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Quand la médecine légale flirte avec l’illégal : Avec des médecins légistes en trop petit nombre et des moyens de fortune, la tentation de la bricole se fait irrésistible


Hassan Bentaleb
Jeudi 30 Mars 2017

Les médecins légistes en formation menacent d’arrêter leurs études ou de changer de spécialité. Ils jugent inconcevable que le titre de médecin légiste soit accordé à des praticiens détenteurs de simples certificats de médecine légale accordés suite à de petites semaines de formation et sans obligation aucune de passer par quelque concours que ce soit.
« 12 médecins légistes sont en formation depuis novembre dernier. Ils sont censés faire un cursus de quatre ans d’étude pour devenir des spécialistes. Mais aujourd’hui, ils se posent la question de l’utilité de ces quatre longues années de formation  académique alors que certains de leurs pairs ont choisi une voie plus courte et extrêmement rapide », nous a  indiqué Ahmed Belhouss, professeur à la Faculté de médecine et de pharmacie et secrétaire général local du SNESup à Casablanca. Et de poursuivre : « En effet, il y a des médecins qui  décrochent des certificats de médecine légale suite à une formation superficielle de quelques semaines notamment en  autopsie alors la médecine légale dépasse ce seul domaine puisqu’il s’agit d’une spécialité de la médecine qui détermine les causes des  lésions et/ou du décès d'une victime liées à l'activité thanatologique ».
Selon notre source, ces médecins font une petite formation et demandent l’équivalence de leurs certificats au ministère de l’Enseignement supérieur et au Conseil des médecins. «  Il y a donc une injustice et cela pousse plusieurs futurs médecins légistes à s’interroger sur l’utilité de faire une formation de longue durée alors qu’il y a une voie plus courte et que la loi est claire. Celle-ci stipule que c’est le résidanat qui permet à chaque médecin généraliste de faire une spécialité après avoir passé un concours d’accès et un classement.  
Le  Pr Ahmed Belhouss estime que les diplômes et les certificats ne doivent pas être délivrés en dehors du cadre légal et que seules les universités et les facultés doivent avoir cette prérogative. « Ces dernières doivent garder le  monopole », nous a-t-il déclaré. Et de préciser : « ll ne s’agit pas d’un privilège mais plutôt d’une disposition édictée par la loi et qui se doit d’être respectée.  Notre vrai souci est de voir émerger des écoles, des associations ou des personnes physiques qui font de la vente de diplômes un juteux business alors qu’il s’agit d’une formation très importante qui peut causer des torts incommensurables aux justiciables».
En fait, le rôle de la médecine légale est crucial dans le domaine pénal notamment dans la constatation des violences physiques, psychiques et sexuelles, dans l’identification de l’auteur d’une infraction, dans la détermination de l’âge et de l’aptitude à la détention ainsi que dans l’investigation en cas d’allégation de torture et de détermination de la responsabilité pénale psychiatrique...  L’importance de la médecine légale est également patente dans le domaine civil puisqu’elle évalue les dommages corporels, la mise sous tutelle, l’expertise en responsabilité médicale ...
Une situation des plus compliquées puisqu’il y a pénurie de légistes au Maroc. «  Notre pays compte seulement 13 médecins légistes dont l’action ne couvre que cinq régions. Si ces futurs médecins mettent leur menace à exécution, le gap ne sera jamais comblé », nous a précisé le Pr Ahmed Belhouss. Et de conclure : « Il n’y a pas eu d’ouverture de postes budgétaires pour les médecins légistes depuis 10 ans. C’est suite à notre pression et à celle des instances internationales que les autorités ont finalement décidé d’en ouvrir une douzaine, décision que nous avons considérée  comme positive et importante. Mais on risque aujourd’hui de revenir au point de départ si ces 12 futurs médecins légistes rendent leurs tabliers après quelques mois de formation ou s’ils changent de spécialité ».


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