Steve McQueen, réalisateur de la faim, du sexe et de l'esclavage


Libé
Vendredi 21 Octobre 2016

Steve McQueen, distingué samedi à Londres par le "BFI Fellowship", plus haute distinction du British Film Institute (BFI), s'est imposé en trois films choc sur la grève de la faim d'un membre de l'IRA, les déboires d'un obsédé sexuel et l'esclavage.
Rien ne prédestinait ce Londonien de 47 ans, né le 9 octobre 1969 dans une famille de la classe moyenne originaire de l'île antillaise de la Grenade, à rencontrer le succès dans une double carrière d'artiste contemporain puis de réalisateur.
Souffrant de dyslexie, il parvient néanmoins à étudier au Chelsea College of Art and Design, l'une des meilleures écoles d'art londoniennes, avant le prestigieux Goldsmith's College où il tourne ses premiers courts-métrages, puis la Tisch School of the Arts de New York.
En 1993, il réalise "Bear" ("Ours"), une vidéo en noir et blanc de 10 minutes où deux hommes noirs et nus, l'un d'entre eux étant McQueen lui-même, se tournent autour en silence, s'observant et s'évitant, entre érotisme et violence larvée.
Puis vient "Deadpan" en 1997, un court-métrage toujours en noir et blanc dans lequel il se met à nouveau en scène pour revisiter un gag de Buster Keaton où une maison s'écroule sur un homme qui en ressort indemne.
Présentées dans les plus grands musées, du Guggenheim à la Tate Gallery, ses oeuvres lui permettent de décrocher en 1999 le Turner Prize, la récompense la plus prestigieuse pour un artiste contemporain.
En 2003, l'Imperial War Museum l'envoie en Irak filmer la guerre. Une tâche qu'il estime impossible. Il choisira à la place de créer des planches de timbres avec les portraits de 160 soldats morts au combat dans une oeuvre baptisée "Queen & Country".
Pour ses débuts au cinéma, il plonge, avec "Hunger", dans la grève de la faim jusqu'au-boutiste menée en 1981 par Bobby Sands, membre de l'Armée républicaine irlandaise (IRA) qui meurt en prison après 66 jours de jeûne.
"Hunger" n'est "pas un film sur Bobby Sands mais sur les décisions, bonnes ou mauvaises, que prennent les êtres humains et leurs conséquences", avait-il affirmé à l'AFP.
Filmé de manière crue et dépouillée, ce premier long-métrage se concentre sur la lente agonie de Sands, interprété par l'Irlando-Allemand Michael Fassbender, acteur fétiche du réalisateur qui joue dans ses trois films.
Un coup d'essai reconnu comme un coup de maître par le Festival de Cannes qui lui décerne en 2008 la Caméra d'or. Un Bafta suivra en 2009.
Pour son second film, "Shame", Steve McQueen filme le voyage au bout de la honte d'un anti-héros prisonnier de ses obsessions sexuelles, incarnée par Michael Fassbender.
Le réalisateur dira à la Mostra de Venise, où il a reçu le prix de la critique internationale, que "Shame" est "un film politique" qui montre que "la liberté dont nous jouissons aujourd'hui peut, parfois, se transformer en prison".
Pour sa troisième réalisation, Steve McQueen, installé à Amsterdam depuis 18 ans avec sa compagne, une critique néerlandaise de cinéma, et ses deux enfants, voulait traiter de l'esclavage.
"Je n'arrivais pas à avancer quand ma femme m'a apporté le livre +12 Years a Slave+", raconte-t-il à la cérémonie des Baftas à Londres en 2014.
Ce livre autobiographique de Solomon Northup, musicien noir de l'Etat de New York, kidnappé en 1841 avant d'être vendu comme esclave, est une "révélation".
Avec Chiwetel Ejiofor, Brad Pitt et évidemment Michael Fassbender au casting, le film éponyme a remporté les Golden Globe, Bafta et Oscar du meilleur film. Une consécration qui le fera entrer dans le classement du magazine américain Time des 100 personnes les plus influentes dans le monde.
Depuis, il a renoué avec les courts-métrages, a tourné un clip de Kanye West tout en pilotant une mini-série pour HBO. Il travaille également à la réalisation de "Widows", un thriller avec l'actrice américaine Viola Davis.





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