Les droits de l’Homme au Maroc entre l’évolution et la pratique


Par EL MUSTAFA ICHI *
Mardi 22 Décembre 2009

Les droits de l’Homme au Maroc entre l’évolution et la pratique
Comme tous les pays qui se réclament de l’Etat de droit, le Maroc reconnaît les droits de l’Homme et les libertés publiques dans la Constitution qui en garantit l’exercice. Conscient des irrégularités qui  pourraient être commises et des atteintes qui pourraient être portées à ces droits et liberté, un système de protection juridictionnelle a été organisé.  
Dès 1945, au nom des peuples «le préambule de la charte des Nations Unies  proclame  notre foi dans les  droits fondamentaux de l’Homme, dans la dignité  et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes».
Bien plus, l’article 1 fixe pour but à la nouvelle organisation de « réaliser la coopération internationale en développant et en encourageant le respect des droits de l’Homme et des libertés  fondamentaux pour tous, sans distinction de race, de sexe de langue et de religion ». Autrement dit, dès 1945, la question des droits de l’Homme cesse d’être une affaire purement interne pour devenir un objet de la coopération internationale.
Evoquer la situation des droits de l’Homme dans un pays donné, n’est dès lors plus une intervention dans l’ordre interne ou une atteinte à une souveraineté absolue de l’Etat, mais bien une préoccupation légitime au sein d’une communauté d’Etats ayant accepté solennellement les mêmes valeurs morales et les mêmes principes juridiques, dignité inhérente à chaque individu et égalité de tous les êtres humains, mais aussi égalité des Etats et respect du droit international.
La Charte dans son IXème chapitre, article 55, vise «le respect universel et effectif des droits de l’Homme et des libertés  fondamentales», tandis que l’article 56 vient souligner que les membres s’engagent, en vue d’atteindre les buts énoncés à l’article 55, à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l’organisation. Enfin la Charte prévoit  la mise en place d’une commission des droits de l’Homme, organe subsidiaire  du Conseil économique et social dont la création est spécifiée à l’article 68.
Ladite commission a été fondatrice du texte de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qui sera adoptée par un vote massif de l’Assemblée générale des Nations Unies, le 10 décembre 1948 au Palais de Chaillot, à Paris, avec  48 voix pour, aucune voix contre et 8 abstentions.
La composition des membres de la commission, la densité  du texte de la Déclaration, avec  sa philosophie, son universalité et son équilibre politique, traduisent la volonté de faire cohabiter toutes les traductions.
L’article 22 stipule que «toute personne, en tant que membre de la société, a droit à  la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensable à sa dignité et au développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays. «La Déclaration universelle constitue bien le tronc commun  des droits de l’Homme, tant individuels que collectifs».
Le caractère universel et individuel des droits de l’Homme a été réaffirmé, si cela était  nécessaire, lors de la conférence mondiale des droits de l’Homme réunie à Vienne en juin 1993. Il s’agit de la deuxième conférence mondiale sur ce thème, après une première conférence tenue à Téhéran en 1968. La conférence de Vienne a marqué un nouveau départ pour les droits de l’Homme, en adoptant un programme d’action de taille et en préconisant la création d’un poste de  Haut-commissaire des Nations Unies pour les droits de l’Homme, poste confié par le secrétaire général à Ayala Lasso.
D’une certaine manière, dans un instrument international, les Etats ont convenu  que tous les membres de la famille humaine avaient des droits inaliénables qui étaient les mêmes pour tous et se sont engagés à les garantir et à les défendre.
C’est à la lumière de cette évolution historique qu’il convient d’examiner la double dialectique qui est au cœur du sujet : la diversification de plus en plus poussée des systèmes de garantie des droits fondamentaux au niveau national et  les avancées réalisées par le Maroc en la matière après 50 ans d’exercice.
Le Maroc qui compte une population de plus de 30 millions de personnes, a connu, au cœur des années 1990, une mutation profonde des droits de l’Homme.
En effet, compte tenu de l’influence grandissante du contexte externe, en matière des droits de l’Homme et les pressions de l’environnement international sur le pays en vue de protéger les droits et les libertés individuels, le Maroc a connu un développement majeur dans ce domaine, grâce à une série de réformes normatives en la matière (révision constitutionnelle, ratification de plusieurs traités et conventions  internationaux, aménagement de la procédure pénale en matière de détention et de garde à vue, enlèvement de plusieurs réserves émises à propos de certaines conventions internationales, plusieurs réformes administratives et juridiques, indemnisation des anciens prisonniers politiques et leurs familles, indemnisation des personnes, dont les droit ont été violés au cours des  années de plomb).
Ensuite, l’instauration de l’Etat de droit s’est accompagnée par la mise en place de plusieurs institutions ayant pour objectif, la défense des droits des citoyens. Cela constitue une étape significative dans la consolidation du processus démocratique et une évolution du système constitutionnel et politique marocain.
Au niveau de la Constitution, la dernière révision constitutionnelle est un engagement profond qui a permis non seulement au système politique marocain d’être stable, mais aussi aux principales libertés individuelles et collectives d’être acquises. Et cela par la constitution de l’Etat de droit grâce aux disposition de l’article 26 de la Constitution qui fixe un délai de 30 jours pour la promulgation des lois votées par le Parlement, l’article 92 qui autorise le Parlement à saisir le nouveau Conseil économique et social avant le vote de certaines lois, pour consultation, la conservation des principales libertés individuelles et collectives par la Constitution, la création du Conseil constitutionnel ayant pour objectif et sans  réserves des règles restrictives de saisine, de veiller à l’examen des lois avant leur promulgation et à leur conformité à la Constitution et de statuer aussi sur la régularité de  l’élection des membres du Parlement, l’adoption, dans le cadre d’un système parlementaire bicaméral, du suffrage par  liste majoritaire, la consécration de la liberté d’entreprendre, la suscription et l’adhésion à l’élection de l’ensemble des membres de la Chambre des représentants et une seconde Chambre élue au suffrage indirect, l’adhésion de l’Etat aux principaux droits et obligations découlant des droits et conventions internationaux et, enfin, la possibilité pour le Premier ministre de devenir un acteur principal dans la nomination aux hauts  postes de l’administration.
Tous ces acquis témoignent de l’existence au Maroc d’une forte volonté de consolider un Etat de droit qui garantit le respect des droits de l’Homme. Ce qui fait que cet Etat de droit  est justifié par trois instruments à savoir :
- La Constitution dont le préambule porte sur l’attachement du Royaume aux principes universellement reconnus.
En outre, les articles 59 et 74 de la Loi suprême confortent davantage l’Etat de droit grâce à la possibilité offerte au Parlement de refuser l’investiture à un gouvernement après sa nomination, s’il n’est pas d’accord sur son programme et grâce à la constitution  des commissions d’enquête sur un gouvernement qui est responsable devant l’instance législative (article 40) d’une part, et par la nouvelle vision de l’article 35 qui permet au Parlement de demeurer en place et d’exercer son  pouvoir législatif sans être dissout, d’autre part .
- L’existence d’un  Conseil consultatif  des droits de l’Homme chargé de veille sur le respect des droits de l’Homme.
- L’existence d’une haute institution Royale appelée « Diwan al
Madalime ».
- La protection juridictionnelle constitue elle aussi, une garantie apportée au citoyen contre les abus de l’administration, du particulier et de l’Etat lui-même.
Donc il est inutile de citer, tous les droits énumérés dans les dispositions constitutionnelles mais, en bref, nous pouvons dire que tout ce qui est fondamental pour l’individu se trouve consacré par la Constitution et par les textes fondamentaux (Charte Royale de mai 1958, Dahir du 2 juin 1961 et Constitutions ultérieures).
En outre, l’article 9 de la Constitution garantit à tous les citoyens, la liberté de circulation, de réunion, d’opinion, d’expression, d’association et d’adhésion à tout organisme syndical et politique de leur choix.
De même  l’article 14 affirme que le droit de grève demeure garanti. Cependant, le préambule de la Constitution a introduit une disposition nouvelle qui affirme l’attachement du Royaume du Maroc aux droits de l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus.
Or, l’exercice de ces droits est  soumis à certaines formalités imposées respectivement par les différents codes réglementant les droits et libertés. Ainsi, le non-respect de ces règles de procédure et des conditions d’exercice de ces droits, exposera leurs auteurs à des sanctions  conformément à la réglementation en vigueur.
Toutefois, plusieurs mécanismes  ont été prévus théoriquement  pour garantir le plein exercice de ces droits et libertés. Ces mécanismes ont été aménagés pour permettre une meilleure protection des droits de l’Homme, (l’institution d’une commission d’enquête par l’article 40 permettra la préservation  de l’Etat de droit).
En plus, les parlementaires auront la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel en cas de violations graves des droits de l’Homme, en vertu de l’article 79 de la Constitution. A cela s’ajoutent les dispositions prévues par l’article 45 de ce même texte, relatif à l’interpellation du gouvernement par les parlementaires sur toute éventuelle atteinte aux droits fondamentaux.
Or, à l’épreuve des faits, tant d’éléments peuvent être soulevés qui révèlent l’insuffisance de protection des individus dans leurs droits fondamentaux à savoir :
-La protection juridictionnelle des droits fondamentaux de l’individu devant les différentes juridictions nationales compétentes n’est pas encore parfaite.
-La non-publication des conventions internationales dans le Bulletin officiel rend celles-ci dérisoires.
-Le travail des enfants et la situation de la femme, la restriction des manifestations  pacifiques qu’elles soient estudiantines ou revendicatives.  
- Les entraves  à la liberté  de presse en général.
-Le manque d’efforts pour rendre la justice plus équitable.
D’un autre côté, les dispositions formulées par la Constitution et qui tendaient à la consécration par la Loi fondamentale des droits civils, sociaux, économiques et culturels des individus ainsi que les droits à l’information, à la santé et à l’environnement, n’ont pas été retenus par la Constitution. Il en est de même pour la garantie de la dignité de la personne humaine, du principe de la présomption d’innocence, du droit au procès équitable et de  l’interdiction de la pratique de la torture  physique et morale.
De même, le statut des juges qui habilite  le ministre de la Justice à déléguer, même provisoirement, un juge ou à le suspendre est contraire au principe de la séparation des pouvoirs, au principe constitutionnel de l’indépendance de la Justice et l’amovibilité des juges.
Malgré la diversification de plusieurs conventions relatives aux droits  de  l’Homme en général, le Maroc a mis plusieurs réserves contraires à l’objet même desdites conventions, lesquelles n’ont pas été toutes publiées à ce jour au Bulletin officiel. Ce défaut de publication empêche leur invocation devant les juridictions marocaines et entrave leur entrée en vigueur sur le plan national.
En plus, le Maroc n’a pas encore reconnu la compétence des instances  du contrôle et du jugement en cas de violation des droits du citoyen et il n’a pas ratifié le Traité instituant le Tribunal pénal international, ni la Convention relative à l’abolition de la peine de mort.
Outre que l’insuffisance du contrôle de la constitutionnalité  de la loi, l’examen du système du contrôle mis en place, révèlent que les droits de l’Homme et les libertés publiques ne sont pas suffisamment protégés. Actuellement, le Conseil consultatif des droits de l’Homme en collaboration avec des organismes et des associations de la société civile a élaboré un plan national pour la démocratie et les droits de l’Homme. Un plan qui permettra de combler à 90% le vide  constaté dans notre arsenal juridique et qui amènera notre démocratie au haut niveau et nos droits fondamentaux à une meilleure garantie.  
L’association de la troisième génération des droits de l’Homme confirme  également que la démocratie marocaine en comparaison avec celle des pays avancés dont l’histoire est millénaire (France et Grande-Bretagne) mérite non seulement du respect mais aussi un grand salut. C’est une démocratie qui continue à marquer des avancées encourageantes.

* Juriste, urbaniste et
aménagiste -  ATGDH



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1.Posté par bassadouk zaid le 21/08/2019 10:29
bonjour.avec tous mes respect aus principes des droits de l homme.je revendique.mes droits tant que victime .sachant que mon docie est depose au pres du conseil geral a rabat depuis le mois de mai 2007.bassadouk zaid .numero de somme 671393 instite raye de l etabissement septembre 1979 1980
salutations

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