Harvey Weinstein de retour au tribunal




Le tramway dans l’imaginaire populaire marocain


Par ASSEM JAOUAD *
Mercredi 13 Avril 2011

Le tramway de Rabat-Salé est né; il a même fait ses premiers pas lors  des essais dynamiques en mars 2010. Ce  nouveau-né n'a pas encore reçu de nom populaire. Chez nous, les gens ne  reconnaissent pas les noms officiels qui ne tiennent pas  compte des spécificités culturelles locales ; ils traitent les choses et concepts de la civilisation moderne comme faisaient leurs ancêtres qui  nommaient  à leur manière tous les objets qu'ils rencontraient. Aux  plantes et aux animaux, ces derniers avaient attribué des appellations  vernaculaires que le sociologue marocain  Paul Pascon soucieux de la sauvegarde du patrimoine oral, conseillait à ses étudiants de transcrire soigneusement lors des enquêtes sociologiques sur le monde rural. La carotte n'est-elle pas appelée différemment selon les régions ? Certains noms sont réaménagés et adaptés à la phonétique dialectale. C'est ainsi que l'expression « ça va cogner» est devenue « chabakouni » (mokhazni) et à «sale gosse »  on a substitué « salgotte ». Pour d'autres choses, on a créé des concepts nouveaux et parfois on leur a donné des surnoms comme ceux qu'on attribue aux individus. On personnifie les choses de telle sorte qu'elles s'animent. La bicyclette lorsqu'elle a été introduite au Maroc a été appelée a'oud errih ou cheval de vent, ce fut le vent qui la faisait mouvoir. Lorsque le train navette rapide (TNR) Rabat-Casablanca a été inauguré en 1984, son nom officiel en français, étrange et compliqué,  a été vite remplacé par  Aouita, en hommage au grand athlète du même nom. Comme on n'est pas aux USA, l’Office des chemins de fer ne s'est pas vu  imposer de droits d'auteur  pour cette exploitation commerciale  puisque ce n'est pas lui-même qui avait choisi ce nom mais ce sont les usagers qui l'avaient fait  à sa place.
Historiquement, le train a reçu plusieurs dénominations : machina, Tanger-Fès. Le train de voyageurs  Khouribga-Casablanca, moins long que le train phosphatier qui a été inauguré dans les années 20 du siècle dernier, est baptisé  gartéta (la courte), nom vernaculaire  d'un serpent venimeux de très  petite taille. A Casablanca, le  bus articulé  est appelé raboz  à cause du plastique qui  relie ses deux modules et qui  ressemble au cuir qui réunit les  flasques  du soufflet, certains usagers le surnomment  « Tzouej magalha lia », expression  tirée de la chanson de Najat Attabou qui avait  connu un grand succès au moment de l'apparition de ce genre de bus au Maroc. Le camion rouge  Ford D250,  des années soixante-dix du siècle dernier, contemporain du mouvement hippie s'appelait l'hibia (hippie),  une femme qui a épousé des idées de gauche (rouge, roja en espagnol), une hippie sans un seul cheveu, mais « qui fume » pour utiliser une  expression valable pour les femmes, les hommes  et les camions de l'époque. Un des Berliet s'appelait Rabia. Comme on n’arrête pas le progrès, une des voitures contemporaines est surnommée : Haoulia (brebis),  une autre : Kawkawa (cacahouète). Les mots sont toujours présents pour combler tout déficit en matière de création et de production  de biens  et de services.  
Quel nom donnera-t-on au tramway qui pour beaucoup de personnes ressemble à un reptile tant par son allure que par son silence ? Le verdict sortira bientôt  de la bouche des gens.

* (Intermédiaire d'assurance
 à Berrechid) 


Lu 1253 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.











Inscription à la newsletter



services