Le nouveau syndicalisme reste à inventer


Par Pascal Lorent *
Vendredi 22 Avril 2011

A chaque fois, la même tension, sur la corde qui relie deux rives. D’un côté, le droit légitime, inaliénable car hérité des luttes passées, qu’ont les travailleurs de faire grève. De l’autre, les désagréments causés à d’autres citoyens, importunés dans leur quotidien vécu à flux tendu. Et crescendo, une incompréhension entre ces deux mondes qui, pourtant, se côtoient et s’interpénètrent, puisque les grévistes d’un jour seront les importunés du lendemain.
Le constat est criant, désormais : le recours systématique à des moyens d’action qui pénalisent la population n’aboutit qu’à un résultat. Celui de rendre impopulaires des combats, même s’ils sont justifiés.
Pire, la surenchère syndicale n’aboutira qu’à jeter le discrédit sur la mobilisation de travailleurs. Et à renforcer le camp de ceux qui réclament le service minimum.
Quoi, alors ? La grève reste une arme redoutable qui, dans bien des cas, fait basculer le rapport de force au profit des salariés. Il ne faut pas y renoncer. Mais il incombe aujourd’hui au mouvement syndical dans son ensemble de repenser ses modes d’actions, ses manières d’alerter l’opinion publique sur les évolutions inacceptables des relations de travail, et ses tentatives de médiatisation.
Sur ce dernier point, les médias ne peuvent éviter leur part de réflexion. Le 7 avril, la CSC Services publics belge a mené une « action ludique » à Bruxelles, pour sensibiliser l’opinion sur l’euro-manifestation prévue le 9 à Budapest. Cette « kermesse européenne » n’a bloqué aucun carrefour, n’a retardé aucun train… Et obtenu un très modeste écho médiatique. Par contre, la menace d’une coupure d’eau sur Namur a attiré l’attention de grands journaux flamands. D’où le sentiment, chez certains syndicalistes, qu’il faut forcément parler fort pour avoir l’oreille des médias.
Ils ont tort, au moins en partie. Car les opérations « coup-de-poing » atteignent vite leurs limites. Et engendrent alors un retour négatif.
A hausser le ton pour un oui ou un non, on risque fort de ne plus être écouté. Ce qui serait un comble pour le mouvement syndical, au moment où le capitalisme ôte ses gants de velours. Et enserre de sa main de fer une société civile qui ne veut pas se laisser faire et tente de lui répondre.

 * Chroniqueur au journal
 belge Le Soir


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