Raiola, de la pizzeria familiale à Football Leaks


Libé
Lundi 19 Décembre 2016

Il a commencé comme serveur dans une pizzeria d'Haarlem aux Pays-Bas. Au culot, avec son langage fleuri et ses transferts mirobolants, Mino Raiola est devenu depuis l'un des plus puissants agents. Et son nom apparaît en gros dans le scandale des "Football Leaks", sur l'évasion fiscale dans le foot-business.
Qui pouvait penser au début des années 90 qu'il organiserait 25 ans plus tard le transfert du joueur le plus cher du monde, Paul Pogba, passé cet été de la Juventus Turin à Manchester United pour 105 millions d'euros?
A l'époque, Raiola faisait encore le service dans le restaurant de ses parents, des Italiens émigrés aux Pays-Bas.
A Haarlem, jolie cité médiévale parfois appelée "la petite Amsterdam", le Ristorante Napoli est un endroit bien connu. Lorsqu'on s'y attable, on a vue sur l'un des nombreux canaux de la ville.
Nappes en lin, carrelage en terre cuite et, au mur, emblèmes du club de foot de Naples, la région d'origine des Raiola: la vaste salle mêle les styles italien et néerlandais.
Dans ce tableau très couleur locale, Mino Raiola n'est pas un argument publicitaire: lorsqu'on aborde le sujet, les employés sont réticents à parler de lui. Tout juste soufflent-ils qu'il vient manger là "à peu près trois fois par an".
"C'est là où les dirigeants du club du FC Haarlem avaient leurs habitudes", se souvient Edwin Struis, un journaliste local. "Qu'on lui demande ou pas, Mino leur donnait son avis sur tout, sur le club et sur le foot en général".
"A un moment donné, ces dirigeants lui ont simplement dit: +puisque tu en sais tellement, pourquoi tu ne rejoindrais pas la direction?+", témoigne encore Struis auprès de l'AFP.
Mino Raiola devient un temps directeur sportif du club, mais rapidement, le jeune homme a d'autres ambitions. Il s'intéresse au lucratif marché des transferts et se tourne vers l'Italie et la région de Naples, que ses parents ont quittée alors qu'il n'avait qu'un an.Très vite, il se constitue un carnet d'adresses et grimpe les échelons. Au début pourtant, "ils l'ont tous sous-estimé à cause de la manière dont il s'habillait", raconte à l'AFP Willem Vissers, journaliste sportif au De Volkskrant, un quotidien néerlandais respecté.
Chez Mino Raiola, la tenue est souvent rudimentaire. Il suffit de lire la manière dont Zlatan Ibrahimovic, alors prometteur attaquant à l'Ajax, décrit leur rencontre de 2003. "J'ai cru que c'était une blague. Il ressemblait à un type de la série Soprano, jeans, tee-shirt Nike avec un bide énorme", dépeint le géant suédois dans sa biographie "Moi Zlatan".
Le truculent agent, âgé de 49 ans aujourd'hui, enchaîne les gros coups dans les années 2000. L'arrivée du futur ballon d'or Pavel Nedved à la Juventus c'est lui, le tour d'Europe d'Ibrahimovic c'est encore lui, tout comme le transfert record de Pogba cet été.
C'est justement la gestion des droits à l'image de ce joueur qui est épinglée dans les "Football Leaks", enquête d'un consortium de douze médias européens. Raiola transfèrerait depuis cet été ces droits vers "une coquille offshore", à Jersey, île anglo-normande à la fiscalité avantageuse. Lui balaye des informations "imaginaires, inexactes ou en tout cas déformées".
Et il affiche sa réussite sans complexe. Raiola figure dans le Top 10 des agents sportifs les mieux rétribués en 2016, selon un classement du magazine Forbes, avec des recettes de 35 millions de dollars, sur les 356 millions négociés dans les contrats de ses joueurs.
"C'est le Donald Trump du football, une grande gueule qui sait se vendre et qui a réussi à édifier ses propres buildings. Chacun de ses joueurs a presque la valeur d'un building de Manhattan", dit à l'AFP Gaël Mahé, le fondateur de l'agence Sport GM, qui fut le premier représentant de Paul Pogba.
Sa gouaille et ses déclarations à l'emporte-pièce suscitent des polémiques en rafales. "Il a malheureusement un peu pris l'habitude d'insulter les gens. Il a la dent dure. Certains diraient que c'est un frimeur qui parle beaucoup pour pas grand-chose", tranche Edwin Struis. La cible préférée de Raiola: l'entraîneur Pep Guardiola, coupable de ne pas avoir apprécié "Ibra" à sa juste valeur au Barça. "Je ne l'ai jamais aimé, et je ne l'aimerai jamais", avait-il lancé sur la radio espagnole Pote.
En 2012, il commet aussi une crise de lèse-majesté dans un tabloïd néerlandais en traitant l'idole Johan Cruyff de "tête de nœud sénile", avant de s'excuser plus tard. Chez ses collègues agents, sa réussite reste un exemple et le transfert record de Pogba un modèle du genre, comme le dit Gaël Mahé. "Je dis bravo. C'est Raiola qui l'a valorisé à ce prix. C'est un coup de génie, prendre 25 millions d'euros sur un transfert, c'est Léonard de Vinci à ce niveau".

Doyen, plaque tournante des transferts épinglée

Le fonds d'investissements Doyen Sports, influent acteur du marché des transferts de foot, est dirigé par une fratrie d'oligarques kazakho-turcs aux méthodes douteuses, qui a recours à des prostituées, aux paradis fiscaux et aux commissions occultes, accuse Mediapart vendredi dans le cadre des "Football Leaks".
Les quatre frères Arif ont bâti leur empire financier en prenant le contrôle d'une usine chimique au Kazakhstan dans les années 1990 après l'effondrement de l'URSS, et c'est cet argent qui a servi à financer Doyen Sports (la branche sportive du groupe) à hauteur de 75 millions d'euros, dévoile Mediapart.
Leurs actifs sont déposés dans des "dizaines de sociétés offshore", dans des paradis fiscaux comme le Panama, l'Ile de Man, les Pays-Bas, Malte ou les Iles vierges britanniques, poursuit le média français.
Mediapart publie des échanges sur WhatsApp entre deux dirigeants de Doyen qui comptent amadouer avec des prostituées le président du Real Madrid, Florentino Perez, afin de faciliter le transfert du milieu français Geoffrey Kondogbia (qui passera finalement de Séville à Monaco puis à l'Inter Milan). M. Perez dit ne pas être allé à cette fête avec des prostituées à Miami en 2013.
Selon l'enquête, Doyen Sports a fait transiter au moins 10,8 millions d'euros de commissions occultes dans des paradis fiscaux pour faciliter les transferts de ses joueurs, dont Kondogbia, son compatriote Eliaquim Mangala ou le Colombien Radamel Falcao (qui joue aujourd'hui à Monaco).



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