Les Etats étrangers ne sont pas reconnus comme plaignants par le tribunal français


Par Maître Abdelkbir Tabih
Vendredi 17 Juin 2016

Un tribunal peut-il «autoriser» de diffamer un Etat de torture sans permettre à celui-ci de se défendre, au moment où la personne incriminée n’a pas à s’inquiéter.
La Chambre 17 du tribunal de 1ère instance de Paris a rendu son jugement. Dans ce dernier, il déclare irrecevable la citation directe que l’Etat marocain a déposée à l’encontre d’une personne l’ayant accusé de torture. Un cas qui recquiert plusieurs points d’interrogation.
Rappelons qu’un incident a été créé par la plainte déposée par un Marocain devant le juge d’instruction à Paris accusant le Maroc de l’avoir torturé après que ses manœuvres d’extorquer la somme de cinq milliards de centimes ont échoué.
L’Etat marocain a déposé une citation directe pour diffamation à l’encontre de ladite personne devant la justice française. Premièrement pour que cette personne révèle de quoi justifier ces allégations de torture, et deuxièmement pour que la justice française ait l’occasion de vérifier de la véracité des prétentions de ladite personne.
Lors de l’audience, la personne incriminée et ses avocats se sont trouvés dans l’impossibilité d’apporter la preuve qui justifie ses allégations de torture, d’une part, et d’autre part, ils n’ont soulevé aucun vice de forme à l’encontre de la plainte de l’Etat marocain.  
D’après les premiers éléments, et en attendant de voir la copie du jugement, le tribunal a considéré qu’un Etat quand il est diffamé, insulté ou taxé d’une allégation grave ne peut pas se défendre devant la justice française. D’après les motivations du jugement, un Etat n’est pas reconnu en tant que tel par la justice française. Pour le tribunal, seuls les individus, et à titre personnel, ont la qualité d’ester en justice pour diffamation. Sachant que les avocats de ladite personne n’ont pas contesté la qualité de l’Etat marocain
De ce fait, d’après ce jugement, n’importe quelle personne est libre d’évoquer toutes les formes de diffamation, d’allégations, nonobstant l’impact médiatique sur cet Etat. Par exemple, on peut coller à un Etat une allégation de cacher un criminel de guerre ou d’avoir instauré un système de torture sans que la personne ayant commis ces actes ne soit inquiétée. Tandis que les lois françaises donnent à la justice le droit de juger des étrangers sous la couverture de la compétence universelle.
Or, une justice n’est juste et équitable, et en fin de compte acceptable, que si elle est basée sur l’égalité de tous sans aucune différence.
Personne n’ignore, aujourd’hui, l’impact d’une accusation de torture infligée à un Etat. Cette accusation ne s’arrête pas aux frontières des limites médiatiques, qui sont d’ailleurs reliées par tous les réseaux d’information, mais touchent de près la crédibilité de cet Etat au vu et au su du monde entier.
D’autant plus que, aujourd’hui, la politique du commerce international prend comme critère d’évaluation par les investisseurs, le degré de respect par un pays des droits de l’Homme.
De ce fait, accuser un Etat de torture, et ouvrir une enquête à l’encontre d’une personne visée à tort par le soi-disant plaignant, et en même temps interdire à cet Etat de se défendre devant la même justice pose un problème d’éthique.
Parmi l’un des  grands principes, admis et défendus, du monde moderne est celui de combattre l’impunité. Ce que l’on sait est que ce principe ne s’applique pas seulement contre certains sujets de la justice. C’est un principe qui s’applique à l’encontre de tous ceux qui commettent un délit ou un crime.
Si un Etat est visé à tort par une personne quelle que soit son origine, la justice doit donner à cet Etat le droit de se défendre devant la même justice.
Toute interprétation de la qualité d’un Etat à saisir la justice d’un autre pays pour se défendre et qui va dans le sens de l’exclure de cette possibilité ne peut qu’encourager l’impunité, puisque la personne qui commet ces allégations comprendra qu’elle est soutenue dans ses méfaits.
L’impunité ne devra pas l’emporter sur la justice et l’équité sous aucun prétexte.
 L’attachement à une interprétation stricte d’un texte de loi, vide cette loi de sa substance. Cette substance même qui permet de rétablir à la victime dans ses droits.   


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