Réforme de l'orthographe : vers la fin de l'accent circonflexe ?

Avant les professeurs et maîtres d'écoles, ce sont les éditeurs et auteurs des manuels scolaires qui vont devoir adopter ces changements orthographiques.


Mehdi Ouassat
Vendredi 5 Février 2016

On l'avait presque oubliée. Il y a 26 ans, les Sages
de l'Académie française ont pourtant bien voté une réforme sur l'orthographe censée suivre l'évolution de la langue française et faciliter son apprentissage par les enfants. Ce n'est désormais plus qu'une question de mois. A partir de septembre, la réforme de
l'orthographe fera son apparition dans les écoles françaises. Les enseignants sont donc invités
à prendre connaissance de ces nouvelles règles
orthographiques qui s'appliquent à 2 400 mots
de la langue courante, soit 4% du lexique.



Ecrire «nénufar» avec un «f» ne vaudra plus un zéro en dictée. La réforme de l’orthographe votée en 1990 par l’Académie française va finalement s’appliquer à la prochaine rentrée scolaire, en France. Ainsi, on pourra désormais écrire ognon au lieu d’oignon et nénufar plutôt que nénuphar. En tout, 2.400 mots ont subi un lifting. Certains mots comme portemonnaie ou millepattes perdent leur trait d’union. D’autres leur accent circonflexe, qui pourra désormais disparaître sur les lettres i et u. Les éditeurs de manuels scolaires préparent déjà la rentrée. Les nouvelles éditions à jour sont prêtes à sortir pour septembre. Mais la réforme, aux oubliettes depuis 26 ans, ne fait pas l’unanimité. «C’est vrai que l’accent circonflexe ce n’est pas grand-chose», reconnaît Julien Soulié, professeur de Lettres classiques, dans un entretien accordé à la chaine de télévision française TF1. «Est-ce qu’on supprime les dates de l’Histoire de France, sous prétexte que ce n’est pas facile à retenir? Non. Il est plus simple plutôt que de soigner le malade de casser le thermomètre et là en l’occurrence on casse le thermomètre plutôt que de soigner les difficultés en orthographe que connaissent les élèves d’aujourd’hui», déplore cet enseignant.
En effet, depuis l’annonce mercredi dernier de la mise en place d’une nouvelle réforme orthographique, on assiste à une levée de boucliers pour protéger l’accent circonflexe et l’orthographe du mot «oignon». Mais que dit véritablement le texte, qui n’a qu’une valeur de préconisation mais qui n’est, en rien, obligatoire, publié le 6 décembre 1990 par le Conseil supérieur de la langue française et remis au goût du jour, 26 ans plus tard ?
En introduction du document publié par le Journal Officiel, Maurice Druon, Secrétaire perpétuel de l’Académie française et auteur de la célèbre saga des Rois Maudits écrivait : «Il est apparu au Conseil supérieur qu’il convenait de conserver l’accent circonflexe sur la lettre a, e et o, mais qu’il ne serait plus obligatoire sur les lettres i et u, sauf dans les quelques cas où il est utile : la terminaison verbale du passé simple et du subjonctif imparfait et plus-que-parfait, et dans quelques cas d’homographie comme jeûne, mûr et sûr ». Dans ses préconisations, le CSLF revient sur l’histoire chaotique de cet accent et sur l’absence de cohérence dans certains de ses usages.
Dans ses recommandations, le CSLF préconise le retour à l’orthographe « nénufar » plutôt que l’actuel « nénuphar ». Un retour puisqu’en réalité cette orthographe est le résultat d’une erreur humaine datée de 1935.
Sur son blog, le réseau pour la nouvelle orthographe du français (RENOUVO) explique : « On a depuis toujours écrit nénufar, ce n’est qu’en 1935 qu’une erreur a été enregistrée dans le Dictionnaire de l’Académie française. On a cru à tort que ce mot était d’origine grecque et on a alors écrit nénuphar. Les rectifications viennent réparer cette erreur humaine de 1935. Par respect de son étymologie, on redonne aujourd’hui à nénufar la graphie qu’il avait en 1900, en 1800, en 1700… C’est le seul mot en français dont le ph a été rectifié récemment. Aucun autre ph n’a été touché».
Pour sa part, Maurice Druon nous a rappelé qu’il a été entendu que «les améliorations seraient fondées sur le souci d’utilité et que les travaux porteraient en premier lieu sur les points qui aujourd’hui posent le plus de problèmes, non seulement aux enfants mais aussi aux adultes, écrivains compris. Ce qui est proposé a pour objectif de mettre fin à des hésitations, à des incohérences impossibles à enseigner de façon méthodique ».
L’académicien rappelle également qu’il n’y a rien d’obligatoire, et qu’il n’est pas demandé à des générations de « désapprendre » ce qu’ils ont appris, mais simplement de continuer à faire vivre notre langue.


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