McGuinness, de l'IRA au pouvoir Le lent cheminement vers la paix


Vendredi 24 Mars 2017

McGuinness, de l'IRA au pouvoir Le lent cheminement vers la paix
Figure de l'Armée république irlandaise (IRA) et du Sinn Féin, Martin McGuinness, mort dans la nuit de lundi à mardi à l'âge de 66 ans, a incarné l'image de la guerre puis de la paix en Irlande du Nord.
L'ancien paramilitaire, qui a fait de la prison pour avoir transporté des explosifs, s'était mué en homme politique promoteur du processus de paix, un parcours qui lui attire respect mais aussi haine.
Né le 2 mai 1950, James Martin Pacelli McGuinness a grandi dans le quartier catholique déshérité du Bogside, à Derry. Deuxième enfant d'une famille de sept, il quitte l'école à 15 ans. Le refus d'un mécanicien du coin de le prendre comme apprenti, parce qu'il est catholique, forgera sa conscience politique. A 16 ans, il devient commis-boucher.
Dès 1968, il rejoint le mouvement catholique des droits civiques, puis deux ans plus tard le parti Sinn Féin. Pendant ces années, il est perpétuellement paré de son béret de "guérillero" à la Che Guevara.
Il intègre l'IRA, au sein de laquelle il occupe vite un poste de responsabilité.
McGuinness reconnaîtra en 2001 - brisant le code d'honneur qui impose le secret à ses membres - avoir été le numéro deux de l'IRA à Derry pendant les événements du "Bloody sunday", lorsque 13 républicains ont été tués par l'armée britannique, le 30 janvier 1972.
S'il a réussi à échapper aux prisons britanniques en Irlande du Nord, il est emprisonné pendant six mois en République d'Irlande en 1973 après avoir été arrêté avec 113 kilos d'explosif et près de 5.000 munitions dans une voiture. Lors de son procès, il se déclare "très, très fier" d'être un membre de l'IRA et de se battre contre "l'assassinat de notre peuple".
La presse britannique le qualifie bientôt de "plus dangereux ennemi de la Couronne". Les protestants nord-irlandais le surnomment le "parrain des parrains".
Mais en coulisses, McGuinness joue déjà les intermédiaires avec Londres. Dès 1972, il rencontre secrètement des membres du gouvernement britannique. Il s'engage progressivement en faveur de la paix et il est considéré comme l'un des pères de l'aggiornamento républicain.
Devenu numéro deux du Sinn Féin, il œuvre dans l'ombre de Gerry Adams.
De toutes les tractations secrètes, il tient un rôle prépondérant pour arracher à l'IRA les cessez-le feu de 1994 et 1997. Cette année-là, il est élu au Parlement de Westminster à Londres mais refuse d'y siéger pour ne pas prêter allégeance à la reine dont il ne reconnaît pas la souveraineté sur l'Irlande du Nord.
Négociateur de l'Accord du Vendredi Saint qui mettra fin à trois décennies d'un conflit contre l'autorité britannique qui a fait plus de 3.000 morts, il est entre 1999 et 2002 ministre de l'Education dans un gouvernement d'union avec les protestants unionistes.
Il est aussi perçu comme celui qui a convaincu l'IRA de s'affranchir définitivement de son passé, en démantelant son arsenal en 2005.
En mai 2007, il est nommé vice-Premier ministre de son ancien ennemi, le protestant Ian Paisley.
En juin 2012, geste hautement symbolique, il échange une poignée de main avec Elizabeth II lors d'un événement culturel organisé en Irlande du Nord à l'occasion du jubilé de diamant de la reine.
"Au revoir et que Dieu soit avec vous", lui déclare-t-il en gaélique, avant de lui traduire ses propos en anglais.
Auparavant, il avait achevé sa rédemption aux yeux de certains en condamnant en des termes implacables les meurtres, début 2009, de deux soldats et d'un policier.
Mais les familles des victimes des bombes de l'IRA sont loin de lui avoir pardonné. "Qu'il aille rôtir en enfer pour l'éternité", a réagi mardi l'ancien ministre conservateur Norman Tebbit, dont la femme est sortie paralysée d'un attentat en 1984.
Après dix ans au poste de vice-Premier ministre, McGuinness avait démissionné début janvier. Déjà gravement malade, il avait renoncé à se représenter aux élections régionales de mars et avait annoncé son retrait de la vie politique.
Père de quatre enfants, poète, joueur d'échecs et amateur de pêche à la mouche, il espérait toutefois continuer "à être un ambassadeur de la paix, de l'unité et de la réconciliation".


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