Rex Tillerson, un dirigeant pétrolier très proche de Vladimir Poutine


Jeudi 15 Décembre 2016

Rompu aux relations avec les chefs d'Etat, réputé pour son lien personnel avec Vladimir Poutine, le patron d'ExxonMobil Rex Tillerson, nommé mardi chef de la diplomatie américaine, va plonger dans l'arène politique après quatre décennies au service de la major pétrolière.
Carrure impressionnante, chevelure blanche, ce Texan de 64 ans inflexible en affaires et au ton sec n'a aucune expérience gouvernementale. Mais sa proximité avec le président russe a sans doute été déterminante dans le choix de Donald Trump, autant qu'elle alimente critiques et controverses.
Rex Tillerson personnifie l'une des priorités du président élu: le réchauffement des relations russo-américaines considérablement détériorées depuis l'invasion de la Crimée en 2014 par la Russie.
Le Kremlin a d'ailleurs rapidement réagi à sa nomination, saluant un "professionnel" qui a de "bonnes relations de travail" avec Vladimir Poutine et les autres responsables russes.
"C'est l'Américain qui a eu le plus d'interactions avec Vladimir Poutine à l'exception de Henry Kissinger", dit de lui John Hamre, de l'institut d'études Center for Strategic and International Studies (CSIS) dont M. Tillerson est membre.
Donnant très rarement des interviews à la presse, Rex Tillerson avait ouvertement critiqué en 2014 les sanctions occidentales contre la Russie qui empêchent entreprises américaines et européennes de faire des affaires avec Moscou.
Né à Wichita Falls dans le Texas, Rex Tillerson, ingénieur de formation ayant effectué toute sa carrière chez Exxon, a fait la connaissance de Vladimir Poutine dans les années 1990 quand il supervisait un projet de la major américaine sur l'île de Sakhaline. Leurs liens ont été renforcés quand le président russe a pris le pouvoir après la démission de Boris Eltsine le 31 décembre 1999.
Cette "amitié" sera couronnée par un accord historique signé en 2011 entre le géant énergétique public russe Rosneft et ExxonMobil pour explorer et forer ensemble l'Arctique et la Sibérie.
Signe de la confiance régnant entre les deux hommes, Rex Tillerson a reçu en 2013 des mains de Vladimir Poutine la décoration de l'ordre de l'Amitié russe.
Rex Tillerson a rejoint ExxonMobil en 1975. Il en a gravi tous les échelons avant d'en devenir le PDG en 2006, poste qu'il devait quitter en mars pour partir à la retraite.
Très discret malgré l'exposition que confère son poste de patron d'une multinationale au chiffre d'affaires approchant 270 milliards de dollars, il s'est toutefois beaucoup impliqué dans l'organisation des scouts américains. Il a ainsi pesé sur la décision de cette organisation en 2013 d'accepter des jeunes ouvertement homosexuels dans ses troupes.
En tant que secrétaire d'Etat, il devra gérer non seulement les relations avec la Russie mais aussi le dossier du nucléaire iranien --M. Trump veut revoir l'accord de 2015 conclu entre l'Iran et les six grandes puissances--, les différends avec la Chine et la tragédie syrienne.
Il sera aussi très attendu sur le climat, problématique sur laquelle il a envoyé des signaux plutôt contradictoires et où sa position semble plus nuancée que celle de Donald Trump.
Si ce passionné de chasse et de pêche ne nie pas la réalité du réchauffement climatique, ExxonMobil a résisté pendant son règne aux appels lui demandant de ralentir l'exploration et l'exploitation de nouveaux puits. Sous sa direction, la compagnie pétrolière a aussi investi plus de 30 milliards de dollars dans l'extraction du gaz de schiste.
Mais il s'est aussi prononcé en faveur d'une taxe carbone en 2009 alors que son prédécesseur, Lee Raymond, et M. Trump y sont opposés.
"Une taxe carbone est le moyen le plus efficace pour refléter le coût du carbone dans toutes les décisions économiques", avait-il plaidé.
"M. Tillerson est peut-être un ami de M. Poutine mais ce n'est pas un ami de la planète", dénonce toutefois l'ONG environnementaliste 350.org, qui appuie les enquêtes lancées récemment contre Exxon par plusieurs Etats américains sur le financement supposé de recherches climato-sceptiques.
S'il n'est pas un habitué des cercles diplomatiques, Rex Tillerson a une grande expérience des relations internationales au plus haut niveau. A la tête d'une major pétrolière présente dans plus d'une cinquantaine de pays, Rex Tillerson a côtoyé de nombreux dirigeants mondiaux. Très présent en Amérique latine, il avait par exemple retiré Exxon du Venezuela à la suite de désaccords avec l'ex-président Hugo Chavez.
Mais ces quarante années passées au sein de la compagnie pétrolière ainsi que sa position d'actionnaire du groupe --il détient actuellement plus de 150 millions de dollars-- nourrissent aussi des craintes sur d'éventuels conflits d'intérêt. Un tel passé pèsera-t-il sur les décisions qu'il prendra en tant que secrétaire d'Etat?


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