“Mon Frère et son semblable”


Jeudi 18 Septembre 2014

“Mon Frère  et son semblable”
C’est une belle idée qu’a eue Ahmed Bouzfour de réunir ses recueils de nouvelles dans un même volume au titre aussi sobre qu’éloquent, «Diwanou Sindibad».  Ces nouvelles aussi fascinantes, les unes que les autres, sont sans conteste de véritables petits 
chefs-d’œuvre de la littérature marocaine.
«Mon frère et semblable» 
(Bhal khouya)  illustre l’un 
des multiples dispositifs que 
l’écrivain déploie par le 
truchement d’une écriture 
fine et inventive : le narrateur 
a son double qui réfléchit 
l’air de famille des deux 
personnages: le fumeur 
et son semblable.
 
«Nous étions au café. Un de mes amis m’interpella sur ce qui est arrivé à mon frère. Je me mis alors à relater l’histoire une seconde fois :
Alors que mon frère est attablé au café, il est, bien que fumeur,  indisposé par un quidam, assis derrière lui à une table voisine, qui souffle sur son cou une fumée de cigarette abominable. Saisi d’une toux, mon frère déplace légèrement sa chaise. Mais l’abominable fumée envahit ses yeux, son nez, sa gorge, son pharynx, ses poumons, son esprit. Il se lève brusquement et apostrophe le quidam en vociférant : «N’enfume pas mon esprit». L’étrange c’est qu’en racontant cette histoire, j’entends bel et bien un voisin relater à ses interlocuteurs : «Il se lève brusquement et apostrophe le quidam en vociférant :  N’enfume pas mon esprit».
Ebahi, je me tais et le regarde poursuivant son histoire pendant que mes amis me réclament la suite de la mienne. Je poursuis : «Le quidam riposte violemment si bien qu’ils en sont arrivés aux mains. Mon frère a eu une plaie profonde sur la joue droite, peut-être à cause d’un bris de verre. Ses camarades l’accompagnent sur le coup aux urgences. Le médecin de garde n’était pas là. Il a fallu l’attendre plus d’une heure tant les soins prodigués par l’infirmière n’étaient pas suffisants. J’interromps ma relation. Mon ébahissement se transforme en une sorte de gêne car le conteur voisin assène: «une plaie profonde sur la joue gauche,  peut-être à cause d’un bris de verre. Ses camarades l’accompagnent sur le coup aux urgences ». Mes amis insistent : et après ? Le médecin est-il arrivé ? Je réponds : Le médecin rejoint finalement son service. Savez-vous qui c’était ?...Le quidam avec lequel mon frère s’est disputé. Mon frère et le médecin sont si fort surpris qu’ils restent muets. Le médecin accomplit son travail à la perfection : il désinfecte la plaie et fait les points de suture. Aussitôt qu’il termine, il tend la main à mon frère :
-Mes excuses, je ne sais pas ce qui m’a pris. Je devais être dans un état anormal.
Mon frère sourit et lui tend le paquet de cigarettes  : Passons ! Prends une cigarette.
Le médecin répond fermement : non, j’arrête de fumer aujourd’hui. Mon frère froisse le paquet et le jette en faisant : moi aussi.
Le rire de mes amis s’élève et leurs commentaires abondent cependant que j’entends bel et bien mon voisin poursuivre sa narration: «Mon frère froisse le paquet et le jette en faisant : moi aussi».
Le conteur se tait. Je me tourne vers lui, le visage renfrogné. Il me regarde en souriant et tend son index vers moi en disant tout simplement : «Comme ton frère».
 


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1.Posté par taouil redouane. le 18/09/2014 09:52
Prière d'indiquer que le nom du traducteur.

2.Posté par taouil redouane le 18/09/2014 22:13
La traduction de cette nouvelle est due à TAOUIL Rédouane.

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