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Les ménages en galère

Entre absence de revenus, sentiment de claustrophobie et autres troubles et phobies


Alain Bouithy
Mercredi 20 Mai 2020

Les familles enquêtées expriment un sentiment de claustrophobie(30%), une multiplication des phobies (25%), des troubles de sommeil (24%) et d’autres troubles psychologiques (8%)

Les ménages en galère
Il ne fait aucun doute que le confinement, imposé par la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19) pour réduire un tant soit peu l’impact économique et social de la crise sanitaire au Maroc, a constitué une perte de sources de revenus pour bon nombre de ménages marocains. 
Selon une enquête que vient de réaliser le Haut-commissariat au plan (HCP) sur l’impact du coronavirus sur la situation économique, sociale et psychologique des ménages, plus d’un tiers d’entre eux (34%) affirme n’avoir aucune source de revenus en raison de l’arrêt de leurs activités au temps de confinement. 
« Cette proportion est légèrement plus élevée parmi les ruraux (35%) que parmi les citadins (33%). Elle s’élève à 44% parmi les ménages pauvres, à 42% parmi les ménages de l’habitat précaire, à 54% parmi les artisans et ouvriers qualifiés, à 47% parmi les commerçants, et à 46% parmi les ouvriers et manœuvres agricoles », a souligné l’institution publique.
Quatre jours après la présentation des scénarios de sortie du confinement, initialement prévue pour le 20 mai dernier et reportée au 10 juin prochain, le Haut-commissariat livre cette fois-ci les résultats d’une enquête qu’il a réalisée, du 14 au 23 avril 2020, auprès des ménages et qui en dit long sur l’adaptation du mode de vie des ménages sous la contrainte du confinement.
L’enquête, qui « a pour objectif d’appréhender, notamment, le niveau d’effectivité du confinement, les connaissances des ménages relatives au Covid-19, les actions prophylactiques, l’approvisionnement domestique en produits de consommation et d’hygiène, les sources de revenu en situation de confinement, l’accès à l’enseignement, l’accès aux services de santé et les réactions psychologiques », nous éclaire aussi sur la situation financière actuelle de ces derniers.
Il apparaît ainsi que « pour 38% des ménages, le revenu couvre juste les dépenses, 39% en milieu urbain et 35% en milieu rural, 22% puisent de leurs épargnes (20% en milieu urbain et 26% en milieu rural), 14% recourent à l’endettement (12% en milieu urbain et 17% en milieu rural) », a relevé le HCP ajoutant que 8% comptent sur les aides de l’Etat pour couvrir leurs dépenses quotidiennes, 9% en milieu urbain et 5% en milieu rural.
A propos justement des aides publiques accordées aux ménages pour perte d’emploi, l’enquête a montré qu’« un ménage sur cinq (19%) a reçu une aide de l’Etat pour compenser la perte d’emploi : 13% dans le cadre du programme RAMED et 6% dans le cadre du programme d’aide aux salariés formels (CNSS) ».
Le HCP rapporte en outre que près de la moitié des ménages (49%) affirme qu’au moins un de leurs membres actifs occupés a été contraint d’arrêter son activité et que 40% d’entre eux ont reçu une aide de l’Etat ou de la part de l’employeur.
Selon la source d’aide, il ressort que « 31% des transferts reçus proviennent de l’Etat à travers le programme d’aide aux salariés formels (CNSS), 34% en milieu urbain et 16% en milieu rural », a poursuivi le Haut-commissariat. 
Ainsi rapportée à l’ensemble des ménages marocains, la part des ménages bénéficiaires de ce programme d’aide s’élève à 6% à l’échelle nationale, 8% en milieu urbain et 2% en milieu rural, a-t-il ajouté.
Quant à l’aide de l’Etat à travers le ciblage du programme RAMED, elle a été évoquée par 67% des ménages bénéficiaires, 63% en milieu urbain et 81% en milieu rural. 
Signalons qu’à l’échelle nationale, « cette proportion s’élève à 13%, 15% en milieu urbain et 9% en milieu rural. Elle atteint 22% pour les ménages dirigés par des ouvriers et manœuvres agricoles, 19% par des ouvriers et artisans qualifiés, et 16% par des commerçants ».
Notons par ailleurs que 18% des ménages n’ayant pas perdu leur emploi disent avoir également bénéficié de l’aide de l’Etat, 13% en milieu urbain et 26% en milieu rural ; ce qui représente 3,6% des ménages marocains. 
Mais attention, ils sont près de trois ménages sur quatre (72%) bénéficiaires de l’aide de l’Etat à penser que ces aides ne sont pas suffisantes pour compenser la perte des revenus, 75,9% en milieu urbain et 55,7% en milieu rural.
Abordant les difficultés d’accès aux aides publiques, l’enquête a révélé que « 60% des ménages ayant un membre qui a perdu son emploi ont des difficultés d’accès aux aides publiques.  59% d’entre eux affirment qu’ils sont enregistrés mais non encore bénéficiaires, 54,5% en milieu urbain et 68% en milieu rural », a fait savoir le HCP notant que ces pourcentages, rapportés à l’ensemble des ménages marocains, s’élèvent à 21% à l’échelle nationale, 19% en milieu urbain et 26% en milieu rural.
Quant aux autres raisons ayant empêché cet accès, on note que 7% n’ont pas encore formulé leur demande au moment de l’enquête mais comptent le faire, 11% ne sont pas affiliés à la CNSS, 9% ne sont pas adhérents au RAMED et 3% estiment qu’ils n’ont pas besoin de l’aide.
S’il paraît que les ménages apprécient diversement cette situation, l’enquête a toutefois montré qu’un tiers des Marocains se sont auto-confinés avant la décision officielle de l’état d’urgence sanitaire.
En effet, « 34% des ménages marocains se sont confinés avant même l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire, 54% ont commencé le confinement depuis l’adoption de l’état d’urgence sanitaire, et 11% depuis la promulgation du décret-loi relatif à la déclaration de l’état d’urgence », a noté le HCP. 
S’agissant des règles du confinement, près de huit ménages sur dix (79%) affirment les respecter entièrement, 83% en milieu urbain et 69% en milieu rural. 21% reconnaissent les respecter que partiellement, 17% en milieu urbain et 29% en milieu rural.
Concernant les autres aspects abordés dans cette étude, à savoir : l’état de l’approvisionnement des ménages en produits de consommation et d’hygiène, les rapports au système d’enseignement et de formation, l’accès aux services de santé et les réactions psychologiques, les résultats de l’enquête apportent également de riches enseignements.
On y apprend, par exemple, que « pour 93% des ménages, les produits alimentaires de base (farine, huile, sucre, légumes, légumineuses, etc.) sont disponibles sur le marché au cours du confinement et en quantités suffisantes ». Dans le même temps, pour 24% des ménages, les prix des produits alimentaires de base ont augmenté au cours du confinement alors que pour 75% ces prix n’ont connu aucun changement aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural, et quel que soit le niveau de vie des ménages. Tandis que, pour 97%, le gaz de butane est disponible sur le marché en quantités suffisantes pour la quasi-totalité des ménages
S’agissant de l’approvisionnement en produits de protection et d’hygiène qui est contrasté selon les ménages, l’enquête a révélé que 33% des ménages disposent de bavettes et de masques de protection en quantités suffisantes, 41% en disposent en quantités insuffisantes et 27% n’en disposent pas du tout. 
On apprend aussi que « 58% des ménages aisés disposent de bavettes et de masques en quantités suffisantes, contre 27% pour les pauvres », a noté le HCP soulignant que l’indisponibilité de ces produits est essentiellement due à l’insuffisance de l’offre sur le marché (78%) et à la demande excessive (10%).  
Quant à l’enseignement et à la formation, il ressort que 51% des ménages ayant des enfants au primaire et 48% au collège ont des difficultés à suivre les cours à distance pour manque de canaux d’accès aux cours. 
« Ce motif est soulevé, en particulier, par les ménages ruraux (55% pour le primaire et 54% pour le niveau collégial), et les ménages pauvres (respectivement 60% et 53%) », a souligné le HCP expliquant que pour 41% des ménages ayant des enfants au secondaire, et 29% au supérieur, l’insuffisance de ces canaux est la principale difficulté.  Et d’ajouter que le désintérêt est également pointé du doigt par 13% des ménages ayant des élèves au primaire, 11% au collège et 16% au secondaire.
Sur un autre registre, l’enquête a monté que le confinement sanitaire entrave l’accès aux soins de santé particulièrement pour les personnes souffrant de maladies chroniques. « Sur l’ensemble des ménages ayant un membre ou plus souffrant de maladies chroniques (30%), près de la moitié (48%) n’a pas accédé aux services de santé, 46% en milieu urbain et 53% en milieu rural », a noté le Haut-commissariat soulignant que parmi les 29% des ménages concernés par les maladies ordinaires, 40% n’ont pas accédé aux services de santé, 38% en milieu urbain et 44% en milieu rural.
Par ailleurs, « 40% des ménages renoncent aux services de santé en cas de maladies chroniques par peur d’être contaminé par le Covid-19, 53% en cas de maladies ordinaires, 61% en cas de vaccination des enfants, 51% en cas de consultations prénatales et postnatales et 64% en cas de services de santé reproductive ».
Enfin, abordant les principaux effets du confinement sur l’état psychologique des ménages, l’enquête a révélé que l’anxiété est le principal impact psychologique du confinement pour 49% des ménages. 
« Cette proportion atteint 54% parmi les ménages résidant dans les bidonvilles, contre 41 % parmi ceux de l’habitation moderne. Vient ensuite la peur qui est ressentie par 41% des ménages marocains, principalement parmi les ménages dirigés par une femme (47%), contre 40% dirigés par un homme, et parmi les ménages pauvres (43%), contre 33% parmi les aisés ». 
Notons en outre que 30% des ménages expriment un sentiment de claustrophobie, 25% évoquent une multiplication des phobies, 24% souffrent de troubles de sommeil et 8% présentent d’autres troubles psychologiques tels que l’hypersensibilité et la nervosité ou la lassitude.
Précisons que cette enquête a ciblé un échantillon de 2.350 ménages représentatif des différentes couches socioéconomiques de la population marocaine selon le milieu de résidence, urbain et rural. Compte tenu des circonstances du confinement et de l’état d’urgence sanitaire, elle a été réalisée par voie téléphonique en utilisant la méthode de collecte assistée par tablettes, a précisé le HCP.

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