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Les nouveaux défis de la gauche marocaine

«Al Machrouaa» approfondit la réflexion sur les problématiques actuelles lors du colloque national qu’elle a organisé à Rabat


Mourad Tabet
Jeudi 31 Mars 2016

«Al Machrouaa », institution socialiste des études et de réflexion, a organisé samedi dernier un colloque national sur « De la nécessité de la gauche ».
Pour les organisateurs, le thème de ce colloque est d’une importance capitale pour l’avenir de la démocratie politique et sociale au Maroc. En effet, la gauche marocaine, toutes tendances confondues, a lutté depuis sa naissance pour une société plus libre et égalitaire et contre la pensée traditionnelle conservatrice qui s’enracine de plus belle dans la société marocaine.
Plusieurs intellectuels de gauche ont pris part à ce colloque tenu à l’Institut supérieur de l’information et de la communication. Leurs contributions présentées durant la deuxième séance présidée et modérée par le professeur Mohamed Dahi, ont enrichi le débat initié par les leaders des formations de gauche qui ont participé à ce premier évènement que l’Institut socialiste des études et de réflexion organise depuis sa création. Ces intellectuels ont tous fait le diagnostic de la crise actuelle de la gauche marocaine afin d’en déterminer les causes et, partant, ouvrir un nouvel horizon  à cette gauche.
Dans ce cadre, Abdellah Saaf, professeur de sciences politiques, a précisé que c’est la troisième fois que le thème de l’avenir de la gauche a été posé par l’USFP. Lequel thème a été traité, pour la première fois, en 1995 lors d’un colloque organisé par le journal du parti et auquel a pris part, feu Mohamed Abid Jabri. Un an après, l’Union des écrivains du Maroc a organisé un colloque sur le même sujet à Casablanca.
Il a également traité de la question de l’unité et de la dispersion de la gauche marocaine depuis les années 60. Dans ce sens, il a considéré que la division de la gauche participe d’une maladie organique dont les symptômes consistent en une incapacité à gérer les différences, à fédérer les énergies et à unir toutes les factions.
L’intervenant a, par ailleurs, souligné qu’il y a trois grandes orientations que la gauche s’est partagées au cours de son histoire et qui ont marqué ses positions politiques. Il y a tout d’abord le boycott, ensuite la participation et enfin l’attentisme. «Est-ce que nous avons dépassé cette trilogie ?», s’est-il interrogé. Et d’ajouter que l’une des causes qui ont précipité l’affaiblissement de la gauche est l’éloignement des formations qui la composent de l’axe de l’USFP. «Ce parti était le pivot de la gauche et ceux qui en ont pris leurs distances se sont positionnés sur un autre. Ce qui a affaibli la gauche toute entière et pas seulement l’USFP», a-t-il affirmé.
Le professeur de philosophie à l’Université Mohammed V de Rabat, Kamal Abdellatif a, pour sa part, évoqué les défis auxquels doit faire face la gauche marocaine. «Il semble que peu de gens aient conscience de l’ampleur des défis auxquels fait face à l’heure actuelle la gauche marocaine, toutes tendances confondues. Nous savons que la réalité est beaucoup plus complexe qu’on ne le pense. Et j’étais parmi ceux qui ont proposé le thème de ce colloque», à savoir «De la nécessité de la gauche», a-t-il affirmé tout en précisant être conscient que ce thème inspirait la tristesse, car « nous parlons aujourd’hui de la nécessité de la gauche, car elle existe bel et bien et que nous voulons la voir  continuer à exister ».
Il a décliné toutes les thèses qui rendraient tout le peuple de gauche responsable de la crise actuelle de la gauche marocaine tout en faisant montre d’optimisme. Dans ce sens, il a plaidé pour la reconstruction d’une gauche nouvelle à même d’apporter les solutions idoines aux problèmes qui  ont contribué à l’affaiblissement de la gauche.
Pour sa part, l’intellectuel et universitaire Mohamed Sabila qui n’a pas assisté à ce colloque pour cause de maladie, a tenu à y prendre part via une contribution dont lecture a été donnée par Rachida Benmasoud.
Pour Sabila, le mot crise « ne doit pas nous effrayer, car elle est un signe de la lutte et de la confrontation des forces. Quelques-unes continuent de vivre et de lutter pour la survivance ».
Il a également affirmé que la crise de la gauche mondiale et arabe a gagné la gauche marocaine. Celle-ci a émergé après l’indépendance suite à une scission en 1959 au sein du Parti de l’Istiqlal. Les progressistes, regroupés au sein du syndicat, du Mouvement de libération nationale et de l’aile gauche du PI, ont fondé l’Union nationale des forces populaires qui prendra, au début des années 70, le nom d’Union socialiste des forces populaires. Cette dernière a, avec d’autres formations de gauche (PPS et formations de la nouvelle gauche) payé lourdement le prix pour la modernisation et la démocratisation de l’Etat et de la société.
Selon ce professeur de  philosophie, la gauche a perdu un appui institutionnel, politique et culturel après la chute du Mur de Berlin et des régimes communistes en Europe. Et face à son recul, la pensée néolibérale a proclamé la thèse de « la fin de l’Histoire ».  
Pour sa part, Mohamed Soussi qui n’a pas assisté, lui non plus, à ce colloque, a appelé, à travers une intervention lue par Omar Benaiyach, la gauche à se pencher sérieusement sur la rénovation de son discours sur la société et l’Etat, à dépasser la langue de bois, à innover et à inventer d’autres concepts afin d’être au diapason de l’évolution de la société et des réalités.
Il convient de rappeler que la première séance de ce colloque a été marquée par les interventions de cinq dirigeants des formations de la gauche marocaine, en l’occurrence l’USFP, le PPS, le PADS, le CNI et Annahj Adimocrati.
Dans son allocution lors de cette première séance modérée par le sociologue Driss Bensaid, le Premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachguar, a salué l’organisation de ce colloque, tout en rappelant que la gauche marocaine a été, depuis les années 60,  un acteur principal de la vie politique nationale et également internationale. Il a rappelé dans ce sens le rôle qu’a joué le martyr Mehdi Ben Barka qui fut le chef de file du mouvement tiers-mondiste et panafricaniste.  
La gauche marocaine a joué un rôle d’avant-garde dans la lutte contre l’injustice et la réaction au prix d’immenses sacrifices, mais aujourd’hui cette gauche traverse une crise sans précédent, a-t-il noté en relevant l’existence de plusieurs défis dont les plus importants sont l’adoption de lois organiques avancées et à même d’ouvrir la voie à plus de démocratie car il ne suffit pas d’avoir une Constitution avancée pour parler de démocratie.  
Le deuxième défi qui s’impose à la gauche a été induit par l’échec de la politique publique sociale et de la politique économique qui a certes pu préserver les équilibres macroéconomiques, mais n’a pas pu libérer toutes les énergies de la production et réaliser le saut économique et industriel qualitatif nécessaire. L’autre défi avancé par le Premier secrétaire de l’USFP réside dans le modèle clientéliste de  l’action politique copié du système des notables.  
Pour faire face à ces défis, Driss Lachguar a appelé les forces de gauche à mobiliser leurs énergies, à s’éloigner des calculs étriqués, à couper court à l’hésitation, à mettre fin aux querelles et à s’abstenir de s’autoflageller.
Pour sa part, Abdessalam El Aziz, secrétaire général du Congrès national ittihadi (CNI), a estimé qu’il y a des entraves objectives et subjectives qui rendent  difficile la mission de la gauche.  
Abdelouahed Souheil, membre du Bureau politique du PPS a, pour sa part, affirmé que le programme commun alternatif ne peut être utile que « si nous travaillons ensemble à son élaboration, d’autant que nous savons que nous sommes une minorité dans la société et  qu’il y a eu émergence de forces politiques disposant d’un projet différent au nôtre qui vise à faire émerger une société plus équitable ».
Pour Ali Boutouala, vice-secrétaire général du Parti de l’avant-garde démocratique socialiste (PADS), parler de la crise actuelle de la gauche ne peut être fait sans établir un diagnostic de la nature de l’étape actuelle sur le plan international et national.
Sur ce dernier point, l’intervenant a affirmé qu’il ne faut pas faire fi des dangers qui menacent l’intégrité territoriale du Maroc, tout en fustigeant le flottement de l’Etat dans la gestion du champ politique et l’absence d’une politique sociale cohérente dans la lutte contre la pauvreté.
Quant à Mustapha Brahma, secrétaire général d’Annahj Addimocrati, il a appelé la gauche à s’intéresser davantage aux questions de l’identité, de la religion et de l’amazigh, à s’enraciner dans les classes ouvrières, les intellectuels, etc., à constituer un mouvement ouvrier fort et à coordonner les actions menées par la gauche dans les centrales syndicales et d’autres organisations telles que l’UNEM, l’UNIM, le SNEsup, l’Union des écrivains du Maroc, l’Association des barreaux du Maroc, etc.

La revue Al Machrouaa est de retour dans les kiosques

La revue Al Machrouaa est de retour dans les kiosques après plusieurs années d’interruption. Le nouveau numéro (n°11) paru le 26 mars 2016 a été consacré au sujet de la gauche au Maroc. On peut, en effet, y lire les contributions d’Ahmed El Aqued, Moussaoui Ajlaoui, Houssam Hab, Mohamed Habib Taleb, Abdellah Saaf et de Hassan Soussi.
Le nouveau numéro de cette revue dont le directeur général est Habib El Malki et le directeur exécutif est Mohammed Derouich, contient également des documents historiques tels une partie de l’intervention de feu Abderrahim Bouabid en 1991 lors de la réunion du Comité central, le discours d’Abderrahman El Youssoufi à Bruxelles en 2003, un document du Mouvement 23 mars élaboré en 1978, ou encore un document du PSD en 2005 sur les raisons de la fusion avec l’USFP.
Plusieurs études et articles ont été également publiés dans ce nouveau numéro. Il s’agit notamment de l’article d’Ahmed Herzni sur l’après-Printemps arabe, d’Omar Benayach sur le même sujet, ou encore de Kamal Abdellatfi sur la pluralité citoyenne et les valeurs de la modernisation politique.
Par ailleurs, ce numéro comporte également deux textes sur la modernisation. Le premier sur la modernisation des sociétés arabes est tiré de l’ouvrage d’Abdellah Laroui « Les Arabes et la pensée historique » ; l’autre sur la modernisation de la raison politique arabe est tiré de l’ouvrage de Mohamed Abed El Jabri.
La revue Al Machrouaa a republié un entretien que  la sociologue marocaine décédée récemment, Fatima El Mernissi avait fait en 1986 avec l’artiste palestinien, Kamal Balata. Cet entretien a été, pour rappel, publié dans le supplément culturel d’Al Ittihad Al Ichtiraki en 1986.

 


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