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Logement social et bévues fatales : Ce sont les manquements qui manquent le moins


Hassan Bentaleb
Vendredi 31 Août 2018

 Le constat de la Cour des comptes est sans équivoque : le dispositif dédié au logement social (140.000 DH et 250.000 DH)  a été conçu en l’absence d’une réglementation précise et de dispositions juridiques adaptées devant permettre de définir de manière précise ce qu’est le logement social. Pis, il a été mis en place avec un cahier des charges à portée standard et statique, sans définition des finalités et sans cohérence avec les autres programmes d’habitat. Il s’agit d’un programme qui est en déphasage avec les objectifs et la nature des besoins. La Cour des comptes a révélé également que ce dispositif pèche par l’insuffisance des mesures de ciblage et d’attribution et par le dysfonctionnement des « partenariats public-privé ».    
Lancé respectivement en 2008 et 2010, au profit des ménages qui ne peuvent trouver de logements à leur mesure via le marché immobilier normal, ce dispositif n’a pas fait l’objet d’une étude préalable de conception, de définition des besoins et des déficits en logement tant sur le plan quantitatif que concernant sa nature, ni à propos des spécifications de ce logement, ont noté les  magistrats de la  Cour des comptes dans leur rapport annuel au titre des années 2016 et 2017. D’après eux, ces deux dispositifs ont été conçus pour répondre à un déficit en logements estimé en 2008 à 900.000 unités et déterminé de manière sommaire et abrégée.
L’absence d’études préalables à la conception des dispositifs du logement social, a rendu difficile le fait de retracer avec précision leur genèse et encore moins les finalités qui leur ont été assignées. S’agit-il de dispositifs de correction visant à absorber le déficit en logements déjà constaté (bidonvilles, habitat menaçant ruine, logements occupés en cohabitation) ou de dispositifs de prévention conçus pour faire face aux besoins futurs en logements ?, s’interrogent les magistrats. «En effet, les réalisations enregistrées par ces dispositifs en termes de contribution à la résorption des déficits ne semblent pas être à la hauteur des efforts déployés. S’agissant du dispositif 140.000 DH, il a porté à fin décembre 2016 sur une production de 21.006 unités, seules 6.020 d’entre elles ont été affectées au programme Villes sans bidonvilles (VSB) soit 27% et 1113 unités à l’habitat menaçant ruine soit 5%.
La contribution de celui à 250.000 DH à ces programmes reste quant à elle dérisoire puisqu’elle n’a guère dépassé un taux de 3,8% de la production totale avec 494 unités au profit du programme VSB (0,8%) et 3.678 unités au profit du programme de l’HMR (3%)», précise le rapport. Lequel souligne le manque d’enthousiasme des promoteurs pour adhérer au dispositif à 140.000 DH, malgré ses avantages autres que fiscaux et notamment fonciers consacrés dans le cadre des conventions de partenariat entre les sociétés Al Omrane (SAO) et les promoteurs privés et qui visaient à intéresser davantage le secteur privé à ce produit (cession au coût de revient par les SAO des terrains à des promoteurs privés dans le cadre des conventions de partenariat).
Il en découle que, dans une logique purement économique, les promoteurs se soient orientés vers la production de logements à 250.000 DH qui connaît un fort engouement, dont le nombre de conventionnements a totalisé à fin 2016 plus de 1.550.004 unités, et ce au détriment du programme des logements à 140.000DH, dont les réalisations sont restées en deçà des objectifs escomptés. « L’effort financier est certes considérable en termes de volume, mais il a principalement profité à la production de logements dans le segment à 250.000DH, au lieu de celui des 140.000DH, alors que c’est ce dernier qui nécessite davantage l’appui des pouvoirs publics vu la spécificité de sa cible. Un appui qui porte à la fois sur l’encouragement d’une offre en logements abordables et sur le soutien de la solvabilité des destinataires », explique le rapport.
Le document de la Cour des comptes révèle également que l’analyse des différents dispositifs initiés par l’Etat en matière de logement social permet de soulever leurs ressemblances en termes de nature de produits, de modes d’intervention et de leurs caractéristiques techniques. Des dispositifs qui coexistent sans rapport logique entre eux en termes de complémentarité ou d’homogénéité.
Autre point noir de ce dispositif et il n’est pas des moindres, c’est l’insuffisance des mesures de ciblage et d’attribution. Selon le rapport de la Cour des comptes, l’Etat consacre des efforts financiers importants, sous forme d’aide directe aux acquéreurs (notamment pour le produit à 250.000DH) et avantages fiscaux aux promoteurs afin de subventionner le logement social. Néanmoins, les mesures de ciblage et d’attribution manquent de verrouillage susceptible de faire bénéficier ces efforts financiers à la véritable cible pour laquelle le logement social est instauré. L’analyse des conditions d’éligibilité dictées par les différents dispositifs de logement social, prévues dans les lois de Finances ayant instauré successivement les produits de 140.000 DH et 250.000 DH montre une insuffisance dans les dispositions qui conditionnent l’attribution de ces produits. En effet, si ces conditions sont définies pour le produit 140.000 DH, elles le sont moins en ce qui concerne le logement à 250.000 DH, qui spécifie uniquement que l’acquéreur ne doit pas être propriétaire.
Les difficultés d’intégration urbaine des opérations de logement social figurent également parmi ce dispositif. En fait, 83% sont localisés en périphérie de communes. Ce taux varie d’une région à l’autre, il est de 71% à Casablanca-Settat et 31% à Béni Mellal-Khénifra. Ce constat est dû, selon les responsables du ministère de tutelle, à une planification urbaine dans le cadre des documents d’urbanisme qui prévoient des zonages pouvant accueillir ce type de logements à la périphérie des villes ou à des contraintes urbanistiques qui n’offrent la possibilité de réalisation de pareils logements qu’en périphérie et parfois via des  dérogations là où l’opportunité foncière permet l’équilibre financier des opérations. En effet, les opérations de logement social constituent une part importante du paysage urbain des villes.
Cependant, ces opérations autorisées souvent en dérogation des dispositions existantes (40% entre 2010 et juin 2015), se développent en grande partie sur des terrains non couverts par des documents d’urbanisme homologués. Cet état de fait interpelle sur la gestion dans le cadre de la procédure dérogatoire, d’une composante aussi importante des villes, en marge des prévisions claires des documents d’urbanisme, sachant que seuls 62% des projets au niveau national sont réalisés sur des terrains couverts par des documents d’urbanisme.
A ce sujet, il a été relevé par la Cour des comptes que les terrains cédés aux promoteurs dans le cadre conventionnel sont utilisés à des fins autres que la réalisation des engagements pris, en l’occurrence la réalisation de logements sociaux et des équipements publics. En effet, des conventions de partenariat prévoient la réservation de 20% de la consistance du programme conventionné à la réalisation de logements sociaux à 140.000 DH destinés au relogement des bidonvillois.
La Cour a souligné à l’occasion de ses missions de contrôle le non-respect par les promoteurs de leurs engagements quant à la réalisation des logements sociaux et des équipements publics conventionnés conjugué au manque de cadrage des conventions de partenariat des conditions juridiques, techniques et de suivi, a conclu le rapport.


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