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Quand l'art prend les balles au bond à Rio


Mercredi 29 Juin 2016

Le visiteur arrose des plantes et cela déclenche une mitraillade, en tout cas son bruit: une exposition dénonce les violences policières et le sort réservé aux populations pauvres de Rio, derrière la magie annoncée des JO.
Loin des naïades en bikini des plages d'Ipanema et Copacabana, une douzaine d'artistes ont voulu traiter de manière "politico-artistique" l'image de la "Ville merveilleuse" donnée par la presse depuis la Coupe du monde de football en 2014 et à l'approche des Jeux olympiques (5-21 août).
"Nous profitons de ce moment avec les Jeux olympiques et de la surexposition de cette ville dont l'image est en quelque sorte survendue pour montrer d'autres côtés", explique à l'AFP Eduardo Bonito, le responsable de l'exposition au Centre culturel Helio Oiticica.
Les artistes ont travaillé pendant un mois dans une résidence culturelle de la Maré, un ensemble gigantesque de favelas, avant de présenter leurs oeuvres au sein d'une exposition évolutive.
"Il y a eu des injustices qui ont été commises à cause des structures construites pour les Jeux mais ce sont aussi des injustices que l'Etat commet fréquemment ici au Brésil", ajoute Eduardo Bonito.
"Tout est maquillé pour faire un beau spectacle, le spectacle du sport, mais au quotidien l'Etat tue les jeunes. Au quotidien, notre voix est étouffée", renchérit Wagner Novais.
A côté du jeune artiste, une banderole avec les cinq anneaux olympiques qui cerclent à la manière de médaillons les portraits des cinq jeunes garçons abattus par la police militaire fin 2015 dans une autre favela carioca, Costa Barros.
Cet épisode avait ému l'opinion publique, et les autorités de l'Etat régional de Rio avaient rapidement réagi en dénonçant elles-mêmes ces meurtres.
Les violences policières, et singulièrement contre les noirs, sont régulièrement dénoncées dans les zones les plus défavorisées de Rio.
De manière plus générale, le taux de criminalité, même s'il a sensiblement baissé ces dernières années, reste élevé à Rio, avec une moyenne de plus de 3 homicides par jour. Et l'implantation des UPP (unités de police) dans les favelas, décidée avant la séquence des grands événements du Brésil, semble tourner à l'échec.
"Mon but est de déclencher de l'empathie chez les visiteurs, qu'ils soient en connexion avec la douleur de l'autre", poursuit Wagner Novais. "Et j'ai donc voulu donner une image pour ce jeune (victime), un visage avec le T-shirt portant sa photo et son nom, c'est comme si c'était le corps du jeune. Et les paroles des familles (qui s'expriment dans une vidéo projetée sur un T-shirt), c'est comme si c'était leur voix".
Une touriste allemande ne peut réprimer ses larmes en écoutant parler l'une des mères des cinq jeunes.
Un peu plus loin, une photo montre une femme de dos, dont le débardeur jaune fluo tranche avec le bataillon de forces de l'ordre qu'elle défie. Des riverains des lieux où a été prise la photo ont écrit des messages autour d'elle, comme "Les balles perdues frappent toujours les mêmes" ou "Paix sans voix".
Au début de l'exposition étaient présentés les objets imaginés par l'artiste Rafucko sous le thème "MonstruaRio2016" (jeu de mots entre montrer et monstre), qui vendait des "anti-souvenirs de Rio 2016".
Il y avait par exemple une photo de la favela Vila Autodromo, détruite pour la construction du Parc olympique à Barra da Tijuca, sous la forme d'une carte postale contenant un morceau de mur, à l'image des souvenirs du Mur de Berlin vendus aux touristes dans la capitale allemande.
Il y avait aussi des petites voitures en jouet, mais criblées d'impacts de balles, ou encore une tasse avec la photo d'un responsable local de la sécurité et des soldats, et dans laquelle "toute boisson devient imbuvable".
Sa vidéo présentant ces "anti-souvenirs", devenue virale sur Internet, a suscité un début de polémique et aurait entraîné des pressions, qui auraient amené l'artiste à retirer ses œuvres.

 


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