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Monter sur un ring, le combat d'une vie pour Namibia

La princesse des arts martiaux


Libé
Mercredi 5 Août 2015

Le corps sculpté par un entraînement rigoureux, Namibia Flores est déterminée. A 39 ans, l'unique boxeuse de Cuba est lancée dans une course contre la montre pour réaliser son rêve d'athlète dans un pays où la boxe féminine n'est pas reconnue.
Depuis huit ans, mâchoire serrée et buste vers l'avant, elle n'a jamais baissé la garde contre ses partenaires d'entraînement, tous masculins. 
Petit bout de femme très tonique, Namibia suit la même préparation qu'eux et fortifie ses muscles en soulevant les mêmes pneus de camion, dans l'attente de l'opportunité de combattre en compétition et, qui sait, peut-être remporter un titre pour son pays.
Unique boxeuse connue de l'île, la sportive a probablement déjà laissé passer sa chance de participer aux Jeux olympiques, qui ont intégré la boxe féminine lors des JO de 2012 avec une limite d'âge fixée à 40 ans.
Mais Namibia espère toujours combattre pour son pays et se voit bien jouer un rôle d'ambassadeur pour "servir d'exemple aux autres femmes qui viendront après", rapporte l’AFP.
La boxe est traditionnellement très populaire à Cuba mais demeure le dernier bastion du "machisme sportif" local, alors que toutes les autres disciplines y sont ouvertes aux femmes, dont la lutte depuis 2007. 
Pour autant, si le sujet de la boxe féminine reste généralement tabou au sein des instances sportives cubaines, des sources proches de la Fédération nationale de boxe ont indiqué à l'AFP que l'ouverture de ce sport aux femmes était "en négociation", ce qui donne à Namibia des raisons d'espérer.
"Je ne vois pas ce qu'il y a de dangereux pour les femmes", réagit la boxeuse, tempes rasées surmontées d'un chignon, avant d'enfiler son casque en mousse et de rejoindre sur le ring Jonathan, un robuste amateur de 23 ans qui la dépasse d'une bonne tête.  Trempée de sueur dans la touffeur estivale qui gagne ce gymnase décrépit du quartier populaire de Marianao (ouest de La Havane), elle envoie un direct du gauche, espérant faire céder la défense de son adversaire, puis enchaîne avec un percutant swing droit en expirant bruyamment.
"Namibia a une bonne résistance physique, une bonne technique, elle frappe fort", observe le souffle court Jonathan, qui est depuis huit ans son sparring partner (partenaire d'entraînement).
"Il y a des femmes, comme Namibia, qui portent en elles une telle adrénaline... Elles ont besoin de libérer cette énergie", explique de son côté Isidro Barzaga, l'entraîneur de l'athlète de 54 kg.
En observant sa protégée, Isidro confie qu'il "aimerait qu'elle et d'autres puissent accomplir leur rêve".
"Je ne vois pas en quoi la boxe ôte de leur féminité aux femmes, la femme est féminine à n'importe quel moment, dans n'importe quel sport", commente Jonathan.
Certains se rappellent qu'en 2009, Pedro Roque, alors directeur technique de la boxe cubaine, avait déclaré que pour protéger la "beauté" féminine, il ne fallait pas que les femmes reçoivent des "coups sur le visage".
A l'époque, la discipline commençait à peine à prendre son envol dans le monde après des années de rejet par les instances sportives.
Trois ans plus tard, M. Roque émigra aux Etats-Unis pour prendre la tête des équipes de boxe amateur de ce pays... dont les catégories féminines.
Licenciée en sport, Namibia a commencé le taekwondo à 15 ans puis elle a rapidement découvert la boxe, tout en continuant les arts martiaux mixtes, très en vogue à Cuba.
Aujourd'hui la boxe est son sport, sa passion, sa vie. "Grâce à la boxe, je peux évacuer l'énergie négative que j'accumule à la maison, au travail, jour après jour", explique l'athlète, qui à la ville travaille pour de petits entrepreneurs privés.
Croiser les gants avec des hommes quotidiennement la fait se sentir "comme une princesse dans un château bâti par les pratiquants des arts martiaux", confie-t-elle, le regard brillant.
Sur le ring, "j'en domine certains" mais "d'autres me surpassent", admet Namibia.
En mars dernier, elle a pu se rendre aux Etats-Unis pour assister à la projection d'un documentaire qui lui était consacré: "Boxeuse", de Meg Smaker. Elle a voyagé dans plusieurs villes et reçu un certain nombre d'offres pour représenter des clubs américains en compétition.
Mais elle assure qu'elle "ne compte pas abandonner Cuba". 
"Pourquoi combattre pour les Etats-Unis (...) si j'ai appris la boxe ici ?", coupe-t-elle, avant de rejoindre son entraîneur pour terminer son éprouvante séance.


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