Hommage à Abdellah Settar
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Mue par le souci de vivre ensemble, cette figure de Casablanca savait arrimer, avec autant de passion que d’intelligence, les autres à sa personne. Disparu il y a un an, l’évocation de sa tendresse et de sa fougue, de son sens aigu de l’amitié et de son étonnant humour, gonfle d’intenses émotions le cœur de ses proches, des gens de sa cité, Hay Al Mohamadi, et de ses amis.
Qu’ils soient loués : les coins de rue flamboyants de clair de lune et le chant nocturne des insectes, les figuiers verdoyants sous un soleil qui butine, ardent, le ciel, et les soirées paisibles autour de la lampe à huile, les senteurs de la cuisson de l’oignon en déambulation à midi et les grains de blé qui sèchent sur des nattes dorées, les doigts qui, à l’ombre, filent la laine d’un futur tapis et la mélodie inépuisable du porteur d’eau, la voix mélancolique qui chante le lointain bien-aimé émanant de la radio et la bonne grâce des jeux de la toupie ronflante et du "délivré".
La cité louée est le nom de la dignité odorante du revolver enfoui dans la gerbe de menthe. Qu’ils viennent des plaines ruisselantes de lumière ou de montagnes avides d’étoiles, des brumes des amandiers ou des oasis, les visages sont unis par le même battement de cœur. L’étranger est le parent de l’étranger comme le clamait jadis le poète errant du désert. Les mains sont polies par l’outil et le front par l’honneur de la sueur.
« Quelle larme se déchire à la mémoire » pleure Jean Pierre Jouve. Evoquant son lieu natal, René Guy Cadou se console : « A se souvenir on gagne/ du bonheur pour des années ». En regrettant cet enfant cher à toute la cité, on songe immanquablement que vivre ensemble, c’est rire ensemble tant il incarne à la perfection ce lien tout à la fois intime et social. Il est celui qui épand le plaisir autour de lui et laisse de merveilleux souvenirs de son commerce dont la toile de fond est souvent la sobriété fastueuse de la cité. Dans les moments de gaieté ou de tristesse, son humour, qui énonce des phrases, aussi surprenantes que superbes, suscite toujours une vive complicité dans le rire. Insatiablement fidèle à la préséance du mot, il tisse des anecdotes qui font, avec douceur et nostalgie, écho des apprentissages sur les bancs d’école. Impressionné par la parfaite maîtrise de la langue française par les membres d’une famille à laquelle il rendait visite, il ne manqua pas de remarquer : leur chien doit, à coup sûr, recourir à l’emploi de l’imparfait du subjonctif.
Comme un digne descendant des maîtres de la nouvelle, il parvient à ciseler méticuleusement des portraits de personnages et à immerger ses interlocuteurs dans une atmosphère saisissante en restituant la difficulté d’être, l’espoir, le goût de rêver. Homme d’une sensibilité rare, il sait transformer des instants fugaces en fragments de convivialité mémorables. Lors des matches disputés par son équipe favorite, le TAS, il rend inoubliables, par ses délicats propos, des buts, des dribbles, des reprises de volée des joueurs aux maillots blancs maculés.
Féru de l’émotion pure, il crée, par son incroyable capacité de mise en scène de la dérision, une relation indéfectible entre ses amis. Sa mémoire est une étincelle qui rallume sans cesse le feu de la souvenance et enfile des métaphores pour retrouver des faits d’enfance ou railler avec tendresse l’anxiété, mettre en exergue des étrangetés ou badiner avec courtoisie. Grâce à une constellation de rieurs, l’humour fleurit les quatre saisons durant dans la cité conjuguant subtilement, par le bel esprit, des images et des idées et avivant le désir de sociabilité.
Au souk festif de la colline, cette âme humoristique était célébrée au quotidien. En témoigne avec éloquence ce conteur-chanteur qui, index et pouce au violon, incitait à partager son goût du fantastique, ses moqueries des peurs et des illusions. En relatant sa disparition, ses funérailles et son enterrement, cet artiste exerçait son ironie soupçonneuse à l’égard des mots et des rimes, du factice et faux-semblant, et consacrait l’autodérision comme le paroxysme de l’amusement.
En quittant ses compagnons de vie et ses amis, le cœur digne et le pas tranquille, l’enfant de la cité les plonge dans un sanglot de rire.
Qu’ils soient loués : les coins de rue flamboyants de clair de lune et le chant nocturne des insectes, les figuiers verdoyants sous un soleil qui butine, ardent, le ciel, et les soirées paisibles autour de la lampe à huile, les senteurs de la cuisson de l’oignon en déambulation à midi et les grains de blé qui sèchent sur des nattes dorées, les doigts qui, à l’ombre, filent la laine d’un futur tapis et la mélodie inépuisable du porteur d’eau, la voix mélancolique qui chante le lointain bien-aimé émanant de la radio et la bonne grâce des jeux de la toupie ronflante et du "délivré".
La cité louée est le nom de la dignité odorante du revolver enfoui dans la gerbe de menthe. Qu’ils viennent des plaines ruisselantes de lumière ou de montagnes avides d’étoiles, des brumes des amandiers ou des oasis, les visages sont unis par le même battement de cœur. L’étranger est le parent de l’étranger comme le clamait jadis le poète errant du désert. Les mains sont polies par l’outil et le front par l’honneur de la sueur.
« Quelle larme se déchire à la mémoire » pleure Jean Pierre Jouve. Evoquant son lieu natal, René Guy Cadou se console : « A se souvenir on gagne/ du bonheur pour des années ». En regrettant cet enfant cher à toute la cité, on songe immanquablement que vivre ensemble, c’est rire ensemble tant il incarne à la perfection ce lien tout à la fois intime et social. Il est celui qui épand le plaisir autour de lui et laisse de merveilleux souvenirs de son commerce dont la toile de fond est souvent la sobriété fastueuse de la cité. Dans les moments de gaieté ou de tristesse, son humour, qui énonce des phrases, aussi surprenantes que superbes, suscite toujours une vive complicité dans le rire. Insatiablement fidèle à la préséance du mot, il tisse des anecdotes qui font, avec douceur et nostalgie, écho des apprentissages sur les bancs d’école. Impressionné par la parfaite maîtrise de la langue française par les membres d’une famille à laquelle il rendait visite, il ne manqua pas de remarquer : leur chien doit, à coup sûr, recourir à l’emploi de l’imparfait du subjonctif.
Comme un digne descendant des maîtres de la nouvelle, il parvient à ciseler méticuleusement des portraits de personnages et à immerger ses interlocuteurs dans une atmosphère saisissante en restituant la difficulté d’être, l’espoir, le goût de rêver. Homme d’une sensibilité rare, il sait transformer des instants fugaces en fragments de convivialité mémorables. Lors des matches disputés par son équipe favorite, le TAS, il rend inoubliables, par ses délicats propos, des buts, des dribbles, des reprises de volée des joueurs aux maillots blancs maculés.
Féru de l’émotion pure, il crée, par son incroyable capacité de mise en scène de la dérision, une relation indéfectible entre ses amis. Sa mémoire est une étincelle qui rallume sans cesse le feu de la souvenance et enfile des métaphores pour retrouver des faits d’enfance ou railler avec tendresse l’anxiété, mettre en exergue des étrangetés ou badiner avec courtoisie. Grâce à une constellation de rieurs, l’humour fleurit les quatre saisons durant dans la cité conjuguant subtilement, par le bel esprit, des images et des idées et avivant le désir de sociabilité.
Au souk festif de la colline, cette âme humoristique était célébrée au quotidien. En témoigne avec éloquence ce conteur-chanteur qui, index et pouce au violon, incitait à partager son goût du fantastique, ses moqueries des peurs et des illusions. En relatant sa disparition, ses funérailles et son enterrement, cet artiste exerçait son ironie soupçonneuse à l’égard des mots et des rimes, du factice et faux-semblant, et consacrait l’autodérision comme le paroxysme de l’amusement.
En quittant ses compagnons de vie et ses amis, le cœur digne et le pas tranquille, l’enfant de la cité les plonge dans un sanglot de rire.