Risque de stress identitaire chez les Marocains des Pays-Bas


Par Omar El Bacha *
Mercredi 14 Octobre 2015

La communauté marocaine résidant aux Pays-Bas fait partie de ces groupements d’expatriés très mal fournis en apports culturel et cultuel d’origine. Cette pénurie est dangereuse car elle porte en elle les prémices d’une forte instabilité identitaire chez cette communauté, d’ici à l’horizon 2020.
En effet, faute de renforcement ou de renouvellement de ses ressources humaines, cette activité risque de s’estomper avec le temps et il y a péril que ces citoyens, n’ayant plus d’amarres ni de repères en provenance du pays émetteur, se retrouvent, par la force de cette précarité imposée, en situation de déperdition culturelle et d’errance identitaire.

L’inertie des
responsables


Depuis 2004, année de la décision unilatérale néerlandaise de mettre fin au financement de l’enseignement de la langue et de la culture d’origine,  ni le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, ni celui chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration, ni même la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, organisme officiellement en charge de ce dossier, n’ont jamais pu entamer de véritables négociations avec les autorités néerlandaises de tutelle afin de les convaincre de la nécessité de reprendre la coopération culturelle bilatérale.
Ces organismes auraient pu profiter de certains éléments perturbateurs de la conjoncture internationale pour inciter les Néerlandais à  s’asseoir à la table des négociations. Ils auraient pu brandir le spectre de l’extrémisme et du terrorisme pour leur imposer le principe marocain de précaution et de prévention par l’action culturelle et cultuelle, tant prisé par les hautes autorités marocaines et tant loué par la société internationale.

Un dispatching
difficilement explicable


La France, la Belgique et l’Espagne, avec respectivement 60,92%, 17,43 % et 10,22% du nombre total des enseignants de la langue et de la culture d’origine en Europe semblent mieux loties que les Pays-Bas (1,40%) où ne professent plus que 6 enseignants, après que l’un d’eux a été mis à la retraite.
Pour certains observateurs, cette disproportion dans le dispatching des enseignants augure tout simplement d’une absence de vision stratégique et d’une gestion chaotique d’un dossier ultrasensible. Pour d’autres, cela relève d’une volonté inavouable de culturellement marginaliser un peu plus une communauté déjà historiquement largement défavorisée sur le plan politique et économique.
Mais pour les principaux concernés, ceci ne peut être que l’émanation de l’intolérable inconscience qui caractérise tant les gestionnaires de ce dossier. Sinon comment justifier autrement cette grande disparité dans la vulgarisation du flux culturel et cultuel à destination des Marocains de l’étranger?
Comment expliquer une telle injustice en matière de distribution du patrimoine culturel et cultuel national? Comment comprendre que tant de générations d’enfants nationaux et binationaux des Pays-Bas soient ainsi jetées en pâture au prosélytisme idéologique des mouvements ne prêchant pas l’amitié, la cohabitation pacifique et le respect entre les peuples et les religions? Enfin, comment concevoir que ces enfants, culturellement et cultuellement mal outillés, puissent efficacement se prémunir contre de tels fléaux?

La solution des
compétences locales


Bien que l’on peine à objectivement s’accorder sur les réelles motivations ayant conduit à cette situation, il paraît que le facteur linguistique en est la clef de voûte. En effet, les personnes en charge de ce dossier sont, aussi aberrant que cela puisse paraître, presque toutes bilingues (arabe et français) et ne peuvent, par conséquent, se targuer de posséder les compétences nécessaires à l’ouverture d’un dialogue en anglais ou en néerlandais avec les dirigeants bataves. Aussi préfèrent-elles occulter le dossier, au lieu de tout simplement utiliser les compétences locales des Marocains des Pays-Bas, pour une meilleure communication et donc un meilleur traitement du dossier.
Après que la convention sociale entre le Maroc et les Pays-Bas a été renégociée sans l’implication des principaux concernés que sont les Marocains des Pays-Bas, la même erreur stratégique semble se répéter en matière culturelle et cultuelle. Ce genre de comportement est contre-productif. Il ne sert ni la nation ni la communauté marocaine à l’étranger.
Il ne fait que repousser un peu plus l’inéluctable échéance où l’on permettra aux élites marocaines, a travers le monde, de jouer le rôle qui leur incombe au sein des instances qui leur sont destinées. C’est dommage, c’est dommageable mais ce n’est pas irréparable.

 * Enseignant-chercheur et conseiller pédagogique et culturel à Amsterdam (Pays-Bas)


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