Regards croisés sur l’inspection pédagogique au Maroc et en France


Libé
Vendredi 1 Juillet 2011

Regards croisés sur l’inspection pédagogique au Maroc et en France
Dans le cadre de la coopération franco-marocaine dans le domaine de l’éducation et de la formation, le CFIE a organisé, en collaboration avec le SCAC et les responsables du projet PREF,  un stage  au profit des élèves-inspecteurs  du cycle secondaire collégial, spécialité langue française.  Ce séminaire, encadré par M. M’Barek Kaddouri, inspecteur coordonnateur central  et Mohamed Amattat,  directeur-adjoint du CFIE,  s’est déroulé  en France, à l’ESEN de Poitiers.  Le programme de ce stage  qui répondait au référentiel de formation, s’est réparti sur deux semaines : l’une a été consacrée au fonctionnement du collège, l’autre au fonctionnement de l’école primaire. Des inspecteurs d’académie, inspecteurs régionaux de lettres (IA IPR de lettres) et des inspecteurs nationaux de différents départements  français ont fait des interventions auprès des élèves-inspecteurs marocains  sur des thématiques diversifiées, suivies d’ateliers d’échanges entre inspecteurs français et élèves-inspecteurs marocains et de temps de mutualisation et de mise en commun.
Le stage a été une occasion pour confronter les pratiques des deux systèmes dans l’intention de prendre du recul épistémologique et de porter un regard lucide et conscient sur les enjeux institutionnels, méthodologiques et déontologiques qui sous-tendent les deux systèmes éducatifs. Une telle comparaison entre les deux systèmes ne peut être pertinente et porteuse de sens  que si d’une part, elle situe chaque système éducatif dans son contexte socio-historique et d’autre part, si elle met en évidence le rôle des inspecteurs pédagogiques dans le dispositif de la réforme éducative. Autrement dit, si, sur le plan épistémologique, et il est vrai, les deux pays sont pris, depuis le début de ce millénaire, par des enjeux socio-économiques internationaux liés à la mondialisation, il faut, toutefois apporter de la nuance et souligner que  le système français, pris par des enjeux migratoires et par le poids de son  héritage historique national, est condamné à répondre à cette identité culturelle européenne alors que le système éducatif marocain, lui, tente, à sa manière, de chercher sa propre voie afin de  s’engager  davantage dans la voie de la démocratie.
 Ainsi, ce séminaire de formation à l’ESEN, et au-delà de cette réflexion sur les points de similitudes et de divergences entre les systèmes éducatifs, a  constitué pour nous, élèves-inspecteurs, une opportunité  afin de suggérer quelques pistes concrètes. La question qui orientait notre approche des deux axes de pilotage et de management qui ont été abordés, à savoir l’organisation du système éducatif français  et les missions de l’inspecteur, était comment on peut dégager, à travers cette expérience, des lignes de force pour améliorer l’efficacité de notre système éducatif.

L’inspection générale

A travers les regards croisés entre les deux systèmes éducatifs, force est de constater une caractéristique majeure, sur le plan institutionnel,  du paysage éducatif français à savoir  le statut de l’inspection générale de l’éducation nationale (IGEN).  Placée sous l’autorité directe des ministres chargés de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche, l'IGEN exerce des fonctions de contrôle, d’étude et d’évaluation, et formule des avis et propositions concernant le fonctionnement et l’efficacité du système d’enseignement. Son programme de travail annuel est défini par les ministres dans une lettre de mission. Il comprend le suivi permanent des enseignements, de la politique éducative, des services et des établissements et la réalisation de missions et d’études thématiques dans les domaines de l’enseignement scolaire. Ces études thématiques font l’objet de rapports destinés aux ministres, qui peuvent être rendus publics.
L’IGEN peut être appelée à intervenir, à tout moment de l’année, sur des missions ponctuelles avec l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) ou dans le cadre de l’exercice de ses compétences. Elle peut également être amenée à rédiger des notes synthétiques sur un thème d’actualité ou concernant un champ particulier. Les inspecteurs généraux sont répartis en quatorze groupes : douze groupes disciplinaires, correspondant aux matières enseignées dans les collèges et les lycées ; deux groupes de spécialités: "enseignement primaire" et "établissements et vie scolaire".
Les activités de chaque groupe sont coordonnées par un doyen nommé par le ministre parmi les inspecteurs généraux du groupe, pour une durée de deux ans renouvelable deux fois.

Le corps d’inspection

Les inspecteurs généraux jouent un rôle spécifique au niveau de l’académie. Dans chaque académie, un correspondant de l’inspection générale de l’éducation nationale est nommé par le ministre parmi les inspecteurs généraux pour une durée de trois ans. Il est chargé de définir, avec les recteurs, le programme de travail académique des corps d’inspection territoriaux, de mettre en œuvre les missions permanentes et le programme annuel de l’inspection générale. Ils sont chargés de la mise en œuvre des orientations ministérielles de la  politique éducative qui s’inspire du cadre européen de référence.  Le socle commun des connaissances et des compétences traduit cette orientation philosophique d’appartenance. Il constitue le substrat de la politique nationale déclinée d’abord en projet régional, départemental et local sous la forme d’un projet d’établissement.   Le recteur de l’académie et ses conseillers (IA IPR) arrêtent des contrats d’objectifs  avec les chefs des établissements au niveau local. Ce s0ont  ces objectifs qui  constituent  le pivot du projet d’établissement qui est conçu selon des indicateurs de réussite chiffrés et qui s’étale, en principe, sur trois ans. Le recteur, à travers des lettres de missions,  engage et finalise l’action des inspecteurs afin d’atteindre les objectifs du contrat, ce qui constituera l’un des critères  d’évaluation du corps inspectoral.
Il faut cependant préciser que l’inspecteur n’agit pas seul pour accompagner ces projets  d’établissements et mettre en œuvre son plan d’action. Il  bénéficie du soutien d’une équipe de conseillers pédagogiques  reconnue sur le plan administratif et financier  et à qui il délègue certaines tâches. Ainsi, il peut participer, d’une manière efficace, au développement de son territoire  en harmonisant les orientations nationales, les commandes départementales et les spécificités du territoire qui lui est attribué.

La politique de
la déconcentration

Cette organisation du système éducatif français est la traduction pédagogique de la décentralisation dans laquelle  la France  s’est engagée depuis 1962.  Cette  déconcentration, comme on l’appelle en France, a permis au système de décentrer son pouvoir en termes d’indépendance pédagogique et d’autonomie financière que ce soit au niveau régional, départemental ou local.  L’inspecteur  à travers le croisement de ces trois regards  assure le recadrage de la politique pédagogique.
Il est vrai que le Maroc s’achemine vers cet horizon surtout avec le discours Royal  de 9 mars qui exprime cette volonté politique de s’engager davantage dans ce choix stratégique national du « régionalisme avancé ».   Cependant, la France, en raison de son Histoire,  a accumulé une culture régionaliste qui lui permet de mieux cerner  un  projet académique décliné en projets départemental et local. En plus, l’établissement scolaire a acquis un statut particulier. En effet,  l’école primaire  relève de  l’autorité des collectivités locales (la commune) alors que le collège est soumis à une double tutelle. D’une part, le ministère prend en charge le personnel pédagogique ; d’autre part, les collectivités locales s’occupent de tout ce qui est matériel didactique et pédagogique. Cette expérience de la double gestion du collège a facilité l’insertion de l’établissement dans son milieu socioculturel en adaptant  le socle commun aux spécificités régionales et locales.
Le cadre européen des compétences dont s’inspire le socle qui constitue une sorte de « Constitution pédagogique française » et la décentralisation qui prend en considération cette « identité  régionale »  ont permis au système éducatif français de s’inscrire à la fois dans une logique d’uniformisation (des diplômes, des parcours, sur le plan européen et mondial) et de différenciation (maintien de cette diversité culturelle).  Cette dimension «  globo-locale » a non seulement réconcilié les exigences de la mondialisation basée sur les lois du marché et  une perspective citoyenne mais également elle octroie au système éducatif une cohérence aussi bien sur le plan du discours qu’au niveau de la pratique pédagogique.
        
La cohérence du système
 éducatif français

En effet, cette cohérence du système éducatif français se manifeste : primo, dans l’architecture cyclique et inter cyclique d’apprentissage qui se fait à la base du socle commun des dix compétences et du livret personnel des compétences de l’élève en tant qu’outil du lien pédagogique et non administratif  qui assure la cohérence entre les cycles primaire et collégial. Secundo,  à travers la conception disciplinaire et interdisciplinaire  puisque la validation des compétences des paliers du socle se fait au moins à travers trois regards croisés de trois enseignants de disciplines différentes du fait que on procède par double mode d’évaluation : la notation et la validation des compétences.
*Elève-inspecteur   du cycle
 secondaire collégial, spécialité langue française.CFIE, Rabat.
A suivre...


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1.Posté par el houssaini le 10/07/2011 01:43
L'information contenue dans l'article est importante dans le sens où elle permet à son auteur de percevoir la différence entre le pays des Lumières et le nôtre. Un futur inspecteur ne doit pas être trop ébloui par ces Lumières au point se mettre dans la position d'un élève.

2.Posté par El yaagoubi ahmed le 13/07/2011 10:07
C est un article d'une importance capitale puisqu il met l' accent sur la cohérence intercyclique ,gage d 'une vision glabalisante et intégrée d'un systme d' éducation et de formation qui cible une école citoyenne,performante ,innovante et ouverte.
Cette synergie existe certes dans nos orientations officielles mais sur le plan pratique nous avons beacoup à faire pour la réaliser.
Je dirai sans réserve que toutes les défaillances dont souffre notre syst me vient de cet émiettement de la chose pédagogique.
C est ce regar croisé qu il faut cultiver parmi les professionnels de l education et d ela formation,comme l' ont bien précisé les participants durant la journée d'étude brillamment réussie ,organisée par l 'aref de taza al hoceima taounat.

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