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Le livre : Théocratie populiste, Puissance de l’Etat-Makhzen


Lundi 28 Juillet 2014

Le livre : Théocratie populiste, Puissance de l’Etat-Makhzen
Qu’en est-il du partenaire américain? Le Maroc peut-il avoir la même qualité d’alliance avec les Etats-Unis vis-à-vis des groupes islamistes et du terrorisme que celle qui prévalait contre le communisme? Très probable et même une coopération plus étroite; parce que le pouvoir marocain possède une expertise dans le domaine du radicalisme islamique qu’il n’avait pas s’agissant du communisme.
Cette alliance avec les Etats-Unis et la France et les bonnes relations avec Israël mirent un frein à l’agressivité espagnole vis-à-vis du Maroc et permirent de faire quitter l’îlot Persil aux forces espagnoles. Mais, en géopolitique, les choses ne sont pas d’une clarté cartésienne et intérêts immédiats, à court ou à long termes se mêlant peuvent embuer la vision. Un exemple parmi d’autres: les Etats-Unis sous-traitent la sale besogne contre les islamistes avec l’aide de l’infrastructure et de l’intelligence (renseignement) marocaines et prennent langue avec les islamistes du Adl et du PJD de façon assidue.  L’Occident est viscéralement opposé à toute théocratie sur son sol, mais relativement aux pays musulmans, il opte pour une expression du sacré amicale, alliée à ses intérêts et opposée à une autre qui rejette ces intérêts, entre autres : la sécurité d’Israël, un pétrole disponible à défaut d’être peu cher, etc. Si on fait de l’islam un code de lois qui régit l’Etat et la société dans leur intégralité, si on se focalise sur la lettre de la Révélation et qu’on en omette l’esprit, si encore on rejette toute interprétation humaniste du dogme, l’Occident pourrait bien accepter tout cela, peu lui importe, à condition que sur le plan géopolitique ses intérêts soient sauvegardés. Pour l’Occident, tant que la perception du sacré demeure inchangée au Maroc, en son expression malékite et chérifienne, la monarchie est l’interlocuteur privilégié sinon le seul partenaire possible.
La dynastie marocaine constitue donc une excellente interface avec l’Occident car celui-ci se défie d’un nationalisme militant ou d’un islamisme qui lui serait hostile. L’avantage avec la monarchie, c’est qu’il n’y aura pas de tension géopolitique en une provocation insensée des puissances occidentales. Or, des partis islamistes au pouvoir pourraient le faire; ils y seraient portés par la pression populaire. L’islam militant est antioccidental, antilibéral et populiste ; il a un engagement résolu pour les Palestiniens et est contre l’intervention américaine dans le monde musulman.
L’Occident est prêt à coopérer avec les régimes non-démocratiques pourvu qu’ils les appuient contre la menace terroriste islamiste; il se satisfait d’un sécularisme autoritariste et de façade comme verrou nécessaire à l’islamisme au Maghreb. L’Occident et Israël ne veulent que des dictatures plus au moins dures mais anti-islamistes; il y a le postulat qu’elles réussiront à endiguer l’immense pression politique et sociale dans les pays musulmans qui aspirent à plus de justice sociale, un gouvernement plus à l’écoute de leurs demandes, à davantage de solidarité avec la Palestine, l’Irak et l’Iran.
Ce qui rend l’option démocratique dans les pays musulmans peu défendable en Occident, c’est la crainte de voir le suffrage universel porter les partis islamistes au pouvoir. L’Occident encourage le Maroc, parmi d’autres, à ne pas tenir compte de l’opinion de la majorité parce que celle-ci semble pencher vers une théocratie radicale; les iniquités sociales et politiques sont plus tolérables que des gouvernements islamistes qui peuvent bouleverser les données géopolitiques actuelles. Parmi les personnalités les plus populaires au Maroc figurent après le Souverain, Ben Laden, Nasrallah du Hizbollah libanais, etc.
Comment les Marocains concilient-ils leur allégeance à Mohammed VI et leur admiration pour Nasrallah ? Jusqu'à quel point l’Etat marocain est un responsive national state? Le Maroc ainsi que les Etats islamiques ont beaucoup à faire pour le devenir. Une alliance avec l’Occident vaut tous les programmes de réforme démocratique! Le seul problème qui demeure pour les Etats musulmans pro-occidentaux est purement intérieur: c’est à eux de gérer les forces politiques intérieures sans faire trop de remous, empêcher la propagation de l’islamisme radical qui est déstabilisateur et l’expansion du militantisme démocratique qui est une menace contre l’autocratie et accessoirement un facteur de réaction islamiste, neutraliser les attaques de l’Internationale islamiste relayées par des groupes islamistes locaux, tels sont les objectifs de l’Etat marocain.
Si le Maroc se dotait d’un pouvoir islamiste, pleinement conscient de la nécessité de soutenir la Palestine et qui rejette l’intervention américaine en Irak, et qui est hostile également aux monarchies du Golfe, non seulement il se mettra à dos tous les alliés traditionnels de la monarchie mais il n’est pas sûr que l’Algérie lui accorderait un répit ; celle-ci jugerait le moment opportun d’amputer notre territoire des provinces du Sahara.
L’inversion du système des alliances rendrait l’Algérie et le Polisario plus crédibles aux yeux de l’Occident qui redoute plus que tout de voir l’influence du Hamas, d’Al Quaïda et de l’Iran parvenir aux portes de l’Europe. Un anti-américanisme débridé au Maroc aurait un effet désastreux, surtout au niveau de l’Etat : on perdrait l’équivalent de l’Erythrée pour l’Ethiopie de Mengistu Hailé Mariam. Le Maroc devrait faire son deuil du Sahara et reporter indéfiniment la récupération de Sebta et Mellilia.
Au cas où un pouvoir islamiste serait instauré au Maroc, l’Espagne envisagerait de le bombarder en réaction aux les événements de 2004. Provoquer inconsidérément l’Occident ne ferait que précipiter l’asservissement des peuples musulmans car celui-ci après sa victoire n’envisagera pour eux ni démocratie ni séparation des pouvoirs : il détectera toutes les lignes de fracture : ethnique, linguistique, religieuse, sociale pour en faire des pays sans intégration et où le nationalisme ne sera qu’un vain mot.
La puissance de la dynastie vient de ce que géopolitiquement, aucune force politique effective ou potentielle ne lui est supérieure : un régime socialiste aurait échoué dans la récupération du Sahara et c’est une autre Mauritanie qu’aurait instaurée l’Espagne. Le Maroc peut-il courir le risque de dilapider le capital de confiance de la dynastie alaouite auprès des États-Unis, alors que l’approbation américaine du plan marocain pour le Sahara augurerait de son succès final?
Cet appui américain est mérité parce que l’alliance américaine expose le Maroc à une attaque permanente venant de l’Internationale islamiste relayée par des groupes locaux. Si les Américains se désengageaient de l’Irak et de l’Afghanistan, les forces islamistes menaceraient Israël, l’Arabie Saoudite et l’Égypte de manière significative. Le Pakistan subirait également cette menace. Une négociation entre les Américains et les Talibans aurait un effet désastreux sur les pays pro-américains.
Le retrait américain permettrait aux Iraniens d’envisager sereinement le rôle de puissance régionale. Les islamistes se pressent partout pour assumer le gouvernement ; ils veulent se débarrasser des Etats pro-occidentaux et être dans un contact immédiat avec l’Occident; leur option sera-t-elle celle d’une opposition frontale ou bien accepteront-ils de composer? Nul doute qu’à la vue du traitement que les islamistes d’Afghanistan et peut-on ajouter de Palestine subirent, leur attitude sera plus prudente. D’autres islamistes croient encore, à tort, que le temps de la subjugation par l’Occident est révolu. Est-ce que l’Occident pourra faire face à un monde musulman gouverné partout par des régimes islamistes hostiles ? Sans aucun doute.
C’est pour cela qu’il s’inquiète fort peu, finalement, de la paupérisation des masses dans ces pays et qu’il appuie les Etats dictatoriaux en attendant de décréter hors-la-loi de possibles régimes islamistes, s’ils sont trop dérangeants. Avec des régimes islamistes, cela ferait plus de territoires à contrôler et plus d’Etats à mettre à genoux ; avec les autocraties, plus de ressources minières et plus de flux financiers allant vers l’Occident. Quel gain avec des États démocratiques musulmans, qui développeraient rationnellement leur économie? Plus de concurrents sur le marché mondial!

A suivre


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