“Missa” : L'absurde dévoilé



Un Bel hommage rendu à Mbarek Oularbi

Un lieu de pèlerinage des artistes du Sud-est marocain


Mustapha Elouizi
Mercredi 26 Février 2014

Un Bel hommage rendu à Mbarek Oularbi
Ils étaient près de deux mille personnes à commémorer ce dimanche à Mellaab (14 km à l’Est de Tinjdad) le troisième anniversaire du décès de l’artiste amazigh Mbarek Oularbi. Une foule composée essentiellement de jeunes. La guitare a été le symbole de cette fête musicale. Depuis la matinée déjà, et partout où l’on passait, dans cette localité relevant de la province d’Errachidia, l’on remarquait la présence de jeunes, guitares en bandoulière. Instrument fétiche du meilleur artiste amazigh en 2010, elle est aussi le symbole d’une jeunesse à la recherche de moyens d’expression, mais aussi d’épanouissement. 
Les belles bannières amazighes, en trois couleurs, embellissaient les lieux. A l’entrée d’Imi N’Ighrem, monumental ksar de Mellaab, une scène finement ornementée par des portraits de Nba, au regard lointain, mais aussi toujours souriant. Le slogan de cette troisième édition renseigne sur les priorités de cette région, dont les citoyens se sentent marginalisés, exclus et oubliés. La thématique : «La mémoire … allégorie d’identité», est une sorte de résistance à un système qu’ils voient toujours d’un mauvais œil.
«Que voulez-vous que nous fassions à l’égard d’un système qui ne reconnaît même pas notre existence… pas d’écoles à la hauteur, pas de centres de santé adéquats, pas de complexes culturels, pas de programmes de développement appropriés …», estime un acteur associatif local, lors d’une conférence initiée autour de la «gouvernance locale». Une vision qui se reflète davantage à travers une chanson engagée.
Un grand public multiethnique, multilinguistique attendait depuis déjà 16h00. Une ambiance bon enfant régnait sur ce site historique. Ici, l’amazigh est la seule langue d’usage. Un repère identitaire, une fierté communautaire et une résistance responsable. «Je ne sais par quel miracle nos petits enfants ont survécu aux vagues systématiques d’éradication identitaire … La télévision, la radio, l’école, l’administration, … toutes les institutions de proximité allaient dans le sens de méconnaître notre langue en tant que signe identitaire, mais nous voilà encore et toujours fiers d’être des Marocains amazighs», nous confie un enseignant originaire de la région.  Une espèce de rancune tenace qui allait laisser, aux premiers grattements de guitares, la place aux chants, à la belle musique et à la joie… 
C’étaient d’abord, les jeunes groupes amateurs. Et naturellement, l’âge n’a pas de prise sur le génie et la créativité de ces jeunes venus de Touroug, Merzouga, Hassi Labyed, Boumalen Dadès, Mellaab, Tinguir… Une présence qui a certes besoin de quelques arrangements, mais qui s’annonce prometteuse.
En attente des groupes professionnels, l’heure était à la diversité culturelle et à la variété artistique. Ce fut ainsi un spectacle gnaoui interprété par la troupe  de Maalem El Haouzi qui a présenté une œuvre nous rappelant que l’art gnaoui échappant aux différentes fusions survit encore et présente avec brio une profondeur, se faisant de plus en plus rare. 
La ferveur allait crescendo avec la montée sur scène des idoles de la chanson du Sud-est. Le même créneau des juniors, mais assez développé et affiné. Ce fut d’abord, le groupe Tawarguit qui a semé l’allégresse parmi les jeunes. Sa chanson sur Nba, a émerveillé un public, la reprenant en chœur, et non sans un brin de regret et de nostalgie. L’ombre de celui qui a fait connaître ce petit village de dix mille habitants à l’extérieur de la province, surplombait les murailles d’Imi N’Ighrem. Un autre moment fort fut l’entrée de l’un des parrains d’Amoun Style, Moha Mallal, avec sa chanson « Digh Ourta ». Et enfin, cerise sur le gâteau, la foule allait crier de toutes ses forces, saluant l’annonce du groupe Saghru Band, ensemble musical fondé par Nba. 
Là, le public, observant jusqu’ici une discipline exemplaire, allait  devenir presque incontrôlable. Un déchaînement total des jeunes et moins jeunes devenus par la même occasion grande chorale de Khalid Oularbi, chanteur du groupe. Tagrawla, Grat Ifassen, Ali U Sliman, Anassaf, Ayouz Aytma … des chansons qui ont constitué le plat de résistance de toute une fête, de toute une commémoration et de toute une célébration. 
Khalid Oularbi en a donné encore la preuve qu’il assure et assume, en tant que chanteur, et chef de groupe. Tout le monde a compris que la continuité est un défi déjà assuré et que Mellaab sera désormais ce carrefour artistique du Sud-est… La manifestation mérite ainsi ce pèlerinage annuel qui rappelle un grand artiste éclectique décédé, en 2011, à l’âge de 28 ans… seulement.  


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