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Le pourquoi et le comment du coup de poing du BCIJ

Les tribulations sporadiques liées à Daesch sont plutôt l'œuvre de quelques acolytes en perte de repères


​Hassan Bentaleb
Dimanche 13 Septembre 2020

Jeudi dernier, le Bureau central d’investigation judiciaire (BCIJ) a démantelé une cellule terroriste active dans plusieurs villes du Maroc.

Selon Abdelhak Khiame, directeur du BCIJ, cette cellule affiliée à l’Etat islamique et formée de plusieurs personnes âgées entre 29 et 43 ans, a été sur le point de commettre un attentat suicide. L’Etat islamique constitue-t-il toujours une menace ? Qu’en est-il de ses ramifications et de sa présence au Maroc ? Qu’en est-il de ses adeptes ? Que révèlent les dernières arrestations effectuées par le BCIJ ? Réponse avec Abdellah Rami, spécialiste des groupes djihadistes.

« Cette opération anti-terroriste intervient dans un contexte marqué par la dislocation de Daech et par sa régression. On peut même dire que cette organisation terroriste a disparu et qu’elle n’existe plus. Aujourd’hui, elle n’est qu’un groupuscule constitué de quelques dizaines de combattants enfermés dans la Syrie rurale et en Irak sans un leader et sans une organisation. Le reste de ses membres sont soit pourchassés, soit incarcérés dans les prisons. Même sur la toile, ce groupe djihadiste n’existe plus. Bref, Daech lutte aujourd’hui pour exister», nous a indiqué Abdellah Rami. Et de préciser : « Certes il y a encore certaines branches de Daech ici ou là, mais, il s’agit de branches organisées et actives qui existaient avant l’apparition même de Daech et qui ont été pro-AlQaïda ou Salafia Jihadia. Tel est le cas de la branche de Daech en Afghanistan qui a été pro-Al-Qaïda ou celle du Sinaï qui a des appartenance multiples (Al-Qaïda, Salafia Jihadia et Frères musulmans).

Autrement dit, il s’agit bien de branches qui se sont labellisées Daech après l’émergence de cette dernière comme chef de file du terrorisme mondial en Syrie et en Irak. Un scénario qui rappelle celui de plusieurs branches qui ont été labellisées Al-Qaïda après les attaques du 11 septembre ».

Notre interlocuteur estime, néanmoins, que malgré le recul géopolitique et stratégique de l’Etat islamique, son véritable danger provient des cellules d’action formées par les partisans de Daech qui ne lui sont pas directement affiliés. Il s’agit, en effet, d’individus qui partagent la pensée du groupe, qui suivent ses informations et lisent sa littérature. « Il s’agit de cellules anarchiques et inopinées, destinées à commettre des actes terroristes pour défendre et faire triompher la cause de Daech. En général, il s’agit d’actions individuelles et isolées. Ses acteurs sont souvent des individus qui ont des liens d’amitié ou qui appartiennent aux mêmes familles ou partagent les mêmes lieux de travail. Ces personnes sont souvent influencées par les médias appartenant à Daech et elles sont difficiles à repérer puisqu’il s’agit d’individus non expérimentés », nous a-t-il expliqué. Et de poursuivre : « A noter, cependant, que ces partisans ne sont pas totalement libres d’action. Ils sont aujourd’hui suivis et traqués par les salafistes jihadistes qui ne les portent pas dans leur cœur. Entre les deux camps, il y a une vraie animosité et de la haine. Les salafistes contrôlent et suivent les proDaech plus que les autorités sécuritaires marocaines. A souligner également que les adeptes de l’Etat islamique sont suivis par les autorités marocaines depuis l’émergence de Daech en Syrie et en Irak».

Cependant, notre source pense que la vraie question qui s’impose et qui demeure sans réponse, c’est celle de savoir pourquoi ces individus arrêtés dernièrement par le BCIJ ont voulu passer à l’acte sachant que ce passage à l’acte a toujours été conditionné par une pression sur l’organisation ou par des événements précis. «Les observations de terrain nous ont permis de constater que les partisans de Daech comme ceux d’Al-Qaïda passent souvent à l’acte sous la pression des évènements. Chaque fois qu’il y a des offensives à caractère stratégique contre les groupuscules terroristes agissant dans les pays du Croissant fertile, il y a possibilité d’attentats terroristes sous d’autres cieux. Ces partisans vivent sous la pression et évacuent cette dernière via des opérations terroristes. Et c’est pourquoi les services de sécurité du monde entier sont toujours en état d’alerte lorsqu’il y a des évènements importants (offensive contre Daech, opérations de démantèlement des cellules terroristes…). Parfois, il y a des consignes claires pour commettre des attentats et parfois, non», nous avait déclaré Abdellah Rami, dans une précédente édition de Libé. Et d’ajouter : « L’opération d’Imlil (double meurtre des touristes scandinaves en 2018 dans les régions de Marrakech) a été une expression de la colère et de l’émotion ressenties par les adeptes de Daech suite aux évènements de Hajin (attaque américaine contre Daech en Syrie). C’est une manière d’évacuer cette pression émotionnelle. Les assassins des deux Scandinaves ont cru combattre aux côtés de leurs frères d’armes en Syrie qui sont en grande difficulté »

Concernant le timing de ces arrestations, notre source nous a indiqué que si les opérations antiterroristes sont certes sécuritaires, leur timing est souvent politique. « Le Maroc ne fait pas l’exception et c’est d’ailleurs le cas partout dans le monde. L’ensemble des pays gèrent et exploitent politiquement le dossier de la lutte contre le terrorisme », nous a-t-elle affirmé. Et d’expliquer : « Ce qui est frappant dans ces arrestations, c’est qu’elles ont coïncidé avec l’arrestation en Turquie de l’un des chefs de Daech dans la région et le démantèlement de plusieurs cellules dans le Nord de la Syrie. Elles ont coïncidé également avec l’arrestation par le Front Fatah alCham (ex-Front al Nosra) d’un émir de nationalité française et la destruction d’une cellule sous son commandement », nous a-t-elle rappelé. Et de nous confier : « Derrière ces arrestations, il y a, à mon sens, un message adressé à l’égard de la France dont les agissements dans le dossier libyen ne semblent pas plaire aux autorités marocaines notamment ses tentatives de contourner le dernier dialogue libyen à Bouznika. La forte médiatisation des dernières arrestations et la présence d’Abdellatif Hammouchi, patron du pôle DGST-DGSN, adressent un message clair à la France : le terrorisme existe toujours et le Maroc peut arrêter, à tout moment, sa collaboration sécuritaire avec l’Hexagone concernant ce dossier».

Hassan Bentaleb 


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