Meryem Alaoui en lice pour le Goncourt

Le premier roman de la jeune écrivaine fait partie des 15 titres sélectionnés


A.A
Lundi 10 Septembre 2018

“La vérité sort de la bouche du cheval” de la Marocaine Meryem Alaoui est en lice pour l’édition 2018 du prix Goncourt. Le jury de la plus prestigieuse des récompenses littéraires du monde francophone a dévoilé vendredi à Nancy sa première sélection de 15 titres dont 5 premiers romans. C’est une sélection qui fait la part belle aux premiers voire aux deuxièmes romans : Meryem Alaoui, Inès Bayard, Pauline Delabroy-Allard, Adeline Dieudonné qui entrent en littérature; et Guy Boley et David Diop qui signent leur deuxième titre.
Écrit à la première personne comme un journal, dans une langue unique -un français du Maroc populaire truffé d’énergie et d’images truculentes- “La vérité sort de la bouche d’un cheval” (Gallimard) est un ouragan, comme son personnage principal, une jeune prostituée marocaine pleine d’intelligence et de ressources au caractère bien trempé. L’histoire : 2010, Jmiaa, prostituée, vit seule avec sa fille dans un petit appartement dans un quartier du centre de Casablanca. Deux matelas, une table en bois, une armoire, “on en a vite fait le tour”. Pour Jmiaa, la vie suit son cours, entre les passes, les virées nocturnes bien arrosées avec son amoureux Chaïba et ses copains, les palabres et rigolades avec les copines et la télévision… Depuis peu Halima s’est installée dans son petit logement. On lui présente Hacine, un colosse balafré, qui deviendra son proxénète.  “Ça impressionne, c’est pour ça qu’on travaille pour lui. On est tranquilles”. D’autant qu’il ne supporte pas qu’on manque de respect aux femmes…
Rédigé comme un journal, à la première personne “La vérité sort de la bouche du cheval” est un geyser. Le personnage de Jmiaa, intelligent, brut de décoffrage, sait décrire avec une justesse déchirante et un humour à toute épreuve le monde qui l’entoure, la dureté de la vie, le quotidien calamiteux du Maroc pauvre, l’hypocrisie, la violence, les dérives de la religion, la corruption, mais aussi les moments de plaisir et de joie, l’amitié, l’amour, la solidarité. On rit, on pleure, on ne lâche pas ce morceau de bravoure, emporté par cette langue unique, rythmée, truffée d’images truculentes et inventives, cette oralité couchée sur le papier avec un talent époustouflant. 
Ce roman de Meryem Alaoui, comme “Camarade Papa” (Alttila), du Franco-Ivoirien Gauz, comme “Les cigognes sont immortelles”, du Franco-Congolais Alain Mabanckou, ou encore “Là où les chiens aboient par la queue” de la Guadeloupéenne Estelle-Sarah Bulle, ne se contente pas d’un français académique desséché, appris dans les écoles de la République.  Il offre une langue enrichie, qui pioche dans le français bien sûr, mais aussi et surtout dans le parler populaire, dans la langue d’origine. Un métissage dosé d’une bonne pelletée d’inventions. Une langue vivante quoi ! Et, cerise sur le gâteau, ce premier roman sans tabou, sans jugement moral, est aussi un livre hautement politique, comme le sont les brûlots, une distance habilement maintenue grâce à l’humour. Bref, précipitez-vous sur “La vérité sort de la bouche du cheval”, un premier roman très réussi de cette rentrée littéraire 2018.
Il est, par ailleurs, à noter que le jury, présidé par Bernard Pivot, est composé de Pierre Assouline, Tahar Ben Jelloun, Françoise Chandernagor, Philippe Claudel, Paule Constant, Didier Decoin, Virginie Despentes, Patrick Rambaud et Eric-Emmanuel Schmitt.
La deuxième sélection sera annoncée le 2 octobre, alors que la troisième, avec quatre écrivains en lice, le 30 octobre. Le nom du lauréat du prix sera quant à lui dévoilé le mercredi 7 novembre.
Rappelons enfin que le Goncourt 2017 a été attribué à Éric Vuillard pour ‘’L’Ordre du jour’’ paru aux Éditions Actes Sud. En 2016, c’est Leila Slimani, une autre Marocaine, qui l’avait remporté pour ‘’Chanson douce » parue chez Gallimard.
 


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