Raul Castro, le dernier homme fort de Cuba


Libé
Jeudi 27 Juillet 2017

A Cuba, personne n’a autant de pouvoir, d’autorité ni de secrets que Raul Castro. En tant que président, l’ancien général a pris le monde de court en tendant la main aux Etats-Unis et en réformant un des derniers systèmes communistes de la planète.
A 86 ans, son deuxième mandat touche à sa fin. Il a annoncé qu’il se retirait à partir du 24 février prochain pour laisser la main à la nouvelle génération.
Mercredi, le cadet des Castro préside pour la dernière fois la cérémonie du 26 juillet, journée nationale qui commémore l’acte de naissance de la révolution castriste: l’assaut raté contre la caserne militaire de la Moncada en 1953.
Aussi réservé et patient que Fidel était exubérant et bouillonnant, Raul a hérité le pouvoir de son frère malade en 2006. Tout en restant fidèle à l’héritage de son aîné a mis en marche une série de changements importants sur l’île, sans céder sur l’essentiel.
“Devant l’ennemi, nous ne devons pas donner l’impression d’avoir l’âme charitable”, avait-il affirmé dans un rare entretien accordé au Sol de Mexico en 1993, pour justifier sa réputation d’homme implacable.
Une intransigeance maintes fois démontrée. A la tête des forces armées révolutionnaires (FAR) pendant 50 ans, il a su transformer des troupes de rebelles idéalistes en un appareil militaire efficace de 300.000 soldats qui contrôle des pans entiers de l’économie (tourisme, agriculture).
Dans un geste qui avait marqué les esprits en 1989, Raul Castro n’avait pas hésité à soutenir la décision de justice de lever le pardon octroyé au général Arnaldo Ochoa: ce dernier sera fusillé avec trois autres officiers pour trafic de drogue.
Des dizaines d’opposants ont été libérés de prison par Raul Castro grâce à la médiation de l’Eglise Catholique, mais les dissidents affirment que les arrestations arbitraires se sont multipliées sous son mandat, même si elles sont généralement brèves.
“Changer ce qui doit être changé”: sous ses lourdes paupières cachées par des lunettes, Raul Castro défend la nécessité de réformes, tant qu’elles ne remettent pas en cause les acquis du parti unique.
Sous sa férule, le pays s’est ouvert à l’initiative privée, son gouvernement a levé les restrictions empêchant les Cubains de voyager à l’étranger et autorisé l’achat et la vente des voitures et logements par les particuliers.
Dans le cadre d’une “actualisation”, il a également ouvert son pays à l’investissement extérieur.
Après avoir longtemps préparé son peuple à une invasion américaine, Raul Castro annonce à la surprise générale en 2014 un rapprochement avec Washington, tournant la page de plus d’un demi-siècle de défiance et de tensions. En 2016, il recevait Barack Obama à La Havane.
Raul s’est “ouvert à des changements de politique, mais pas à celui du système politique lui-même. Il n’a jamais été question d’autre chose que du maintien du parti unique et d’introduction de doses d’économie de marché de façon partielle et limitée”, résume l’universitaire cubain Arturo Lopez-Levy, auteur du livre “Raul Castro and the New Cuba, a Close-up view of change.”
En novembre dernier, c’est Raul qui a annoncé au monde la mort de Fidel Castro, mais il n’a jamais fourni de détails sur ce décès. “C’est un homme de pouvoir parce que c’est un homme de secrets”, affirme l’homme d’affaires mexicain Mario Vasquez Raña, qui s’était entretenu avec lui en 1993.
Quant à savoir qui va lui succéder en février prochain, seul lui et ses proches le savent, même si son premier vice-président et numéro deux du gouvernement, Miguel Diaz-Canel, 57 ans, semble tenir la corde. Le futur ex-président devrait toutefois garder la main sur le Parti communiste cubain et maintenir l’armée sous son autorité.
Sur le volet personnel, l’ancien agent de Moscou et ami de Raul Castro, Nicolas Leonov, a évoqué dans un livre l’amour de Raul Castro pour les arbres, son goût pour la natation et les promenades et ses qualités de blagueur.
Raul Castro a été marié pendant 48 ans à Vilma Espin, sa compagne d’armes décédée en 2007. Il a trois filles et un fils, ainsi que neuf petits enfants et une arrière-petite-fille. Son fils Alejandro est un éminent colonel qui a représenté son pays de 2013 à 2014 dans les négociations secrètes ayant conduit au dégel historique avec les Etats-Unis.


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