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Quatre ans après l’adoption de la Constitution

Les Marocaines n’ont rien à célébrer


Narjis Rerhaye
Jeudi 2 Juillet 2015

Quatre ans après l’adoption de la Constitution
Quatre ans après et un même constat dressé à l’identique. Les femmes de ce pays sont le maillon faible de la Constitution adoptée un certain 1er juillet 2011. Rien n’a changé pour elles. Pire encore, les acquis sont menacés, des reculs sont enregistrés. Depuis l’avènement du gouvernement conduit par les islamistes, les Marocaines sont la cible régulière et systématique des gardiens du temple prêts à ériger des bûchers.
« Pourtant, la nouvelle Constitution avait suscité un espoir fou. Adoptée dans le sillage du Printemps arabe et des manifestations du Mouvement du 20 février, la Loi suprême a non seulement proclamé solennellement l’égalité entre les femmes et les hommes mais aussi posé l’exigence de la parité», rappelle cette activiste du mouvement féminin.
L’article 19 de la Constitution a en effet autorisé les rêves les plus fous d’une société dont la moitié est en quête de justice, d’équité, de dignité et d’égalité.
Intégré dans le titre II de la Constitution portant sur les libertés et droits, l’article stipule que « L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume. L’Etat marocain œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination ».
4 ans après l’adoption de la Loi suprême, l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination a bien fait l’objet d’une loi organique. Problème, ce projet de loi dont l’auteur est la ministre islamiste de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social, Bassima Haqqaoui, a été rejeté avec force par le mouvement féminin qui estime que cette instance a été «vidée de toute sa substance». Une commission scientifique présidée par l’ancienne doyenne de faculté Rahma Bourqia a bien travaillé sur le premier projet concernant l’Autorité pour la parité. Une version passée à la trappée   et qui  est loin d’être celle présentée par la ministre Haqqaoui.
 Pas question d’accepter une version minimaliste de l’APALD proposée par le projet de loi et  en contradiction flagrante avec les revendications des associations de défense des droits des femmes. «Ce projet de loi ne répond ni aux exigences de l’article 164 de la Constitution, qui a placé cette autorité avec les «Instances de protection et de promotion des droits de l’Homme», ni aux Principes de Paris. Telle que prévue  dans ce projet de loi, l’APALD ne pourra en aucune façon influer sur les politiques publiques relatives à l’instauration de l’égalité, de la parité et de la lutte contre les discriminations à l’égard des femmes. En fait, le texte proposé par Bassima Haqqaoui restreint les attributions de l’APALD et ne l’autorise qu’à  présenter un avis, des propositions, des recommandations et dans le meilleur des cas, cette instance constitutionnelle peut  organiser des formations  et élaborer des études»,  fustige l’une des fondatrices de l’Association démocratique des femmes du Maroc.
Les femmes, des lustres bien sûr !
 A l’évidence, les principes d’équité et d’égalité énoncés dans la Constitution ne représentent pas une priorité pour le gouvernement Benkirane. La conception du rôle de la femme dans la société telle que déclinée par le chef du gouvernement lui-même est significative d’un modèle de société rétrograde.  «Quand Benkirane compare les femmes à des lustres, ce n’est pas une boutade. Une telle comparaison est révélatrice de l’état d’esprit de celui qui est patron des islamistes au pouvoir », fait valoir ce député de l’opposition.
Un état d’esprit et une «philosophie» que porte le projet de réforme du Code pénal préparé par Mostafa Ramid, réputé être l’aile rigoriste du PJD. « Il ne faut pas s’y tromper. Derrière ces avancées, se niche le plus important aux yeux des islamistes, c'est-à-dire les jalons du projet de société qui est le leur. Avec eux, c’est le grand retour de la légalisation des crimes d’honneur.  Les rapports sexuels hors mariage entre deux adultes consentants continueront de conduire à la case prison», fait valoir ce défenseur des droits humains.
Autre «pratique» qui fait son grand retour, la polygamie au sein du gouvernement Benkirane.   « En fait, la polygamie est loin de gêner les islamistes du PJD. C’est même leur marque de fabrique qu’ils sont aujourd’hui en train de banaliser.  Et quand c’est un ministre, censé donner l’exemple, qui devient polygame en 2015, cela indique bien à quel modèle de société nous avons affaire », s’indigne cette avocate très engagée dans le milieu associatif.
Enfin, la réforme de la loi criminalisant l’avortement  a procédé du même esprit conservateur et loin du droit des femmes de disposer de leur corps.  Plusieurs voix de la société civile se sont élévées pour fustiger un « SMIG de revendications », des propositions en deçà des attentes, des recommandations minimalistes. La révolution n’a pas eu lieu ou presque sachant que d’autres rites, comme le hanafisme, autorisent l’avortement en cas de viol, d’inceste, de handicap mental, de malformation du fœtus.  Décidément, le Code pénal n’est pas près de se libérer de la doctrine malékite.
La Constitution marocaine revisitée a 4 ans. Triste anniversaire pour les femmes de ce pays qui n’ont rien, ou presque, à célébrer.


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