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Mais où est donc passée la mythique Coccinelle ?

En cas de panne, vous pouviez remplacer la courroie de ventilo par un bas de femme


Libé
Mardi 28 Juillet 2015

Elle était l'un des symboles les plus populaires de Mexico, une icône sympathique dont les formes rebondies avaient séduit jusqu'à Hollywood, mais la Coccinelle Volkswagen a largement disparu des rues de la mégapole, victime de la lutte contre la pollution et d'une réputation sulfureuse.
Quelques "Vochos", comme les surnomment les Mexicains, circulent toujours ici ou là dans le chaos de la capitale, et plusieurs clubs de collectionneurs pratiquent la "Vochomania", mais en quelques années, les taxis-coccinelles ont, eux, entièrement disparu et le paysage automobile s'est transformé.
"On aurait pu imaginer en conserver quelques-uns dans le centre historique pour préserver ainsi le symbole", souligne Rodrigo Diaz, un consultant en urbanisme qui tient un blog très suivi sur les questions de mobilité. "Mais ça n'a pas été le cas", regrette-t-il, rapporte l’AFP.
C'est pourtant dans ce pays que s'est écrite l'une des plus longues histoires d'amour entre un peuple et une automobile. Née sous les cieux chargés de l'Allemagne des années 30, la "voiture du peuple" n'était pas forcément conçue pour le soleil et la poussière du Mexique. Dès son arrivée en 1954, la Coccinelle connaît cependant un succès spectaculaire. Economique, facile à réparer, amusante, les Mexicains l'adoptent aussitôt et en une année, 50.000 exemplaires sont écoulés. 
Les taxis apprécient particulièrement ce véhicule bon marché dont l'entretien ressemble à une partie de plaisir. "En cas de panne, vous pouviez remplacer la courroie de ventilo par un bas de femme", se souvient, amusé, Ricardo, un chauffeur de taxi de la capitale.
Le succès ne se dément pas et pousse le fabricant allemand à construire une usine à Puebla en 1964. La Coccinelle devient Mexicaine et en 1973, un tiers des voitures vendues au Mexique sont des "Vochos". Elle devient à cette époque le véhicule le plus fabriqué de l'histoire avec plus de 15 millions d'exemplaires produits, détrônant la fameuse Ford T. Tout un symbole.
L'engouement touche d'autres pays en Amérique latine. Au Brésil, où on la fabrique aussi, elle s'appelle "Fusca". En Uruguay, l'ancien président Jose Mujica déclarera comme seul patrimoine... une Coccinelle.
Reine d'Hollywood   
Rien ne lui résiste, pas même Hollywood qui lance une saga à sa gloire. La Coccinelle, façon Hollywood, c'est un véhicule au grand coeur, équipé toutes options : capable de démanteler un réseau de trafiquants de pièces archéologiques aztèques, d'affronter un taureau dans l'arène, d'accélérer telle une Formule 1 et de comprendre plusieurs langues.
Les films produits par Disney, dont "La Coccinelle à Mexico" (1980), sont des succès commerciaux. La saga contribuera à populariser cette voiture et figer à jamais la Coccinelle dans l'imagerie d'un Mexique exotique et bon enfant.
Mais dans l'ère de l'après choc-pétrolier, la carte postale colorée se noircit. Trop polluante, trop bruyante, inconfortable : la Coccinelle incarne désormais les maux de son époque. 
Dans une ville enclavée qui ne respire plus et rêve de modernité, la riante Coccinelle n'amuse plus les Mexicains. Son siège arrière est d'une rigidité crasse comparé aux véhicules plus récents. Quant au siège du passager avant, "les chauffeurs de taxi-coccinelle le retiraient. En cas de freinage intempestif, sans ceinture, vous étiez propulsé dans le pare-brise", se souvient un usager.
Plus grave, à la fin des années 90, dans un pays rongé par la délinquance, les enlèvements express à bord des "Vochos" se multiplient. L'aimable coccinelle, qui sur grand écran mettait en échec les délinquants, se fait souvent dans la vraie vie la complice des "méchants".
"Les deux portes uniques permettaient de vous bloquer facilement à l'arrière du véhicule", raconte Sofia, une habitante de Mexico victime d'un enlèvement express en 1994. "Le chauffeur faisait ensuite monter des complices à bord qui vous rançonnaient durant plusieurs heures". 
La fin d'un mythe     
Les Mexicains apprennent à se méfier de cet ancien amour. On la repeint en vert et blanc pour changer son image et faire oublier une empreinte carbone peu réjouissante. Puis on la repeint en rouge et or. Mais rien n'y fait. Au charme nostalgique de la Coccinelle, les Mexicains préfèrent désormais les taxis modernes, plus sûrs et confortables.
C'est bientôt la fin d'une trajectoire exceptionnelle. La fabrication de la Coccinelle historique s'arrête en 2003 à Puebla, dernière usine au monde à produire encore le véhicule. On offre une prime de 1.000 dollars aux chauffeurs de taxi pour se débarrasser de leur vieux souvenir. En 2012, il restait environ 3.500 taxis-coccinelles, peu à peu envoyés à la casse.
Désormais, les nouveaux taxis de la capitale possèdent quatre portes et un coffre-arrière, comme tout le monde. 
"Contrairement à Londres avec son bus à double-étage, San Francisco et Lisbonne avec leurs tramways ou Valparaiso avec son funiculaire, Mexico n'a pas déclaré ce moyen de locomotion patrimoine historique", souligne M. Diaz. "C'est dommage". 
Pour monter dans un taxi-coccinelle encore "dans son jus", il faut se rendre dans les villes touristiques de Taxco ou d'Acapulco, où l'on peut s'offrir pour quelque temps encore le plaisir pétaradant d'une virée à bord d'un mythe. Coccinelle rouge à Taxco, blanche et bleue à Acapulco.
Mais pour admirer le défunt taxi vert et blanc, mieux vaut aller au musée de la technologie de Berlin. C'est là que se trouve le modèle historique offert en 2008 par la ville de Mexico. Un retour à l'expéditeur en forme de remerciements, après 50 ans de bons et loyaux services.


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