Maria, Manuel et Julio, manifestants cagoulés au Venezuela


Libé
Lundi 29 Mai 2017

Une jeune femme sort de l'égout où elle se cache chaque nuit après les marches de l'opposition à Caracas. 
Elle enfile son casque et prépare son bouclier de fortune pour affronter les forces de l'ordre "jusqu'à ce que cette dictature tombe".
Maria, 30 ans, fait partie des "guarimberos", ces manifestants cagoulés que l'on voit depuis bientôt deux mois apparaître en tête des cortèges contre le président Nicolas Maduro dès que les heurts éclatent.
Ils sont équipés de projectiles en tout genre, de masques à gaz et de protections bariolées.
Les analystes sont catégoriques: ce groupe informel, qui ne peut pas être comparé au mouvement des "indignés" espagnols, ni aux militants anarchistes du Black Block, ne sont pas des membres de l'opposition vénézuélienne.
"Ces jeunes hommes ne rentrent pas dans un cadre. Il y a des groupes de guerriers, d'autres qui croient qu'ils sont dans un jeu vidéo et certains qui sont complètement oligophrènes (faibles d'esprit). 
C'est tragique, car ils risquent leurs vies, mais ce qui est très clair, c'est qu'ils ne font pas partie de l'opposition", souligne la sociologue Colette Capriles.
Les "guarimberos" sont parfois opposés aux "colectivos", des bandes de civils armés par le gouvernement, ce que réfutent les analystes.
"Ils ne sont pas comparables avec les +colectivos+ chavistes (du nom du défunt ex-président Hugo Chavez, 1999-2013, ndlr). Les +colectivos+ sont professionnels, pratiquement des corps de l'Etat, des (groupes de) gens encouragés par le gouvernement", fait valoir Colette Capriles.
Les violences qui entourent régulièrement les défilés ont déjà fait plus d'une cinquantaine de morts.
"La peur est toujours là. Elle te pousse vers l'avant", dit Maria, la main sur le coeur.
Juste derrière elle, Manuel, 18 ans, sort également de l'égout.
"Jusqu'à ce que ce gouvernement tombe, je ne vais pas arrêter de me battre", assure ce père d'un garçon de deux ans, dont la main gauche, brûlée par une bombe lacrymogène, porte une marque indélébile, tel un tatouage.
Le gouvernement les traite de "terroristes", tandis que d'autres voient en eux des "héros". 
Certains mettent en garde contre l'infiltration de "délinquants" ou de "vandales" parmi eux, profitant du chaos ambiant pour voler et piller. Il y aurait même des "infiltrés" du gouvernement.
Eux-mêmes se définissent comme la "résistance".
Tous les matins, les "guarimberos" se retrouvent à 6 ou 7 heures du matin sur l'élégante place Altamira, dans un des quartiers les plus chics de Caracas.
En buvant du café, ils préparent les actions de la journée, entourés des fleurs jaunes et rouges des jardins. 
Si aucun ne vit là, ils reçoivent de l'aide des habitants: nourriture ou boissons, et parfois un lieu pour se doucher ou des matelas pour dormir.
"C'est chaque jour un peu plus difficile. On est prêts à tout. C'est de l'adrénaline dirigée contre eux", le camp du pouvoir, explique Alejandro, 19 ans.
Comme les sympathisants antichavistes, ils critiquent la "dictature" du président Maduro, en ont "marre" des pénuries de produits de base, comme la farine ou le riz, et de médicaments.
Entre eux, ils reconnaissent avoir des différences: certains parlent de "défense", d'autres de "guerre". 
Monter en première ligne face aux gardes militarisés lourdement équipés ou ériger des barricades avec des meubles, des détritus brûlés ou des fils de fer, chacun sa spécialité.
On va "continuer et continuer jusqu'à ce qu'on nous tue", assure Julio, leur leader âgé de 28 ans, technicien automobile.
"Comment je suis devenu +guarimbero+?, Par haine", répond-il. "Si j'attrape un chaviste, je le brûle sur place", ajoute Julio.
Plus rien ne compte, dit-il, si ce n'est changer de gouvernement. Peu lui importe si ses actions violentes font du tort à l'opposition ou sont récupérées par le gouvernement.
"On n'a rien à voir avec l'opposition, on ne les aime pas non plus", lâche-t-il.


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