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Le pourquoi du comment d’une volte-face gouvernementale

L’Exécutif a vidé le projet de loi sur la lutte contre la violence faite aux femmes de sa substance


Mourad Tabet
Mercredi 6 Juillet 2016

Le mystère qui a entouré l’enterrement par le gouvernement Benkirane de la première version du projet de loi n°103-13 relatif à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et son remplacement  par un autre taraude encore l’esprit des défenseurs des droits des femmes.
Lors de la journée d’étude organisée sur ce sujet par le Groupe socialiste au Parlement, Hasna Abouzeid, membre du Bureau politique de l’USFP et également du Groupe socialiste à la Chambre des représentants, s’est interrogée, d’entrée de jeu, sur les raisons de cette surprenante et inexplicable volte-face et elle s’est demandé si la deuxième version ne constituait pas un retour en arrière par rapport à la première.
Intervenant au nom du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), Mostafa Naoui a, pour sa part,  vivement critiqué la deuxième version de ce projet de loi. Laquelle est, selon lui,  une «piètre » version, car en deçà des attentes des associations défendant les droits des femmes, des forces démocratiques et des luttes menées depuis des années pour les faire valoir. «Pourquoi une nouvelle version ? Quelle est le sort de la première qui porte d’ailleurs le même numéro ? Pourquoi ce brusque changement sans que les concepteurs ne daignent le justifier ? », s’est-il lui-même interrogé lors de cette table ronde à laquelle ont pris part des représentantes des associations des droits des femmes, des parlementaires de l’USFP et du PPS, et des membres du Bureau politique de l’USFP.
Pour lui, ce changement subit n’est qu’un « subterfuge » et une manière détournée de manipuler le temps législatif. Tout cela pour ne pas donner du temps aux parlementaires et à la société civile afin de débattre suffisamment des projets de loi avant de les faire adopter par le Parlement.
Quant à l’avocat et membre du Bureau politique de l’USFP, Abdelkébir Tabih, il a adressé des critiques acerbes au projet de loi gouvernemental en dévoilant que parmi ses 56 articles, 3 seulement parlent de la femme et en affirmant qu’il ressemble plus à un projet de Code pénal qu’à  un projet de loi concernant la lutte contre la violence à l’égard des femmes puisque presque toutes ses dispositions relèvent de ce Code, alors que les associations des droits des femmes revendiquaient une loi spécifiquement dédiée à la lutte contre les violences à l’égard des femmes.
L’un des défauts de ce projet dévoilés par l’intervenant tient au fait que ce projet réduit la violence à l’égard des femmes à son aspect physique, alors que cette violence peut être de nature juridique, économique, publicitaire, culturelle, sociale, etc. Ses critiques ont également porté sur la structure et la rédaction de ce projet de loi. « Vous savez qu’en droit, la rédaction juridique peut être utilisée pour dissimuler la régression ».
Me Tabih a aussi affirmé que le nouveau projet contient des articles qui pourraient être utilisés contre les femmes elles-mêmes comme c’est le cas des articles 436 et 503, avant de conclure que ce projet « n’a rien à voir avec la lutte contre les violences à l’égard des femmes».
Quant à Khadija Rougani du collectif « Printemps de dignité », elle ne s’est pas montrée clémente à l’endroit de ce projet de loi. Elle a ainsi souligné que la Constitution a proscrit l’incitation à la haine et à la violence, mais le projet de loi gouvernemental n’a pas fait allusion à cela.
Elle a aussi insisté sur la mauvaise foi du gouvernement qui a tergiversé des années durant pour ne pas adopter plusieurs projets concernant les droits des femmes tels celui de l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination et qui entend maintenant adopter à la hâte et en fin de son mandat le projet n°103-13.
Elle a par ailleurs affirmé que la clarté et la précision qui sont des principes importants du droit pénal, font défaut dans ce projet de loi.
 « Le Printemps de dignité » qui regroupe plusieurs associations défendant les droits des femmes, a peaufiné le mois dernier un mémorandum contenant ses remarques sur ce projet de loi et aussi ses revendications même si le projet en question est en deçà de leurs attentes.
« Toute initiative législative (relative aux droits des femmes) doit être encadrée par le préambule de la Constitution qui bannit et combat toute discrimination à l’encontre de quiconque, en raison du sexe, par l’article 19 qui stipule que l’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental et l’article 22 qui défend à l’intégrité physique ou morale des personnes », lit-on dans le préambule de ce mémorandum qui a été distribué lors de cette table ronde tenue lundi dernier à la Chambre des représentants.
Il convient de préciser que cette table ronde s’inscrit, comme l’a rappelé la modératrice Hasna Abouzeid dans son allocution d’ouverture, dans le cadre de l’ouverture de l’USFP et du Groupe socialiste sur les associations de la société civile et les institutions constitutionnelles, en vue de traduire leurs revendications et remarques en amendements que le Groupe socialiste défendra lors des débats sur ce projet au sein de la Commission de justice, de législation et des droits de l'Homme à la Chambre des représentants.


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