«Le clivage entre le Maroc productif et le Maroc improductif perdure et reflète l’inégalité de la répartition des richesses entre les régions». C’est ainsi que Hicham Attouch, professeur universitaire et président de l’Association Forum des économistes marocaine a commenté les derniers chiffres du HCP concernant les dépenses de consommation finale des ménages (DCFM). Selon lui, ces inégalités se sont creusées davantage. D’après la note d’information relative aux comptes régionaux de l’année 2018 publié mardi par le HCP (Cf. nos éditions d’hier), l’écart absolu moyen entre les DCFM des différentes régions et la moyenne régionale des DCFM a atteint 34,4 milliards de dirhams (MMDH) en 2018 au lieu de 33 MMDH en 2017. Rapportées à la population, ces dépenses affichent des niveaux supérieurs à la moyenne nationale (18.081 dirhams en 2018) dans six régions. Il s’agit de Dakhla-OuedEdahab (26.075 DH), Casablanca-Settat (22.028 DH), Rabat-Salé-Kénitra (19.711 DH), Tanger-Tétouan-Al Hoceima (19.624 DH), Laâyoune-Sakia El Hamra (19.316 DH) et de l’Oriental (18.655 DH). Dans les autres régions, les dépenses de consommation par habitant passent d’un minimum de 12.633 DH (Drâa-Tafilalet) à 17.132 DH (Fès-Meknès). A cet effet, la dispersion des DCFM par tête d’habitant a enregistré une légère hausse. L’écart absolu moyen est passé de 2.733 DH en 2017 à 2.856 DH en 2018. Le document du HCP précise que les régions de Casablanca-Settat et de Rabat-SaléKénitra ont accaparé 39,8% de ces dépenses au niveau national avec 25% et 14,8% respectivement, suivis de Fès-Meknès (11,7%), Tanger-Tétouan-Al Hoceima (11,5%) et Marrakech-Safi (11,2%) qui ont détenu une part de 34,4% des DCFM. Les sept régions restantes ont contribué pour près d’un quart (25,9%) aux DCFM, avec des apports compris entre 0,7% pour Dakhla-Oued-Ed-Dahab et 7,2% pour Souss-Massa. Pour Hicham Attouch, les DCFM renvoient à trois réalités, à savoir la concentration de l’activité économique dans une région, la densité démographique et la catégorie professionnelle dominante dans la région. « Il y a également un autre volet à souligner, à savoir la nature des dépenses puisqu’il faut faire la différence entre les dépenses essentielles et celles qui sont complémentaires », nous a-t-il précisé. Et d’expliquer : « Il est donc normal de trouver dans une ville à forte concentration économique avec des catégories professionnelles actives d’avantage de dépenses effectuées par les ménages résidents pour satisfaire leurs besoins quotidiens (nourriture, vêtements, logement (loyers), énergie, transport, biens durables (voitures notamment), santé, loisirs et services divers). A l’inverse, dans une ville économiquement morose avec une forte densité démographique, il y aura moins de dépenses ». Pourtant, cette variable essentielle pour l’analyse économique de la demande reste, selon notre expert, peu viable, si l’analyse économique est effectuée à des échelles plus petites. « Si vous prenez l’exemple de la région de Rabat-Salé-Kénitra, nous allons sûrement trouver des disparités entre Rabat et Kénitra. D’autant que la contribution de la ville de Rabat au PIB national reste moindre par rapport aux dépenses de ces ménages et cela est dû à son statut en tant que capitale administrative du pays qui concentre une forte catégorie professionnelle de cadres administratifs », nous a-t-il indiqué. Et d’ajouter : « L’analyse change également si l’on procède à partir des dépenses des 10% de la population les plus riches et 10% de ceux qui sont les plus pauvres ». En outre, notre interlocuteur estime que les statistiques relatives aux dépenses sont à revoir puisqu’ells ne collent pas à la réalité d’aujourd’hui, même s’il pense qu’il n’y aura pas de grands changements au niveau du classement par région. « Le classement général demeurera le même sauf pour la région de Marrakech qui a été durement impactée par la crise liée au Covid-19 vu que cette région compte beaucoup sur les recettes touristiques. Et ce n’est pas le cas pour la région de Souss-Massa qui peut compter sur ses recettes émanant de l’agriculture. S’il y aura changement, c’est au niveau des volumes des indicateurs », nous a-t-il expliqué. Et de conclure que «les capacités de résilience et de rebond de l’économie d’une région ne sont pas les mêmes ».