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Les souvenirs de Michel Lebossé, ancien appelé militaire français à El Jadida


Par Mustapha Jmahri Ecrivain
Mercredi 13 Avril 2016

Michel Lebossé, retraité depuis 1994, vit dans la région Île-de-France après avoir exercé presque une cinquantaine d’années pour l’industrie pétrolière et chimique dans diverses sociétés. Il a terminé au siège d’une grande entreprise dont les bureaux se situent dans le quartier d’affaires de la Défense à Paris. Ayant commencé sa carrière comme ouvrier, il l’a terminée comme ingénieur en chef.
 Michel a connu El Jadida au temps de sa jeunesse en tant qu’appelé militaire. Il est arrivé, le 29 avril 1955, au camp Réquisition (actuel groupe scolaire Charcot). Une période très sensible de l’histoire du Maroc. C’est d’ailleurs à ce titre que j’ai sollicité de le rencontrer.
Ayant convenu d’un rendez-vous au préalable, il m’a reçu chez lui dans son grand pavillon où il vit tout seul depuis le décès de son épouse. Autour d’un café et au milieu d’archives personnelles, nous avons discuté longuement de ces années passées à El Jadida mais aussi des liens qui unissent la France et le Maroc. Il était heureux que sa mère ait gardé dans une petite boîte les lettres et les photos qu’il lui envoyait. Par ailleurs, redevenu civil, il a réalisé des études pour la raffinerie de Sidi Kacem, puis plus tard pour l’O.C.P. à Safi.
Au camp Réquiston, Michel, après avoir été instructeur de cinq classes d’appelés a été promu sous-officier intendant. C’était lui qui était chargé de nourrir les 350 soldats du régiment dont quelques Africains notamment des Sénégalais, des Maliens et deux Malgaches. Comme les militaires africains étaient de confession musulmane, il fallait donc un menu spécial pour eux. « J’ai pris 8 jours d’arrêt le jour où le capitaine a surpris un cuistot complétant la gamelle des Africains par une louche de haricots au lard prise dans la ration ordinaire », précise Michel. Une partie de la nourriture était achetée sur place comme les légumes, le pain et les œufs. Pour le pain, il fallait en commander six tonnes par mois et pas moins de 700 œufs  pour confectionner les omelettes. S’agissant des œufs, Michel, en tant qu’intendant, se rappelle que son fournisseur marocain lui avait donné bien des sueurs froides. En effet, ce dernier ne prenait pas ses dispositions à l’avance pour rassembler la quantité d’œufs demandée. Ainsi, le jour venu, la commande n’était pas prête ou incomplète et il devait chambouler les menus. Le fournisseur marocain lui disait qu’il n’avait pas pu honorer son engagement parce que, tout simplement, les poules n’avaient pas pondu suffisamment, mais que demain.. 
Le camp Réquiston, à cette époque, était constitué de baraques en bois. Chaque baraque disposait de 32 places puis, quand arrivaient de nouvelles recrues, il suffisait d’ajouter des lits superposés pour y loger 60 hommes. Un capitaine dirigeait le camp. Les sous-officiers logeaient sur place alors que les officiers étaient logés au camp Kieffer, un peu plus loin, vers le siège actuel du Centre régional d’investissement. Autour du camp Réquiston, il n’y avait que des terrains vagues et des champs de broussailles. Plus loin, on apercevait le phare majestueux de Sidi Bouafi.
Michel a été témoin de la manifestation du 20 août 1955. Il avoue que l’artillerie anti-aérienne n’est pas le moyen approprié pour intervenir lors de ce genre de manifestations ! Toujours est-il, ajoute Michel, que leur unité était restée quelques mois encore après l’indépendance du Maroc. Les consignes étaient alors de respecter scrupuleusement les autorités marocaines. Des groupes furent installés dans des fermes pour rassurer les colons et éviter un exode massif. Michel se rappelle que lors de la première fête du Trône, une manifestation de joie éclata à El Jadida sur la place Gallieni (devenue place Abdelkrim Khettabi). C’était un jour de pluie. Et le gouverneur marocain de la ville demanda au capitaine du camp Réquiston de l’aider au maintien de l’ordre, si la manifestation venait à déborder. 
Michel m’a raconté également d’autres anecdotes significatives de cette période particulière de l’après indépendance. C’est ainsi qu’un jour Michel s’était attablé avec un copain au restaurant Dufour, ils étaient en tenue militaire et sans armes. Mais, à un certain moment, un attroupement s’était constitué autour d’eux. Le serveur leur proposa de s’en aller par une porte de derrière mais deux policiers marocains les ont invités à les suivre pour qu’ils s’expliquent avec le commandant de la place. Ce dernier leur demanda s’ils portaient des armes. Les deux ont affirmé qu’ils ne détenaient aucune arme. Dans ce cas, et selon la procédure, ils furent remis au capitaine du camp français qui leur a signifié qu’ils étaient accusés, par des témoins marocains, d’avoir tiré des coups de feu. Mais après enquête diligentée par le capitaine, il s’était avéré qu’il s’agissait d’un militaire français d’un autre régiment, en état d’ébriété et qui, lui, avait effectivement tiré des coups de feu en l’air.En ces temps-là, beaucoup de Français commençaient à rentrer en France. Certains d’entre eux, qui élevaient des cochons, les mettaient en vente à bas prix. Michel avait l’autorisation d’en acheter. Un jour, ayant mis deux cochons dans la petite remorque du camion, sans fermer convenablement la portière, les deux bêtes étaient tombées et s’étaient blessées. Il fallut les tuer sur le champ. L’un des cuistots français se fit prêter un couteau par un Doukkali. Mais après avoir sacrifié les cochons, le Doukkali exigea un autre couteau car le sien était souillé par le sang du cochon. Le chauffeur et le cuistot avaient donc emmené le Doukkali avec eux jusqu’au camp pour lui remettre un couteau neuf. Aimable échange d’armes blanches…
 


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