguia Boua se sont organisées dans la prison de Meknès pour contrer les plans destructeurs de l’administration pénitentiaire. «Le blocus se resserre encore, on nous abandonne à la torture du silence et de la solitude… Nous entamons une série de protestations qui nous permettront de briser en partie le blocus imposé à Ghbila», raconte cette femme calme et sereine. La lutte au sein de la prison porte sur des objectifs qui peuvent paraître banals, bizarres, voire anodins. «que de temps passé pour conquérir des fragments de liberté intérieure…», décrit-elle pour souligner l’importance d’un petit papier, d’une lettre, d’un livre, d’un message… le comble est de pouvoir disposer d’une radio.
Le plus réconfortant pour une femme détenue politique est de ressentir un geste de gratitude de l’extérieur. Pour Fatna Lbouih, elle a eu droit à ce genre de gestes, lorsqu’elle a, à son grand bonheur, reçu en prison la sublime et grande sociologue marocaine: Fatema Mernissi. Pour une fois, les beaux esprits se rencontrent et apportent une bouffée d’oxygène à un cœur plein d’amour et d’espoir une bouffée d’oxygène. De quoi continuer à aimer un lendemain meilleur. En compagnie de Nazem Hikmet, Fatna Lbouih avait appris que les meilleurs jours sont ceux qu’on n’avait pas encore vécus.


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