Le management dans le secteur public marocain: Diagnostic et améliorations


Par Mohamed El Achhab *
Samedi 14 Juillet 2012

Le management dans le secteur public marocain: Diagnostic et améliorations
Tous les aspects de la vie sociale, économique et politique d’un pays   s’impactent  profondément  des conditions de gestion de la chose publique. Au Maroc, chaque personne ou organisation a une ou des expériences vécues dans leurs relations avec l’administration publique et les services qu’elle offre à ses usagers qui réclament inlassablement à travers plusieurs tribunes et occasions d’être traités comme clients d’une entreprise privée qui met ses clients au centre de ses préoccupations et leur crée les conditions appropriées d’accueil et de qualité de service.
Au Maroc, ces derniers temps, l’action publique est devenue très médiatisée constituant un sujet omniprésent des critiques des journaux, élus et représentants de la société civile, etc; ce qui témoigne de l’existence d’un malaise affectant la relation des organisations et  services publics avec leurs usagers, et dénote de l’existence d’une multitude de dysfonctionnements entachant l’image de marque de l’administration publique rendue synonyme de rigidité, de lenteur et de bureaucratie malgré les importants efforts de normalisation consentis et mesures d’améliorations introduites ces derniers temps aussi bien au niveau structurel que technique et infrastructurel.
Ce constat constitue une alerte qui mérite une réflexion profonde dans le sens de diagnostiquer ce malaise en vue de lui apporter les améliorations qui s’imposent avec la célérité requise et normaliser, en conséquence, la relation entre le citoyen et son administration en répondant à ses besoins qui doivent être conçus  et traités comme des produits et services offerts à des clients et fournisseurs à la fois au lieu d’une relation de prestataires et utilisateurs.
Dans cet essai, le secteur public désigne  toutes les entités relevant de l’Etat et des pouvoirs publics ainsi que les services qu’elles rendent aux citoyens. C’est pourquoi lorsqu’on utilise l’administration publique, organisation publique, secteur public ou service public, on désigne les entités, les structures et les services rendus dans le contexte de relation de l’Etat et ses prolongements avec les citoyens.
Ce secteur n’arrive pas à satisfaire tous les besoins des citoyens  dans les conditions d’efficacité et de qualité requises en comparaison avec le secteur privé qui utilise le management dans son rouage de gestion face à une administration publique accablée de contraintes et de difficultés procédurales, comportementales et bureaucratiques limitant de ses capacités d’épanouissement à l’heure ou notre pays ne cesse de s’aligner sur les standards de la bonne gestion dictés par le souci de développement socioéconomique, le Statut avancé qui lui est accordé par la Communauté européenne qui lui permet une importante possibilité d’ancrage  au diapason de l’échiquier commercial international surtout si la gestion de la chose publique bascule du modèle administratif vers le modèle managérial.
Ceci suscite en premier lieu la comparaison de la gestion des organisations publiques marocaines par rapport à la gestion privée pour mettre en relief les insuffisances de l’administration publique et pouvoir en conséquence proposer des améliorations en mesure de normaliser la gestion publique à ses obligations et attentes du grand public.
Malgré leurs  points communs, l’organisation privée et l’organisation publique ont des modes de gestion très différents ,surtout lorsqu’il s’agit de l’utilisation des moyens humains et financiers ,l’organisation  et  les objectifs même s’il agit  parfois d’entreprise publique  qui est plutôt une unité commerciale qu’administrative de nature régalienne, car l’exacerbation de la concurrence rend l’Etat entrepreneur de plus en plus inefficace vis-à-vis d’un secteur privé plus performant et dynamique sur le marché , ce qui explique en grande partie la cause de la déficience de productivité du secteur public par rapport au secteur privé.
Par ailleurs, l’introduction des techniques modernes de management dans la gestion  des services publics constitue une révolution dans la gouvernance de la chose  publique surtout compte tenu des améliorations à apporter à ces services, notamment :
- Basculer davantage d’une administration autoritaire vers une administration plus accueillante et plus citoyenne ;
- Réviser l’organisation administrative vers plus de flexibilité et de productivité ;
- Introduire les techniques modernes de gestion pour atteindre plus d’efficacité et d’efficience ;
- Réformer dans le sens d’adapter l’action publique à l’environnement national et international qui connaît de plus en plus de profondes mutations et combattre sans merci la non qualité dans la prestation des services publics à tous les niveaux de relation administration et citoyens.
Cette démarche proposée cherche à concilier le management et l’administration, qui sont parfois des modèles indissociables. Cette  conciliation est entrée dans le domaine du  possible sous l’effet positif de l’avancée technologique et informationnelle survenue dans le domaine de gestion des affaires publiques (Internet, Intranet, informatique, télécommunications, techniques de gestion…) qui facilite le développement d’un management adapté aux organisations publiques. Cette conciliation exige de repenser l’organisation administrative et les contours de l’action  publique dans lesquels s’inscrit la démarche rénovatrice de  gestion de la chose publique et des services que le secteur public offre en général et aux citoyens «clients» en particulier, en vue de redresser les anomalies de gestion et clarifier et simplifier ces relations pour mieux répondre aux préoccupations et attentes et éviter la  mort lente des services publics, surtout que l’image constituée autour de ces services  est généralement une image de non qualité. Cette image s’illustre à plusieurs niveaux de  contacts entre l’administration publique et ses usagers. A titre indicatif, il est très observé que les usagers du service public optent en grande partie pour une prestation privée tant que possible au lieu de celle publique cherchant plus de  qualité et de proximité , amabilité, bon cadre logistique d’accueil, célérité dans le traitement, suivi, écoute et flexibilité des services malgré le prix compétitif des prestations publiques assuré par la péréquation tarifaire appliquée sur les services publics qui présentent des écarts en termes de qualité des prestations rendues : classes d’école surchargées, bancs d’accueil dégradés, soin hospitalier modeste et parfois indécent, transport urbain non régulier et non confortable... La qualité des services publics présente plusieurs insuffisances et mérite un remodelage à l’image d’une entreprise privée qui affronte ses concurrents par un positionnement stratégique tenant de la qualité de service son principal facteur clé de succès et un moyen de domination stratégique pour relever les défis du changement de l’environnement. La prise en charge des attentes des clients du service public  par les pouvoirs publics en vue d’améliorer la qualité des services rendus constitue le premier pas à franchir dans le sens d’adapter la gestion de l’administration publique aux exigences du management et de la bonne gouvernance, ce qui suscite de rapprocher cette orientation stratégique aux enjeux de la qualité des services publics.
A ce titre, malgré les efforts déployés par l’Etat en matière de modernisation de l’administration publique, l’objectif du renouveau du service  public n’est pas entièrement atteint à cause des insuffisances liées à la gestion qui est généralement de modèle administratif et bureautique constituant un frein au développement : l’enjeu du management public est devenu fondamental dans la mesure où les organisations publiques sont interpellées par les défis de développement et de  mondialisation.
L’approche rénovatrice et moderniste de la gestion publique tend à répondre à des besoins nécessaires de management se rapportant au mode actuel de gestion des organisations  publiques qui a, sans doute, montré ses limites et mérite en conséquence de l’ériger en mode de management public dans le contexte socio-culturel et économique  marocain. Cette démarche proposée tend à introduire autant que possible la logique et la pratique du management dans le rouage de gestion du secteur  public et ses services connexes:   

Intérêts du management dans le secteur public

Cette réflexion n’a pas pour objet d’expliquer ou de passer en revue les aspects conceptuels du management tel qu’il est enseigné dans les écoles de management et de commerce, mais vise  à délimiter les contours et domaines où la pratique du management dans la gestion publique constitue un support précieux au développement des performances et d’efficience des prestations publiques.
Le but de cette communication consiste à fournir une réflexion théorique, sur le management des affaires publiques qui met en exergue un certain nombre d’axes structurants de management qui contribuerait ainsi à la mise en place de  base de développement d’un cadre de référence approprié pour l’instauration d’une politique claire et réaliste en matière de management de la chose publique au lieu de son administration d’une manière classique ne profitant qu’à l’informel et ne semant que le laxisme dans l’action publique.
L’introduction du  management dans la gestion publique cherche à réduire les ambivalences et chasser les paradoxes qui planent encore sur les modalités de gestion publique de façon à permettre l’identification des conditions d’épanouissement et du renouveau de ces services et greffer la gestion publique des concepts et pratiques du management privé pour créer la synergie entre le management en tant que concept et style de gouvernance et l’administration en tant que théorie et mode d’encadrement public. Le management incite la dynamique de changement  dans les modes de  gestion publique par l’exploitation des atouts technologiques et les points forts de la mondialisation en transformant ses faiblesses et menaces en forces et opportunités et en adaptant le modèle administratif en vigueur de caractère bureaucratique au modèle  managérial connu d’efficience constitue une voie privilégiée pour dynamiser le processus de modernisation et un support consistant au développement administratif.
La pratique du management dans les organisations publiques permettra sans doute de reconfigurer le secteur public en entier pour le rendre plus performant et profitable à tous les acteurs publics et privés dans un cadre réglementaire exigeant le respect des normes de la concurrence et le partage des fruits de développement dans une approche de gain mutuel  (gagnant-gagnant).
 Le passage d’un modèle de gestion administratif à un modèle managérial constituerait une incitation à l’investissement, à la concurrence et à l’émergence d’une véritable industrie des services, comme c’est le cas actuellement dans certains pays développés (France, Allemagne, Espagne…)  surtout après la mise en place des instances de régulation sectorielles (audiovisuel (HACA), marché économique (Conseil de la concurrence), électronique et télécommunications (ANRT)...).

Questions clés du management dans le secteur public

Débattre de la question de gestion des services publics, c’est relever un ensemble de domaines, disciplines et enjeux qui s’interfèrent de façon à ce que la maîtrise du sujet débattu ne soit assurée que par la délimitation de la thématique et présenter ses contours et valeurs scientifiques tout en répondant d’une manière synthétique aux questions mettant en exergue les axes structurants de ce débat:
Quels sont les traits saillants de la gestion des services publics marocains?
Quelles sont les limites actuelles de la gestion des services publics et quels sont leurs impacts sur le développement socio-économique ?
Comment est-ce que l’introduction du management dans le secteur public est nécessaire ?
Dans quelle mesure le modèle managérial et l’approche pragmatique de management peuvent faire adapter le secteur public et les services qui en découlent aux exigences du marché et du changement de l’environnement national et international ?
Quelles sont les limites d’application du  management dans les organisations publiques marocaines ?
Quelles sont les améliorations nécessaires à apporter à la gestion des services publics, et quelles sont les stratégies génériques de développement à mettre en œuvre?
Quelles contingences d’organisation et de structures à adopter en matière de modernisation et d’adaptation des services publics ?

Eléments de la problématique de la gestion administrative

A partir de ces questions clés, nous pouvons mettre en exergue les éléments de la problématique de la gestion publique à travers les axes de réflexion suivants :
La problématique de ce sujet est multidimensionnelle et multidisciplinaire dans la mesure où elle concerne toutes les disciplines (droit, économie, gestion…) et touche à plusieurs  organisations et domaines de la vie publique des citoyens (collectivités locales, établissements publics, entreprises privées…).
Les services publics, essentiellement monopolistiques (monopole légal ou naturel) ont connu une transformation profonde, en termes de configuration et d’étendue, au cours des deux dernières décennies dont les progrès technologiques ont eu un impact particulièrement marqué sur l’environnement monopolistique du service public qui ne cesse de se mettre en question surtout à l’heure de la déréglementation des économies à l’échelle nationale et internationale. Cette situation implique en premier lieu une plus forte restriction des monopoles publics  en vue de favoriser la croissance par la concurrence, car la réduction des domaines des monopoles publics  crée les conditions réelles du marché concurrentiel, qui sans doute ne peut être que favorable au développement.
Les technologies modernes perçues comme une menace pour certains services publics, ouvre un vaste horizon de développement et d’épanouissement qui n’est pas totalement exploité. Le secteur public ne peut pleinement tirer profit de ces changements sous son statut actuel que très limitativement du moment où on ne capitalise pas pleinement sur le rôle de la technologie dans le développement  de la gestion publique, là où le secteur public ne doit pas continuer à financer unilatéralement certains services publics de nature concurrentielle sans la contribution des entreprises privées dans l’effort public.
Partant de ces éléments, la nécessité de la pratique du management et ses mécanismes régulateurs dans le fonctionnement des services publics est devenue un impératif, afin de maîtriser les effets de la mondialisation et de corriger les imperfections de la gestion publique et ses déficiences.

Objectifs du management dans le secteur public

L’introduction et la généralisation du management dans la gestion de la chose publique au sens large du terme ont des objectifs et donc des cibles à atteindre.  Le sujet de management public s’adresse à un ensemble de parties prenantes concernées directement ou indirectement dont on peut citer selon l’ordre d’importance l’Etat, les collectivités locales, les établissements publics, les entreprises publiques et privées qui offrent des services publics, les instances de régulation des services publics et activités concurrentielles, les représentations de la société civile, les citoyens et leurs groupements (associations, syndicats, partis politiques,…)

Conclusion :
Cette réflexion se projette dans l’optique de basculer d’un modèle obsolète de gestion administrative vers un modèle rénovateur et performant en mesure de faire sortir la gestion des affaires publiques actuelle de son immobilisme et de l’orienter vers le renouveau, la performance et l’efficience sous les différents angles structurels et organisationnels en vue de les mettre à niveau par rapport aux standards du management public tels qu’ils sont adoptés et pratiqués dans les pays développés. Cette métamorphose, constituant un basculement obligé, n’est possible  que lorsque les conditions d’adaptation aux exigences de l’environnement national et international sont réunies, nécessitant d’ancrer nos organisations et services publics au diapason de l’ouverture et l’innovation, l’échiquier entrepreneurial et le développement d’une véritable industrie de service dans notre pays dont le service public qui reste généralement formé sur des paradigmes anciens et des pratiques bureaucratiques constituant  un frein au  développement de cette industrie, malgré les réalisations notoires enregistrées ces derniers temps sur plus d’un domaine.  L’industrialisation des services publics est devenue une condition essentielle dans le processus de développement socio-économique. Elle n’est possible que par la libéralisation progressive des services publics marchands, le développement administratif et le renouveau du service public dans sa globalité.
Ce diagnostic sert, donc, à mettre en exergue les insuffisances de gestion administrative dans la perspective de lui proposer des réponses claires et des améliorations managériales en mesure de propulser la gestion publique dans le sens de la compétitivité et l’efficience managériale capable de relever les défis de l’environnement et de développement attendu depuis longtemps.

doct en droit public *


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1.Posté par El Achhab le 15/07/2012 21:31
Thème d'actualité par excelence mérite une reflexion aussi plus nprofonde.

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