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Le secteur privé détricote la santé publique

Les hôpitaux publics ont perdu 5.000 lits et les cliniques privées en ont gagné 7.000 en huit ans


Hassan Bentaleb
Samedi 1 Décembre 2018

La flagrante progression du secteur privé de la santé au détriment du public est en cours. A en croire certains chiffres révélés lors du 5ème Colloque national de la santé organisé dernièrement à Marrakech par l’Association marocaine des clinques privées, le secteur public perd de plus en plus de terrain face au privé.  
Selon Hicham Najami, secrétaire général du ministère de la Santé, le secteur public compte 22.838 lits contre 9.719 pour le secteur privé ; 2.101 professionnels et 7.414 médecins spécialistes contre 7.518 en secteur privé ; 403 pharmaciens contre plus de 11.000 dans le privé et 490 chirurgiens-dentistes publics contre 3.121 privés.  L’intervenant a même expliqué que le secteur privé s’accapare 95% des demandes des personnes disposant d’une assurance maladie.   
Pourtant, Aziz Rhali, vice-coordinateur du Collectif pour le droit à la santé au Maroc (CDSM) soutient que la montée en puissance du secteur privé n’est que la conséquence directe de la politique d’Etat qui encourage l’émergence et le développement d’un secteur privé libéral sauvage au détriment du secteur public en ouvrant le capital des cliniques aux non-médecins au lieu d’accorder la priorité à un service public de qualité, de même qu’elle encourage le départ des médecins vers le privé. Des orientations qui sont édictées en grande partie par les institutions financières internationales qui considèrent les secteurs sociaux comme non productifs. «Cette situation ne doit rien au hasard. En fait, le nombre des lits a chuté dans le secteur public de plus de 27.000 en 2010 à près de 22.209 lits en 2018 soit une perte de 5.000 en huit ans alors que la capacité litière totale du privé s’est beaucoup développée en passant de près de 2.000 à 9.475 lits durant la même période », nous a-t-il expliqué. Et de poursuivre que la domination du secteur privé est à observer également au niveau du nombre des dossiers d’assurance maladie. « Aujourd’hui, 85% de ces dossiers proviennent du secteur privé et seulement 15% du secteur public, puisque le premier offre plus de services de qualité, selon les assurés. Ceci d’autant plus que les hôpitaux publics ont des difficultés à répondre au système d’assurance. Leurs services de comptabilité sont désuets, peu développés et pas performants », nous a-t-il déclaré.
Notre source va plus loin. Elle estime que l’Etat n’a plus aujourd’hui le monopole du secteur public de la santé et que le privé a réussi à s’introduire dans ce secteur de plusieurs manières. «Aujourd’hui, la sécurité des infrastructures est assurée par des agences privées. Idem pour la nourriture et la gestion des médicaments. Seul l’acte médical demeure du ressort de l’Etat », nous a-t-elle précisé.  Une situation des plus préoccupantes puisque, selon notre source, peu de cliniques privées répondent aux critères de qualité des prestations et de respect des règles d’hygiène. « Kénitra, à titre d’exemple, compte 10 cliniques privées qui n’ont pas de service de réanimation. Et en cas d’urgence, les patients sont souvent renvoyés vers les hôpitaux publics de Rabat », nous a-t-elle indiqué tout en soulignant le rôle prioritaire de l’Etat dans la prise en charge des maladies lourdes.
 Concernant le partenariat public-privé, le vice-coordinateur du CDSM estime que cette coopération manque de précision et de clarté alors que plusieurs pays ont renoncé à cette forme de collaboration. Ceci d’autant plus que ce partenariat n’a jamais fait l’objet d’une évaluation depuis sa mise en place. « Le partenariat privé-public est en cours depuis près de sept ans mais il n’y a eu  aucune évaluation de la part des autorités compétentes. Prenez l’exemple du partenariat en matière de dialyse qui a été confiée au secteur privé.  La pratique a révélé plusieurs dysfonctionnements comme c’est le cas au niveau du prix de la séance qui reste élevé (600 DH alors que la prestation est vendue à 200 DH), de l’absence de suivi, des séances incomplètes de 2h alors qu’elles doivent être de 3 à 4h, de l’imposition de tranches horaires inadéquates aux patients (6h00 du matin)… », nous a-t-il précisé. Et de conclure : « Prenez également l’exemple des gynécologues privés qui sont appelés à la rescousse par des hôpitaux publics. S’il est vrai que ces derniers prennent en charge les femmes enceintes dans des structures publiques, ces dernières doivent effectuer leurs suivis médicaux dans des cabinets privés et payer pour ces consultations. En d’autres termes, c’est l’ouverture impromptue et imperceptible de la Santé publique au secteur privé».
 


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