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Le "village" de la Silicon Valley chinoise vit ses derniers jours


Vendredi 22 Septembre 2017

A Pékin, des migrants venus des campagnes cuisinent et se douchent dans un village crasseux situé au beau milieu de la "Silicon Valley chinoise" et de ses flamboyants immeubles, mais plus pour longtemps: le lieu sera bientôt rasé.
Les équipes de démolition viendront abattre dans les prochains jours ce "village" fait de baraques en brique décrépites, dans le cadre d'une campagne de rénovation de la capitale chinoise.
En quelques mois, la municipalité a fait murer ou raser des milliers de logements, magasins ou cafés accusés de contrevenir aux règles d'urbanisme. Objectif: offrir un "lifting" à la ville et limiter sa population à 23 millions de personnes d'ici 2020, dans une capitale qui en compte aujourd'hui environ 22 millions et qui a gagné environ 50% d'habitants en l'espace de 15 ans.
Des migrants venus du sud-ouest de la Chine, peu développé, se sont installés depuis deux décennies à Zhongguancun, un quartier surnommé "la Silicon Valley chinoise" car il abrite les sièges des fleurons nationaux du high-tech: Baidu (moteur de recherche), Lenovo (informatique), Tencent et Sohu (internet).
Zhang Zhanrong, une élégante trentenaire, fait partie de ces ex-campagnards. Elle a quitté son village à l'adolescence pour venir travailler à Pékin et n'était pas la première à le faire: d'autres habitants de son village proche de la métropole de Chongqing étaient déjà "montés à la capitale", attirés par l'espoir d'une vie meilleure.
Ils se sont installés sur ce lopin de terre du nord-ouest de Pékin, s'entassant dans des petits logements sans eau courante.
Parsemé de prestigieuses universités, le quartier de Zhongguancun est le principal site chinois spécialisé dans les sciences et l'informatique depuis les années 80.
"Mais ils ne veulent plus de migrants ici. Nous sommes juste de simples campagnards, on n'essaie même pas de comprendre la politique du gouvernement", explique Mme Zhang à l'AFP.
"On n'a pas encore trouvé d'endroit où aller", explique-t-elle calmement, en préparant le dîner devant une cuisinière à gaz commune installée à l'extérieur de son logement.
Pour gagner leur vie, elle et son mari ont contracté un emprunt afin d'acheter deux camions de déménagement. Ils emploient leurs voisins comme déménageurs et les paient 5.000 yuans (638 euros) par mois.
Eux-mêmes gagnent environ 15.000 yuans (1.900 euros) à deux, soit environ le revenu moyen d'un couple à Pékin. Mais l'argent est presque entièrement consacré au remboursement de l'emprunt et à la scolarité de leurs enfants. Ils paient 1.000 yuans (128 euros) mensuels pour louer deux chambres adjacentes. La Chine compte des centaines de millions de "migrants": des habitants des campagnes qui viennent en ville pour y trouver des travaux mieux payés. Cette main-d'oeuvre a fortement contribué à l'exceptionnel boom de l'économie chinoise.
Mais soumis à la pression démographique, Pékin leur préfère désormais les provinciaux urbains et diplômés.
La plupart des migrants gagnent peu et ne peuvent se permettre d'amener leurs enfants -- ceux-ci ne pouvant d'ailleurs bénéficier de la scolarité gratuite que dans leur région d'origine.
"On fait des boulots que la plupart des Pékinois ne veulent pas faire, comme le nettoyage ou les travaux manuels", explique Peng Shuixian, une femme de ménage de 30 ans. "Mais c'est dur de rester. Mes enfants ne peuvent pas aller à l'école ici. Ils sont restés à Chongqing avec leurs grands-parents."
 Les maisons ne sont pas équipées de toilettes. Les parties communes sont crasseuses. Mais certains habitants ont construit des douches de fortune avec des barils en plastique placés sur des poutres en bois et reliés à des gouttières.
"Certains gagnaient 6.000 yuans par mois (760 euros) comme chauffeurs de véhicule de tourisme (VTC). Mais les autorités ont décidé que les provinciaux n'ont désormais plus le droit de faire ça", raconte Yang Qiang, aujourd'hui déménageur et qui se rafraîchit sous sa douche après une dure journée.
"On vit au jour le jour", résume Lin Huiqing, 50 ans. "Ne me parlez pas du lendemain."


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