Scolarisation et éducation: Quand le laxisme et la démission font le désarroi des parents


Azergui Mohamed (Pr. univ retraité)
Mardi 4 Septembre 2012

Scolarisation et éducation: Quand le laxisme et la démission font le désarroi des parents
« Si vous gâchez l’éducation de vos enfants, ce que vous pouvez réussir à côté, importe peu »    
J. F. Kennedy  

La faillite de l’école publique marocaine est un fait, au vu et au su de tous, au pays ou en dehors. Les responsables en sont, l’Etat, le système éducatif, l’arabisation à outrance, les enseignants, la société, mais aussi en grande partie la famille.  En effet, les parents découvrent de plus en plus, sans réagir que leurs petits ne réalisent que de bas scores scolaires. Les enfants dans l’incapacité de se mettre à niveau,  dissimulent ou pire, falsifient leurs notes durant des mois avant que les parents ne s’en aperçoivent. Ils ont peur de perdre l’amour des parents après avoir perdu l’estime du maître et des pairs.

Scolarisation et éducation: Quand le laxisme et la démission font le désarroi des parents
Découverts, ils commencent à détester la classe, l’école, le collège et le lycée et c’est l’école buissonnière. Les filles reviennent à la maison en prétendant l’absence du maître, une grève, ou tout autre prétexte. Pour éviter toute critique elles s’accaparent aussitôt rentrées, de la TV et plongent dans des feuilletons abêtissants et plus particulièrement ceux arabes. Les garçons eux, restent dans la rue au lieu d’aller en classe. Ils jouent aux cartes aux pas des portes ou au billard dans des salles insalubres et reviennent bien tard au foyer. Les parents plutôt soulagés de les voir rentrer n’osent pas leur demander de comptes.
Ces monstres en herbe ne termineront  qu’assez tôt leur cursus scolaire. Ils auront entretemps redoublé à plusieurs reprises d’où l’abandon précoce du parcours scolaire. Ils se donnent de fausses attitudes d’adultes forts,  fument avec gloriole dans les coins de rue, certains se droguent et boivent du vin dissimulé en limonade dans les escaliers sombres s’adonnant à l’autre école celle de la rue. Ils mentent par nécessité et volent ce qu’ils peuvent au foyer ou ailleurs pour leur consommation. Ils ont besoin de soigner leur look et se font des copines parmi celles qui sèchent les cours. Ils deviennent capricieux, méchants, révoltés, agressifs, despotes et même, tyrans envers leurs parents riches ou pauvres, instruits ou ignares qui auront toutes les difficultés à les contrôler et à les canaliser dans le droit chemin.  
Ces enfants si gentils avant, étaient pourtant, un objet de joie, de fierté et de bonheur. Par la force des choses, ils sont devenus source de tristesse, de honte, de malheur de chagrin et de peine pour leurs parents. Ceux, lucides s’attribuent une part de cet échec et se posent les vraies questions même les plus douloureuses. Ils se demandent où et quand ils ont manqué à leurs devoirs de père et de mère.  

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Dans les campagnes d’antan les enfants grandissaient du mieux dans la nature comme aurait dit Rousseau. Au Maroc nos bleds (tamazights) se vident et les bidonvilles de misère se remplissent partout dans les cités. Les enfants non encore scolarisés sont jetés tôt le matin dans les rues ou au mieux dans des « msids » piteux. Les parents qui ont donné vie à cette marmaille la laisse grandir dans les rues. Ils l’oublient et ne la chercheront qu’au plus tard pour la nourrir, la coucher qu’au plus profond de la nuit  histoire de se donner le temps d’en concevoir d’autres sans en chercher à connaître les conséquences.
Les parents, un ton, plus aisés mettent leur progéniture dans les maternelles à quatre sous qui pullulent dans les quartiers populaires. (garderies d’enfants où généralement ils n’apprennent rien). Sous d’autres cieux les maternelles représentent une étape importante du cursus scolaire. Là, les enfants apprennent à vivre avec d’autres enfants venus d’autres milieux (socialisations). Ils parlent vite un langage commun, développent leurs sens et leurs muscles. Ils s’initient aux symboles, à l’alphabet et aux chiffres.
La plupart des parents marocains, à tort, ne donnent pas de l’importance aux trois années qui précédent le CP (cours préparatoire). Les buts visés par l’enseignement primaire : c’est d’apprendre aux enfants à lire, à écrire et à calculer. L’école publique marocaine actuelle n’a plus rien de celle attrayante d’autrefois. Les programmes sont lourds, les classes sont surchargées et les maîtres dépassés et exténués. Ils ont un horaire infernal et ils sont tenus d’enseigner plusieurs niveaux et plusieurs matières. Ainsi l’enseignant de français est aussi chargé des mathématiques, et en plus, il doit le faire en arabe classique.
Les parents découvrent vite que les notes de leurs enfants sont souvent faibles en français et en mathématiques. Ces derniers devenus élèves affrontent seuls des obstacles, leurs lacunes s’accumulent. Leurs notes restent « correctes » dans ces deux matières car un peu gonflées. Mais elles dégringolent de façon continue et irréparable en fin de cycle à l’approche du CEP.  Rares sont les parents marocains qui font le suivi au jour le jour, des résultats et notes de leurs enfants Certains même, manquent  manifestement de moyens (ignorants, pauvres, ou très occupés par les soucis quotidiens).

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 Et en plus, ils manquent de vigilance envers la vie scolaire et éducative de leurs chérubins et ce, dès le primaire alors qu’ils se doivent de veiller à la bonne marche du cursus scolaire de leurs chérubins et de déceler à temps les premières difficultés, de contacter les enseignants afin de combler les lacunes existantes et y remédier par tous les moyens (achats de documents supplémentaires, révisions quotidiennes, aide par un tiers, associations de quartier et beaucoup d’affection pour l’enfant en difficulté).
Les parents restent fatalistes et défaitistes et ils en veulent à leurs enfants à l’école et bien souvent aux maîtres qu’ils accusent de tous les maux. Malgré cela et leur bas niveau la plupart des élèves passeront au collège pour laisser ensuite les bancs libres. Résultat l’échec en français et en maths est là en bonne gestation.
 Le collège au Maroc vise en principe: l’acquisition des savoirs fondamentaux (langues, maths, sciences), la transmission de la culture arabe (oubli délibéré de la culture amazighe), les valeurs religieuses et les règles de la vie en commun et rarement la tolérance, panarabisme et islamisme obligent. Au collège, les élèves se retrouvent avec ceux issus d’autres quartiers et d’autres milieux. Ils ont affaire à des professeurs spécialisés chacun dans son domaine, des contenus difficiles et exigences élevées. Aux difficultés déjà accumulées en français, mathématiques s’ajoutent celles des sciences physiques et sciences naturelles (SVT).

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En général les élèves sont bon en arabe et ce, à force de répétitions, et de conditionnements alors que nous sommes à quelques brasses de nage de l’Europe et à des milliers de lieux de l’Orient arabe. Les langues européennes (français, espagnol, anglais, italien, allemand) nous sont pourtant bien indispensables pour la vie moderne. Or, ces langues sont exclues de la rue, de la maison et des masses médias trop envahies par les chaînes arabes.
L’école initie avec peine à ces langues dans un contexte social rendu hostile par une démagogie islamiste.
 Par ailleurs, le niveau exigé en français en fin de ce cycle, classe de neuvième est élevé (textes, lectures, grammaires, conjugaisons, structures, lexique, thèmes, expression orale et écrite et.). Il est impossible à ces élèves de se hisser à ce niveau de langue sans une assistance hors école. En mathématique les notions deviennent de plus en plus abstraites (algèbre, géométrie, logique). Elles nécessitent les prérequis accumulés, supposés acquis mais qui en fait ne le sont pas. Les élèves pataugent en mathématique. Du coup les parents qui n’ont pas accordé l’attention nécessaire à leurs enfants se sont retrouvés désemparés. Résultats : A cause des maths et du français, leurs enfants ne franchissent pas ou franchissent avec peine le passage du collège au lycée. Or, à ce stade, les élèves ne sont plus des enfants mais des adolescent (es) et ne sont donc pas encore des gens mûrs car d’âge que l’on dit ingrat.
Là, les parents se doivent de faire preuve de beaucoup de patience, d’amour, tout en étant bien vigilants. Les élèves sont alors orientées. Soit ils accèdent aux branches littéraires soit à celles scientifiques. Dans les deux cas le français en plus de l’anglais prend de l’importance en vue des études  supérieures qui sont en français. Les élèves sont tenus d’étudier des œuvres classiques alors qu’ils n’arrivent même pas à lire !! Le tout est sanctionné par l’examen régional où la note de français a la part du roi et devient un boulet qui ampute le score final au bac. Par ailleurs pour les branches scientifiques les maths sont plus abstraites, les sciences physiques mathématisées et les contenus des SVT sont lourds et complexes. Les classes sont surchargées, il n’y a pas de TP, pas de TD. La biologie, la chimie, la physique se font avec de la craie au tableau non au laboratoire.
Les enseignants se transmettent, les élèves enregistrent pour restituer (bachotage et non apprentissage) Résultats : mis à part les filles et fils de riches (heures sup) et des enseignants (solidarité) les performances sont faibles. En général bien des parents se sentant désarmés et très tôt  démissionnent. Mais d’autres luttent et accompagnent coûte que coûte leurs enfants pour en faire des véritables candidats aux baccalauréats. Ils se seront sacrifiés pour l’achat de tous les livres (manuels, solutionnaires), pour les révisions et les cours du soir. Ils auront contacté les professeurs, participé aux réunions des associations des parents et autres et aussi bien pour la mère que pour le père force est de constater qu’ils se seront investis corps et âmes dans le projet éducatif de leurs ados.

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 Les filles issues de milieux pauvres découvrent dans cette atmosphère familiale de solidarité que leur salut face à une société phallocrate et à un éventuel mari macho est dans les études. Elles foncent et elles accèdent aux meilleures places, surtout lorsqu’elles ont une famille non démissionnaire et qui s’investit dans leur projet éducatif.
J’ai connu bien des familles démunies qui ont plusieurs enfants. La mère et le père peu ou pas instruits se sont investis avec leurs enfants dans leurs études depuis le « msid » jusqu’au terme de formation et d’insertion. Ils les ont laissé (tranquilles) une fois devenus hommes et femmes. L’école a instruit l’élève, eux ils l’ont éduqué et construit sa personne. Ils se sont sacrifiés et fait preuve de dévouement et de courage des années durant. Ils n’ont pas connu les divers plaisirs et vices de la vie urbaine (looks, cafés, bars, jeux, voitures, vacances, adultères). Ils ont transmis nos valeurs de persévérance et de tolérance venues de notre Histoire plusieurs fois millénaire Leurs enfants ont vite compris leur situation et ont pris conscience des sacrifices consentis par les parents. Ils ont senti leur autorité morale, se sont construis à leur exemple en travaillant fort. Ils sont devenus des techniciens, des ingénieurs, des PDG, des pharmaciens, des médecins, des avocats, des juges, de hauts fonctionnaires, des officiers, et des professeurs et épousé bien d’autres grands métiers.
Ces parents sont d’un autre temps. Ils n’ont jamais démissionné, ils ont gagné le respect des leurs et de la société. Ce qui n’est pas le cas d’une  grande majorité de parents qui aux premiers accrocs ont vite fait de baisser les bras devant leurs devoirs de mère et de père préférant à tort de se fier à l’école publique marocaine qui in fine, s’est avérée être en faillite et ce, depuis près d’un demi-siècle déjà. Quel gâchis !

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