Sarcelles n'est pas Gaza et les pro-Palestiniens ne sont pas antisémites


Par Mohamed Bentahar
Vendredi 25 Juillet 2014

Sarcelles n'est pas Gaza et les pro-Palestiniens ne sont pas antisémites
«Ne composez jamais avec l’extrémisme,
le racisme,
l’antisémitisme ou
le rejet de l’autre. Dans notre
histoire, l’extrémisme a déjà failli nous conduire à l’abîme. C’est un poison.
Il divise. Il pervertit. Le peuple juif a servi de soupape de
sûreté pour les classes dirigeantes».
Jean-Paul Sartre


Non Sarcelles n'est pas Gaza, et les pro-Palestiniens de France ne sont pas antisémites. «Ce conflit (bombardement de Gaza) a tué plus d’enfants que de combattants» rapporte Samah Soula, correspondante de France 2 à Gaza!   L’invasion de la Bande de Gaza ou le Vel d’hiv palestinien. Pendant ce temps-là, Manuel Valls déclare : s'en prendre à un juif, c'est s'attaquer à la France". Célébrant la sinistre Rafle du Vel d'Hiv, Manuel Valls a choisi ce moment et ce lieu de mémoire, pour parler des manifestations en faveur de la paix et de la fin du massacre qui se perpétue à Gaza. Pas un mot sur les morts de Gaza, les bébés tués, rien. Non ! Juste un parallèle entre ceux qui exigent la fin de la barbarie et qui mettent en cause les dirigeants d'Israël à des "antisémites". Venant du Premier ministre de la France, Espagnol devenu Français, qui sait plus que quiconque, que quand Franco - le fasciste - a fait un coup d’Etat contre la République espagnole, des hommes et des femmes sont venus de l'étranger à son secours. Nombreux étaient les Français qui se sont mêlés de ce combat! Juifs, musulmans ou non. Croyants ou pas. Manuel Valls leur adresse l’injonction : «Ne vous mêlez pas d’un conflit qui se passe loin de France. Ne vous mêlez pas de ce qui se passe loin de chez nous», tel est son message. Et ainsi place nette serait dégagée pour que s'amplifie le martyre du peuple palestinien. Expliquer que ce conflit risque de monter les communautés françaises les unes contre les autres, c’est transformer le conflit israélo-palestinien en guerre de religions. Ce n’est pas contre les juifs que luttent les Palestiniens mais contre une occupation israélienne. Et ainsi Manuel Valls envoie des signaux vers une communauté au détriment d'une autre.   Les Palestiniens combattent l’occupant israélien avant tout. «J’ai un ami juif et je veux le garder», me rappelle un ami de 30 ans!
Au rassemblement pour la Palestine, à Barbès, samedi dernier, un ami Joseph, la cinquantaine, et plusieurs jeunes manifestants qui l’entourent. L’un d’entre eux, l’index menaçant posé contre la poitrine de Joseph : "Toi le juif, dégage". Je suis ce dimanche matin 20 juillet (date, également, anniversaire des 70 ans de la tentative des généraux allemands pour tuer Hitler, le 20 juillet 1944) à la télé, à la cérémonie commémorative de l’opération "vent printanier", la Rafle du Vel d’Hiv, en hommage aux victimes de l’extermination et aux Justes qui ont sauvé l’honneur de la France. Le préfet lit, la voix brisée par l’émotion, le message du secrétaire d’Etat Kader Arif. J’avise Joseph en larmes, et qui me raconte ce qui lui est arrivé à la manifestation. Joseph n’est pas juif. Enfin il n’est pas juif «de race» selon le lexique de la déportation.  Joseph s’identifie à un destin qu’il fait, comme Guillaume Apollinaire, comme Charles Péguy, comme Maurice Blanchot, comme tant de Français illustres depuis l’Affaire Dreyfus, le sien. En particulier ce qui arrive à ces deux peuples le touche. S’y rendant souvent à Gaza et en Israël, il comprend, avec une empathie qui le déchire, la souffrance palestinienne et l’angoisse des Israéliens. Et naïvement courageusement, il se rend à la manifestation pour tenter d’apaiser, de discuter au milieu des slogans. Cet ami juif, militant des droits humains, m’expliquait qu’Israël n’est pas un Etat juif fasciste, que les Israéliens ne sont pas des nazis, sans ça il le combattrait! Que l’extraordinaire mobilisation qui a lieu aujourd’hui en France se traduise par cette parole terrible, dans la bouche de jeunes militants qui ne mesurent sans doute pas ce qu’ils disent, qui ne savent peut-être rien de l’histoire, de l’histoire de France ou de l’histoire de la Palestine, n’est-ce pas quant à la sincérité de cette mobilisation une question grave? Se soucie-t-on sincèrement du sort des Palestiniens (et, encore une fois, il faut absolument se soucier du sort des Palestiniens) si l’on ignore ce qu’ils sont et ce qu’ils vivent, si l’émotion exacerbée qui submerge les foules à leur propos doit se traduire par des paroles de haine, qui ont comme contrepartie le silence sur les 170.000 victimes de Bachar el Assad, les quelque 300.000 de Omar El Bechir au Darfour, les deux millions au Soudan,... et si le terme de "génocide" est utilisé parfois, qui sans apporter quoi que ce soit aux Palestiniens, représente un argument inespéré pour n’importe quel mouvement négationniste – et bien sûr d’abord pour ceux qui s’obsèdent haineusement et applaudissent en s’emparant avec avidité de l’expression "génocide des Palestiniens". "Toi le juif, dégage" : où en sommes-nous dans la France d’aujourd’hui ? Où en sommes-nous après les terribles incidents de Sarcelles ? En sommes-nous à ce point où un drame politique permet de revisiter le passé, de qui en leur nom d’anciennes victimes, un gouvernement extrémiste dirigeant Israël, endosse la totale responsabilité de ce qui s’apparente à «une extermination d’innocents en live», car il tue plus d’enfants que de combattants? Ou, serions-nous si faibles au point de se laisser berner par un discours très laxiste et très colonisateur d’un Netanyahou dont l’ADN est assaisonné de l’extrémisme de ses alliances politiques?  Sarcelles n’est pas Gaza. Les faiseurs de feu de tout bois, «Netanyahousés» à mort, arrosés au CRIF sans discernement, englués dans un va-tout prôné par des colons au gouvernement d’alliance des plus extrémistes du monde, comparent sans raison Sarcelles à Gaza.
C’est une comparaison urbanistiquement fausse, militairement absurde, idéologiquement néfaste et politiquement dangereuse que font les CRIF de Cuckerman et autres... De par leurs kippas, leurs barbes ou leurs soutanes, de par leurs croyances visibles ou tues, de par leur attachement à telle ou telle religion, ils n’en font qu’une identité : celles des Sarcelloises et des Sarcellois pour une République unique et indivisible. Alors pourquoi attiser une haine que des citoyens ont su battre depuis des décennies ? Dans quel but ?  S’indigner pour sauver la face ? Je ne peux que m’associer au cri de Hamid El Hassouni, Adjoint à la Mairie de Dijon, chère à un ministre important et qui plus est hollandais de la première heure. François Rebsamen, délégué à la jeunesse et à l'enseignement supérieur, parlant de «Frappe de l'armée Israélienne : moi socialiste !», car moi aussi je suis socialiste et Hollandais sans hésitation. Je le cite : «Pour la énième fois, Tsahal bombarde la Bande de Gaza, cette prison à ciel ouvert où vivent 1,5 million d'habitants prisonniers, survivants à l'embargo infligé par Israël. Coincés derrière le mur de la honte, des innocents (enfants, femmes et personnes âgées) meurent sous les tapis de bombes comme si l'apartheid qu'ils subissaient quotidiennement ne les avait pas achevés. L'émotion qui s'est répandue partout dans le monde et a ébranlé les opinions publiques s'est brutalement arrêtée aux portes des pouvoirs politiques. Moi socialiste, je dénonce les chefs d’Etat qui tolèrent ou justifient la répression orchestrée lâchement par Benjamin Netanyahu leader du Likoud ancré à l'extrême droite de l'échiquier politique israélien. Moi socialiste, je me demande qui aura le courage de rappeler à l'ordre Israël ne respectant pas les 71 résolutions de l'ONU, violant impunément la Convention de la Hague sur les crimes de guerre (1907), la Quatrième Convention de Genève (1949), la Convention relative aux droits de l’enfant (1989), le Pacte international des droits civils et politiques … la liste n'est pas exhaustive... Moi socialiste, comme des milliers de militants et des millions de citoyens, j'appelle à une prise de conscience collective pour trouver le chemin d'une paix juste sans parti pris.
Moi socialiste, je rêve d'un pays la France, berceau des droits de l'Homme et inspirateur des valeurs de paix et de fraternité, où nos gouvernants ouvriront les yeux sur la souffrance des Palestiniens, peuple opprimé, affamé, oublié, abandonné mais ô combien courageux! Où est la France, cette puissance qui avec  courage a fièrement dit non à la guerre en Irak? Moi socialiste, je revendique l'héritage de la Gauche. Le capital génétique de la Gauche a toujours été de dénoncer l'oppresseur et de porter secours aux faibles et aux opprimés de ce monde.... Est-ce devenu un lointain souvenir? Non, si j’interroge les militants et sympathisants ... Oui, lorsque j'observe le comportement de certaines élites bien pensantes. Le syndrome du palais a-t-il eu effet sur leurs valeurs ? Où est-ce la règle de rejoindre le parti des puissants lorsqu'on devient chef d'Etat? Les cauchemars de corps ensanglantés, les hurlements de femmes pleurant la mort de leurs enfants en bas âge ne hantent-ils pas leurs nuits? D'illustres personnages respectés mondialement tels Stéphane Hessel ou Nelson Mandela - source d’inspiration pour des millions de militants et sympathisants - ont porté haut et fort le flambeau d'un peuple palestinien libéré du joug de l'occupant. Des millions d’hommes et de femmes anonymes venus d’horizons divers ont repris le flambeau. N'en déplaise à ceux qui souhaitent par tous les moyens les bâillonner... Le remède se trouve au cœur des peuples où la conscience citoyenne s'est émancipée contrairement à nos dirigeants confrontés à la realpolitique...
Les pro-Palestiniens sont implicitement qualifiés de fauteurs de troubles mettant en danger l’ordre public. De qui se moque-t-on? N'est-ce pas caricatural voire injurieux un tel procès d'intention ? A-t-on entendu les autorités critiquer la Ligue de défense juive, groupuscule sioniste armé - interdit aux Etats-Unis mais toléré en France....- organisant des ratonnades lors des manifestations pro-Palestiniennes ? Réveillez-vous et écoutez les cris de colère de ces millions d'indignés. Je terminerai par une citation de l'illustre Stéphane Hessel: "Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous, d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux. Quand quelque chose vous indigne, comme j'ai été indigné par le nazisme, alors on devient militant, fort et engagé. On rejoint le courant de l'histoire et le grand courant de l'histoire doit se poursuivre grâce à chacun. A bon entendeur … "
Alors, ne restez surtout pas les bras croisés. Mêlez-vous de ce combat pour le droit, mêlez-vous de ce combat pour défendre des populations meurtries!  Défendez cette vérité sur le massacre car, disait Coluche, «on ne peut pas dire la vérité à la télé, il y a trop de gens qui regardent». «Sarcelles n’est pas Gaza : levée du blocus de Gaza et extension de la zone de pêche pour le Palestinien». Est-ce que la République est si faible au point de ne pouvoir rappeler d’une seule voix ce simple message ? Est-ce si difficile pour la République de rassembler ces citoyens de par leurs obédiences politiques et culturelles autour de ce seul et néanmoins légitime message ?


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