Tétouan au féminin : Au fil du temps avec Safaa Erruas…


Amel NEJJARI
Samedi 11 Avril 2009

Tétouan au féminin : Au fil du temps avec Safaa Erruas…
Safaa Erruas est incontestablement l’une des artistes qui façonnent les contours de l’art contemporain aux niveaux national et international. De Londres à Paris, d’Oslo à Alger, de Bruxelles à Dakar et bientôt exposant à Bombay, elle aura marqué par sa jeunesse et  son originalité la création artistique… Retour sur un parcours où l’art et la créativité se conjuguent au féminin… Safaa Erruas avait, adolescente déjà, un penchant artistique… Elle en fera sa passion…. son métier. Dès l’âge de 14 ans, nous confie-t-elle, elle s’intéressait à la peinture, la sculpture et le dessin, alors seuls domaines « nobles » de l’Art, développés par l’Ecole des Beaux-Arts de Tétouan. Justement, pour elle, la présence de cette Ecole à Tétouan, sa ville natale, est incontestablement une « chance » qu’elle saura par la suite saisir. Côté études, elle empruntera une voie on ne peut plus classique : la Faculté des sciences de Tétouan qu’elle décidera de quitter dès la première année car, nous confie-t-elle, « ce n’état pas ma voie ». C’est l’Art qui la happera. Cette décision de s’adonner à sa passion a coïncidé avec le changement de statut de l’Ecole des Beaux-Arts qui est devenue un Institut : l’Institut national des Beaux Arts de Tétouan (INBA). Safaa y voit aussitôt la possibilité de poursuivre des études académiques et l’opportunité de décrocher une licence dans une filière artistique. Dit d’une autre manière : pouvoir allier l’utile (obtention de diplômes chers à son entourage familial) et l’agréable (suivre une passion qu’elle alimente depuis toujours). Consciente qu’il fallait désormais transformer un simple penchant en un travail de recherches et d’approfondissement mûrement réfléchi et maîtrisé, elle prépare son concours d’accès qu’elle réussit… Ses études à l’INBA, nous dit-elle, lui auront permis de côtoyer des artistes marocains rentrés au pays après plusieurs années d’études à l’étranger, « J’ai retrouvé ma sensibilité artistique » nous avouera Safaa Erruas au contact d’encadrants et de professeurs qui ont su créer une énergie chez les étudiants. La vision de ces nouveaux artistes viendra ébranler les idées préconçues sur l’Art qui, l’apprend-elle bien tôt, « ne se limite pas à la sculpture, la peinture et le dessin ». C’est là que Safaa commence à travailler la matière et le volume, consciente qu’il fallait axer son travail d’artiste sur la « visibilité » et « l’éducation du regard » : « Les études aux Beaux-Arts m'ont permis de creuser au fond de moi-même pour trouver ma voie ». Etudiante encore, elle commencera à « tisser le travail artistique avec le fil, un matériau qui lui est familier.
Une fois diplômée de l’INBA en 1998, elle continuera avec la même sensibilité… Dans la création de ses œuvres, elle privilégiera des matériaux empruntés au domaine de la couture qu’elle aura soigneusement choisis. D’ailleurs, comment ne pas remarquer cette ancienne table de machine à coudre qu’elle a pu récupérer et qui trône dans son corridor comme une manière de rappeler l’essence même de son inspiration, son principal leitmotiv ? C’est d’ailleurs, nous dit-elle, la dimension immatérielle qui l’interpelle. En utilisant le fil, les épingles ou le tissu, c’est la transformation de la matière en éléments artistiques qui prime. Alliés à la couleur blanche, ces éléments ont d’ailleurs été le fil conducteur de toutes ses créations : « Plus je travaille et plus il y a des possibilités qui s’ouvrent ». 
Elle est consciente que l’artiste est constamment interpellé par son environnement, par les événements nationaux et internationaux qui se reflètent d’une manière ou d’une autre dans ses créations : « En tant qu’artiste et être humain, je ne peux être indifférente à ce qui se passe dans le monde. J’emmagasine inconsciemment des sensations, des images et des réflexions. Et quand je travaille, il y a tout cela qui revient (…) ».  Safaa Erruas affirme tout de même qu’à travers l’Art, elle « n’apporte pas de solutions. J’évoque des questions. De cette manière, je crée mon langage que j’enrichis au fur et à mesure (…) » Face à son travail, elle ne cherchera point à interpréter, compétence qu’elle préfèrerait déléguer à d’autres. « Dans l’aspect visuel, je ne cherche pas une interprétation, j’essaie d’évoquer de l’émotivité et une émotion (…) » Une émotivité qui se veut, par essence, féminine. « Toute mon œuvre est dessinée par mon existence de femme », nous confiera-t-elle tout en se défendant de vouloir se définir comme « artiste féministe ». Par ce travail constant, Safaa Erruas a pu se forger un nom et une carrière artistique aux niveaux national et international. Dès 1998, alors qu’elle vient de décrocher son diplôme, elle participera à une exposition chapeautée par Jean-Louis Froment fondateur de CAPC (Centre d’art plastique et contemporain) de Bordeaux ; exposition qui s’est inscrite dans l’organisation du « Temps du Maroc » en France. Ce qui lui permettra de résider durant six mois à la Cité des Arts de Paris. En 2002, c’est le Sénégal qui l’accueille à l’occasion de la 5ère Biennale d’art contemporain africain (DAK’art)… Et depuis, rien n’a changé ! Au fil des nombreux voyages à l’étranger, des expositions dans lesquelles elle participe, au fil du temps, Safaa Erruas saura donner de son temps et de son art….


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