Quand les protecteurs se transforment en prédateurs


Par Margot Wallström *
Mercredi 10 Août 2011

Un examen détaillé de l’armée nationale de la RDC semble fournir les clés. Les Forces Armées de la République du Congo (FARDC) se composent d’environ cinquante factions armées différentes, assemblées suite à différents pactes de paix à travers la longue histoire de guerre du pays. Alors que cela a été naturellement un prix de la paix, dans ce composite de groupes ayant diverses histoires de violations des droits de l’homme, les droits de l’homme ont souvent été piétinés. De nombreux anciens rebelles, au passé de criminel et avec une forte allégeance persistante à leurs anciens leaders, ont été placés à des postes de haut commandement. Les salaires destinés à leurs soldats sont souvent détournés. Il n’y a aucun moyen de transport pour déplacer les troupes, obligeant souvent les soldats à marcher jusqu’à deux semaines pour mener à bien des opérations militaires, avec fréquemment un fusil sur les épaules, un bébé sur les bras, des ustensiles de cuisine sur la tête, leurs femmes marchant quelques pas derrière. Lorsqu’ils sont déployés dans des régions reculées, ils n’ont bien souvent ni nourriture, ni paie, avec un logement qui ressemble dans le meilleur des cas à un camp de réfugiés. Dans de telles circonstances, l’armée est incapable de ravitailler ses troupes, les laissant livrées à elles-mêmes en vivant généralement sur le dos des populations. Dans le pire des scénarios, les troupes vont saccager, détruire les propriétés, piller et commettre des actes de violence pour protester contre leurs conditions de vie – et dans le sillage le viol suit bien souvent.
La communauté internationale a pendant longtemps soutenu la réforme du secteur de la sécurité en RDC, en investissant dans la défense, le judiciaire et la police. Depuis 2003, on estime que l’Afrique du sud, l’Angola, la Belgique, la Chine, les Etats-Unis, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Banque Mondiale, les Nations Unies et l’Union européenne dépensent annuellement un montant estimé à au moins 40 millions de dollars US pour aider à réformer l’armée nationale Congolaise.
Malheureusement en RDC, des aspects essentiels de la réforme de l’armée ont été ignorés. La raison principale est le manque d’une stratégie coordonnée ou d’une doctrine commune pour la réforme du secteur de sécurité dans le pays. En se bataillant pour mener l’agenda de la réforme, les donateurs s’adonnent à des projets bilatéraux incohérents et décousus. A la place, ils devraient s’entendre ensemble avec le gouvernement de la RDC sur une doctrine commune traitant de questions telles que la mise en place d’une date butoir pour l’intégration de nouveaux éléments armés dans l’armée, de mécanismes de contrôle, une méthodologie commune d’entraînement, et enfin le désarmement, la démobilisation et la réintégration (DDR) de certains membres de cette armée pleine de lourdeurs qui ne sont pas en état de servir. Ceux qui semblent inadaptés devraient être déplacés vers d’autres secteurs intensifs en main-d’œuvre, notamment la construction d’infrastructures et de routes, ou encore l’agriculture.
Lorsqu’une armée se retourne contre son propre peuple, le monde doit être uni pour le dénoncer et s’engager à trouver des solutions pour redresser la situation. Les donateurs qui continuent à soutenir la réforme du secteur de la sécurité doivent tenir le gouvernement Congolais responsable d’assurer le respect des droits de l’homme.
Je mets au défi le gouvernement de la RDC de véritablement s’engager dans une approche complètement nouvelle, et je défie tous les principaux donateurs de n’accepter rien de moins.

* Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU chargé de la question de la violence sexuelle dirigée contre les femmes en temps de conflit armé.


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