Raul Castro : Le petit frère désormais orphelin


Mardi 29 Novembre 2016

Il n'a plus personne pour lui faire de l'ombre : Raul Castro, 85 ans, va enfin assumer seul l'héritage du pouvoir qu'il a reçu de son grand frère Fidel.
Pour Raul, la sortie de l'ombre est survenue en juillet 2006 lorsqu'un soudain problème de santé forçait Fidel à céder le pouvoir à ce discret cadet, qu'il a toujours présenté comme son successeur.
Raul Castro, ministre de la Défense depuis l'automne 1959, à l'aube de la Révolution cubaine, devait ensuite prendre officiellement la présidence du conseil d'Etat et du conseil des ministres en février 2008, Fidel renonçant à revenir au premier plan.
Aussi réservé et patient que Fidel était exubérant et bouillonnant, Raul s'est imposé peu à peu comme l'homme fort du pouvoir en écartant doucement les vieux compagnons de route que Fidel lui avait associés à l'été 2006 pour les remplacer par de fidèles militaires.
Le "commandant en chef" était resté premier secrétaire du Parti communiste de Cuba depuis qu'il l'avait fondé en 1965. Raul a également pris cette succession lors d'un congrès du PCC en avril 2011.
Sous ses lourdes paupières - qui lui valent le surnom de "Chinois" pour ses compatriotes et qu'il cache derrière de fines lunettes - Raul a l'oeil sur tout. Et malgré sa petite stature et sa maigre moustache qui n'a jamais rivalisé avec la barbe de son aîné, il sait taper du poing sur la table.
"Si nos ennemis en viennent à m'éliminer, d'autres viendront derrière moi, encore plus radicaux", avait publiquement clamé Fidel Castro en 1959 avant de désigner son jeune frère comme son successeur, rapporte l’AFP.
Depuis, la fratrie Castro a écrit une histoire unique de coopération au sommet, à la tête d'un pays qui a résisté plus d'un demi-siècle à l'adversité de la super-puissance américaine, à 150 km au nord de ses côtes.
Pour beaucoup d'historiens, c'est cette inébranlable alliance de Fidel et Raul qui a valu à Cuba de survivre, non seulement aux attaques de "l'ennemi impérialiste" américain comme ils l'appellent, mais aussi au lâchage d'un "grand frère soviétique" agonisant à la fin des années 1980.
Au côté de Fidel, stratège visionnaire d'un charisme débordant, imbattable pour résoudre une situation de crise, a toujours veillé l'inusable organisateur Raul qui a tissé patiemment la toile des allégeances et des fidélités au régime. C'est pour ses talents d'organisateur méticuleux que Raul se voit très vite confier par Fidel les rênes des "forces armées révolutionnaires". Ces mêmes talents porteront avec succès l'armée cubaine au coeur de l'Afrique, en Ethiopie et en Angola, dans les années 70 et 80.
C'est avec la même patience et la même minutie que Raul a procédé à la reconversion de l'armée en lui confiant des pans entiers de l'économie, première raison de la survie du régime dans les années 90.
Et ouvert Cuba à une économie de marché en autorisant en 2011 les Cubains à vendre leurs voitures et leurs logements et en les encourageant à quitter le secteur public pour devenir travailleurs indépendants.
Il a ensuite levé les sévères restrictions imposées aux voyageurs depuis 50 ans, une revendication essentielle d'une dissidence brusquement devenue plus discrète d'autant que le nouveau président a progressivement vidé les prisons de ses dissidents, privilégiant une répression moins axée sur les lourdes condamnations.
Enfin, il a été l'artisan du rapprochement historique annoncé fin 2014 avec les Etats-Unis, en adoptant une diplomatie plus pragmatique. Toujours inflexible sur l'essentiel, il a su donner les gages nécessaires à Washington pour initier ce dégel.
Alternant uniforme militaire, guayabera (chemise traditionnelle cubaine à quatre poches) ou costume croisé occidental, Raul Castro n'aime pas les médias, alors que Fidel en jouait avec délectation.
Homme de peu de mots, il est un ennemi de l'improvisation dans ses discours, lorsque Fidel n'a jamais été meilleur que lors des envolées lyriques dont il truffait ses interventions publiques.
Passant souvent pour un bon vivant au sens de l'humour subtil mais décapant, Raul a toujours exprimé un sens aigu de la famille, totalement à l'opposé de son frère.
Son épouse Vilma Espin, qu'il avait connue dans le maquis et épousée en 1959, a longtemps présidé la Fédération des femmes cubaines avant de décéder en 2007. Le couple a eu quatre enfants, dont Mariela qui dirige le Centre national d'éducation sexuelle et, se proclamant "révolutionnaire dissidente", milite activement en faveur des droits des homosexuels.


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