Les incitations, socle de la performance


Par James Peron Président du Moorfield Storey Institute Articles publiés en collaboration avec le think tank Libre Afrique
Lundi 20 Novembre 2017

Le désordre que représente South African Airlines (SAA) est largement connu aujourd'hui. Ce que beaucoup ne savent pas, c'est que l'Université de Yale, en 1944, avait publié un petit livre qui exposait les raisons du désordre. 
S'il est vrai que le livre de Ludwig Mises, « Bureaucracy », ne mentionnait pas la SAA par son nom, il disséquait néanmoins les différences entre la «gestion à but lucratif» (guidée par le mécanisme des pertes et profits) et la «gestion bureaucratique (ou politique)».
Mises a soutenu que sous chaque système de gestion existent des incitations. Les gestionnaires et/ou les propriétaires répondent à ces incitations. Mettez le bureaucrate dans un système de «gestion à but lucratif» et ses actions vont changer. Mettez un homme d'affaires dans un système de gouvernance bureaucratique et il agira comme tous les bureaucrates. 
Changez les incitations et les comportements changeront. Ceci dit, Mises n’a pas dit qu'il n'y avait pas de place pour la gestion bureaucratique, mais il en a exclu les entreprises publiques. La vente de la protection policière au plus offrant est un problème, mais vendre des billets d'avion à profit ce n'est pas la même histoire. Gordon Tullock, dans son livre « Politics of Bureaucracy », a montré que les systèmes bureaucratiques ne répondent pas aux besoins des consommateurs pour deux raisons. D’une part, la structure est centralisée avec des supérieurs plus âgés qui contrôlent leurs subordonnés, et d’autre part, la plupart des subordonnés poursuivent en priorité leurs intérêts personnels et ne veulent pas défier leurs supérieurs. Les bénéfices ne jouent aucun rôle dans ce système, il n'y a donc pas d’incitation encourageant les individus à promouvoir de nouvelles idées. Ainsi, la même force, l'intérêt personnel, encourage l'efficacité dans la gestion à but lucratif mais la décourage dans la gestion bureaucratique. Dans le cadre de la gestion à but lucratif, les individus intéressés veulent faire des profits et ne peuvent le faire qu'en répondant aux besoins des consommateurs, plutôt qu'en cherchant l’approbation et la satisfaction des politiciens.
La Nouvelle-Zélande a délégué la délivrance des permis de conduire à l'Association automobile locale qui faisait passer ses tests. Quand j’étais là-bas et que je voulais un permis local, j’ai pu y aller même un dimanche matin car le bureau local était ouvert. Le service privatisé était ouvert tous les jours de la semaine. Sans rendez-vous, je suis entré et j'ai presque immédiatement passé le test écrit. Une fois terminé, le test a été immédiatement évalué et après environ deux minutes d'attente, on m'a dit que j’ai réussi. 
La même employée a alors utilisé la caméra installée à côté d’elle pour prendre ma photo et m’a dit que je recevrais mon permis par la poste. L'après-midi suivant, il a été livré. J'ai eu affaire à des départements d'octroi de permis gérés de manière bureaucratique en Afrique du Sud et aux États-Unis. Cela ne signifie pas que les gens qui travaillent aux États-Unis sont mauvais comparés à ceux de Nouvelle-Zélande, mais seulement qu’ils répondent à des incitations très différentes.
Certaines personnes font des remarques désobligeantes à propos de la SAA qui semblent insinuer que le problème est «l'Afrique», ou ces types incompétents de l’»ANC». Mais les faits ne soutiennent pas vraiment cette théorie. Le très non-africain, non-ANC British Airways, un transporteur public depuis des décennies, était inepte, mal géré, perdant de l'argent ; affichant tous les mêmes défauts que la SAA, jusqu'à ce qu'il ait été privatisé.
Nous pouvons trouver le même phénomène dans le monde entier, qu'il s'agisse de Swissair, d'Air India, de British Airways, de Kenya Airways, de l'allemand Lufthansa ou de dizaines d'autres exemples. Nous constatons également qu'après la privatisation, les choses s'améliorent. Bien sûr, tous les pays n'étaient pas disposés à privatiser leurs compagnies aériennes appartenant à l'État. 
Le Ghana a refusé de privatiser Ghana Airways et, en 2005, il a été obligé de le fermer en raison de «dettes stupéfiantes», selon David Lawrence à la Banque mondiale.
Peu importe qui dirige les compagnies aériennes étatiques. Ce n'est pas une spécificité africaine, ou un problème de l'ANC. C'est une question d'incitations. Lawrence a déclaré que la mauvaise gestion des compagnies aériennes publiques, peu importe qui en fait la gestion, est universellement un désastre: « Un article dans Handshake, journal trimestriel de la SFI (International Finance Commission de la Banque mondiale), souligne que la sur-réglementation, les sureffectifs, la dette, l'ingérence politique et la mauvaise gestion sont trop courantes. 
Les auteurs, James Morley et Brian Samuel, décrivent le bilan des compagnies aériennes publiques comme «épouvantables» et déclarent catégoriquement que «les gouvernements n'ont rien à faire dans ce domaine».
Le fait de reporter la privatisation de la SAA menace désormais toute la nation. Comme l'a souligné Misheck Mutize, professeur de finance à l'Université du Cap, dans The Mail & Guardian: «L'inefficacité croissante des entreprises publiques continue de pénaliser les finances du pays. Ce n'est pas un luxe qu'il peut se permettre. Les agences de notation ont clairement indiqué qu'elles surveillent les renflouements et les garanties gouvernementales continus. C'est parce qu'ils constituent une menace sérieuse pour les équilibres budgétaires et les priorités politiques du gouvernement ».
Le vrai problème est que les choses sont si mauvaises que la SAA n'est pas seulement en faillite, elle menace également de mettre en faillite le gouvernement sud-africain. Mutize, offre une solution : « Certaines entreprises publiques devront être privatisées. En effet, elles fonctionnent comme des monopoles dans des secteurs clés qui perpétuent des inefficacités flagrantes. Seule la privatisation mettra fin à ces distorsions ». 
Il soutient que le pays doit déraciner l'État prédateur. Ce n'est qu'à cette condition que la confiance des investisseurs reviendra, que la croissance reprendra et que les dégradations de notation seront inversées.  Ou, comme Mises aurait pu le dire : « Il est temps de changer les incitations qui encourageront les gestionnaires à faire les bons choix».



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