Les expériences marocaines, africaines et occidentales : La littérature d’enfance et de jeunesse à l’aube du troisième millénaire


PAR Khalid RIZK *
Mercredi 22 Juin 2011

Les expériences marocaines, africaines et occidentales : La littérature d’enfance et de jeunesse à l’aube du troisième millénaire
L’Observatoire des cultures et littératures de l’enfance et de la jeunesse de la CCLMC (Coordination des chercheurs sur les littératures maghrébines et comparées), en partenariat avec l’Institut des études africaines, le Master “Littératures et cultures francophones et comparées” de la Faculté des lettres et des sciences humaines Ben M’sik-Casablanca, l’Institut français de Rabat et le Groupe scolaire Galilée-Mohammedia, a organisé les 19-20 mai 2011 un colloque international sous le titre « La littérature d’enfance et de jeunesse à l’aube du troisième millénaire : Expériences marocaines, africaines et occidentales ».    
Ce colloque s’inscrit dans le cadre des préoccupations scientifiques actuelles des chercheurs dans différentes aires culturelles et géographiques. Les communications présentées lors de cette rencontre scientifique ont porté sur la situation actuelle de la littérature d’enfance et de jeunesse, mais aussi sur le renouvellement des formes esthétiques, des contenus et de la réception des divers genres destinés au jeune public comme les magazines, les récits, les albums de bandes dessinées, les films et autres moyens d’instruction et de divertissement issus des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Le but que ce colloque s’est fixé est de faire le bilan, même partiel, en cette première décennie du XXIème siècle, de la situation de la culture et de la littérature d’enfance et de jeunesse tant au niveau de sa production qu’au niveau de sa réception dans les pays dits du « Sud » comparativement à ceux du « Nord ».
Différents acteurs impliqués dans la production et la réception des supports culturels et ludiques destinés aux enfants et aux jeunes (illustrateurs, éditeurs, animateurs d’ateliers, pédagogues, chercheurs universitaires…) ont échangé leurs expériences et leurs réflexions, pendant deux jours, autour des axes suivants :
-Littérature de jeunesse et échange interculturel ;
-Littérature de jeunesse sans frontières ;
-Littérature de jeunesse et société ;
-Littérature de jeunesse, genres et multimédias ;
-Lecture, écriture et édition.
Dans l’axe des réflexions générales sur la culture et la littérature d’enfance et de jeunesse, deux intervenants ont dressé le bilan de la production ainsi que de la réception des productions destinées à ce public. Il s’agit d’Abdallah Mdarhri Alaoui de l’Université Mohamed V et Jean Perrot de l’Université Paris XIII. Le premier, un des fondateurs de la réflexion sur la littérature d’enfance et de jeunesse au Maroc, a fait le bilan de l’édition et de la recherche en littérature de jeunesse au Maroc durant la première décennie du XXIème siècle. Quant au second, il a mis en évidence l’impact de la mondialisation sur la production des supports culturels destinés aux enfants et aux jeunes, tout en s’interrogeant sur l’avenir de la littérature d’enfance et de jeunesse du point de vue de son engagement et de sa spécificité esthétique comme “jeu de vivre”. Ce panorama de la littérature d’enfance et de jeunesse a été complété par l’intervention d’Alain Joseph Sissao, Maître de recherche à l’Institut des sciences des sociétés, Centre national de la recherche scientifique et technologique (INSS/CNRST) au Burkina Faso, qui a fait le bilan de cette littérature dans son pays (production, diffusion, réception, spécificités et avenir comparativement à celle du « Nord »).
Parmi les points importants abordés lors de cette rencontre scientifique, la représentation de l’Islam dans une collection francophone initialement destinée aux enfants des immigrés musulmans en France et en Europe et qui a « fait irruption dans les librairies nationales ». Au-delà du titre polémique (« Du danger de la lecture » Ou la découverte d’une certaine littérature de jeunesse au Maroc), l’intervenant a tenté de mettre en évidence les conséquences des idéologies intégristes qui sous-tendent les textes et les illustrations de cette collection, nourrissant ainsi le sentiment d’exclusion et d’intolérance vis-à-vis de l’Autre, notamment le « mécréants ». L’analyse assez fine de quelques illustrations de la collection en question a permis à Mohamed Ould Alla, de l’Université Hassan II-Mohammedia, de mettre en exergue les conséquences fâcheuses d’une telle ligne éditoriale aussi bien sur le jeune public marocain qu’étranger.   
Concernant les ateliers de lecture-écriture, Abdelkahhar Elhajjari (enseignant de musique et directeur de la revue Nagham éditée à Nador) et Jean Foucault, grand spécialiste des ateliers d’écriture (Université de Cergy-France), ont traité de l’impact positif des ateliers de l’écriture créative sur les jeunes au Maroc, en France et en Afrique. L’intervention d’Elhajjari a mis particulièrement en évidence l’acculturation et la conscience universelle à travers l’écriture et le chant collectif scolaires dans les ateliers scolaires animés régulièrement à Nador. Mohamed Bahi (Université Moulay Slimane de Béni-Mellal), s’est intéressé au rôle de l’atelier d’écriture dans la promotion des productions des étudiants universitaires. Dans le compte rendu de son expérience, qui a eu lieu à la Faculté des lettres et des sciences humaines, il a abordé les modalités d’organisation et les difficultés que rencontre de manière générale l’animateur des ateliers d’écriture, les thèmes récurrents dans les productions des jeunes qu’il a encadrés et enfin la tonalité dominante des textes produits par les étudiants.
Anne Schneider de l’IUFM de Strasbourg s’est interrogée sur la littérature de jeunesse migrante dans une optique postcoloniale. Selon l’intervenante, dans le champ protéiforme de la littérature de jeunesse, il existe actuellement une veine particulière qui se situe dans la lignée des littératures postcoloniales et qui renouvelle l’imaginaire de la « migrance », comme effet de « reliance ». A travers un corpus de 120 titres de littérature de jeunesse d’immigration algérienne englobant tous les genres, de 1978 à 2007, la communication a inventorié les problématiques spécifiques à l’imaginaire migrant partagé entre la culture du pays d’origine et celle du pays hôte.
S’agissant de littérature d’enfance et de jeunesse dans le monde arabe, cinq interventions ont traité de questions spécifiques à certains aspects thématiques et esthétiques ou à l’Histoire contemporaine du monde arabe : Isabelle Charpentier, politiste et sociologue, a intitulé sa communication « Portraits engagés d’adolescentes entre deux cultures dans deux romans pour la jeunesse de Jeanne Benameur ». Elle a mis en évidence l’engagement socio-pédagogique et politique de Jeanne Benameur tout en analysant les thématiques et les personnages « métissés » d’un double point de vue culturel et social. Mathilde Chevre, doctorante à l’IREMAM (Université de Provence Aix-Marseille I), qui s’intéresse particulièrement à la littérature d’enfance et de jeunesse arabe, a traité de la question politique dans les livres pour enfants en Egypte, Syrie, Liban et Palestine au lendemain de 1967.
Anouk Cohen, de l’Université Paris (Maison de l’archéologie et de l’ethnologie), s’est intéressée à La littérature de jeunesse marocaine et aux images numériques dans le but d’atteindre une certaine objectivation de la culture locale. Elle s’est arrêtée  sur la collection « Malika et Karim aux éditions Yanbow al kitab » qu’elle trouve novatrice. Toujours en rapport avec le contexte marocain, Khalid Rizk (Université Ibn Tofail, Kénitra) a mis l’accent sur les questions liées à la production et la réception des magazines arabophones destinés au jeune public de plus en plus attiré par les nouvelles technologies qui prennent plus de place dans le paysage culturel des enfants et des jeunes. Concernant le destinataire à qui la littérature d’enfance et de jeunesse est dédiée, Abdelmajid Mekayssi (Université Mohamed V, Rabat) a essayé de dresser une typologie des destinataires marocains tout en soulignant l’ambiguïté qui enveloppe leurs différents statuts.
S’agissant des pratiques de lecture des tout-petits (3-6 ans), Bérénice Waty (LAHIC– IIAC –UMR- France) a abordé d’un point de vue ethnographique les habitudes de lectures chez les enfants des écoles maternelles et des sections jeunesse des bibliothèques publiques en France. L’intervenante a précisé que cette tranche d’âge est souvent marginalisée dans les études sur la littérature d’enfance et de jeunesse.
Jean-Claude Kimona, qui représente l’association Illusafrica, a mis en évidence l’intérêt de plus en plus grandissant de la part des chercheurs, des universitaires et des acteurs associatifs africains pour la littérature d’enfance et de jeunesse, tout en dénonçant le désengagement de la plupart des gouvernements. Cette intervention, à tonalité enthousiaste, a essayé d’attirer l’attention des responsables africains sur la nécessité d’œuvrer pour que les associations comme Illusafrica puissent promouvoir la littérature d’enfance et de jeunesse en Afrique.
Un tel colloque témoigne de l’intérêt que les milieux universitaires marocains accordent à la littérature de jeunesse en l’absence d’implication effective des pouvoirs publics. Rappelons à ce propos que dans les cursus universitaires marocains la littérature d’enfance et de jeunesse est absente, ce qui nous semble anormal dans un pays où la jeunesse constitue la colonne vertébrale de la société.

* Membre du comité d’organisation
du colloque international organisé par la Coordination des chercheurs sur
les littératures maghrébines et comparées (CCLMC) les 19 et 20 mai 2011
Chercheur en littérature d’enfance
et de jeunesse
Université Ibn Tofail- Kénitra


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