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Le livre : Théocratie populiste, L’alternance, une transition démocratique?


Mercredi 27 Août 2014

Le livre : Théocratie populiste, L’alternance, une transition démocratique?
Le Maroc évoluera-t-il selon le modèle iranien ou le libéralisme turc ? Là, il faut souligner qu’une convergence entre le monarque et l’élite occidentalisée et qui prône la démocratie ne serait pas suffisante pour imposer la séparation des pouvoirs qui gênerait tous ceux qui profitent de leur confusion (et il y en a à des postes-clés) ou ceux qui sont dans l’opposition mais ne veulent pas d’une évolution politique libérale parce qu’elle contrarie leurs desseins. Mais, vu ce qui caractérisa plus de trente ans d’histoire au Maroc, des abus particulièrement graves, notre pays a un besoin pressant de garanties tangibles des droits et bien sûr de séparation des pouvoirs. Donner la priorité aux questions économiques et sociales sur le droit est un leurre, car on ne s’occupe de promouvoir une communauté que si elle possède des droits. 
Est-ce qu’il y a une nécessité objective des réformes au Maroc ? Est-elle commandée par des facteurs endogènes ou des conditions exogènes ? Sous la pression de quelles forces un équilibrage institutionnel de la monarchie pourrait-il s’effectuer? Disons-le clairement, il n’y a rien, à l’heure actuelle, qui puisse imposer à la monarchie une séparation des pouvoirs selon le modèle occidental. On peut seulement faire état des risques de l’autocratie tels que le Maroc y fut exposé. 
En parlant de la colonisation, l’histoire officielle ne mentionne jamais le problème de l’autocratie et les carences du Makhzen. Or, il est certain que s’il y avait eu au Maroc la séparation des pouvoirs, il n’aurait pas été colonisé; celle-ci renforce la citoyenneté et accroît prodigieusement le niveau de mobilisation nationale, de sorte que la réalisation de la séparation des pouvoirs est un antidote à l’asservissement. 
La confusion des pouvoirs et son cortège d’arbitraire n’ont jamais produit que stagnation, médiocrité, frustration et corruption. La séparation des pouvoirs est libératrice d’énergie dans tous les domaines et les exemples à ce sujet ne manquent pas. Tunisiens, Ottomans et Marocains ne s’intéressèrent au régime constitutionnel que lorsqu’il était trop tard. Un autocrate n’appelle les libéraux au gouvernement que lorsqu’il voit que tout est perdu ou presque, tel le Shah d’Iran. Ceux-ci peuvent accepter par nationalisme, s’exposant à être les dindons de la farce. 
Depuis la dissémination de l’initiative politique dans la société, à partir des années 1930, et plus particulièrement après l’indépendance, il fallut une bureaucratie militaire et policière imposante pour la maîtriser, celle-ci devenant rapidement une source de danger pour le pouvoir lui-même. Sans séparation des pouvoirs, l’État ne peut se faire respecter que par une violence extrême dont il peut être également victime. Du point de vue de l’autocrate ou du bénéficiaire apparent de la confusion des pouvoirs, celle-ci n’apparaît ni dangereuse ni préoccupante et à cet égard le meilleur exemple de ce type de comportement est le Roi Hassan II. 
Entouré de comploteurs, il était insouciant et sûr de lui, passé les alertes, il le redevenait. L’autocrate est souvent entouré de gens dangereux: ils sont une menace pour lui et pour la société. Il doit en tout cas leur inspirer une terreur permanente, quant à la répandre dans la société, ils s’en chargent. Les autocrates ne se préoccupent pas beaucoup de la concentration des pouvoirs parce que les moments de crise sont extrêmement brefs comparés à la durée d’un pouvoir sans partage. Mais il ne faut pas oublier que quelques minutes suffisent pour qu’un autocrate en remplace un autre, et quelques jours ou semaines pour qu’une révolution islamique ou non mette un terme à une autocratie. 
On peut à cet égard réexaminer la problématique suscitée par le règne précédent : le sacré protégea-t-il suffisamment l’autocratie? Peut-on imaginer qu’un jour la monarchie aura besoin d’institutions fortes (Parlement, justice, presse) pour parer à des périls majeurs ou est-ce que sa structure lui permet de faire face à toutes les situations? Le fait d’avoir surmonté ces périls peut-il être érigé en règle valable de façon permanente? Il faut s’en tenir à Spinoza: tout dépend des institutions mises en place : ce n’est pas le peuple qui est méchant, ce sont les institutions qui sont bien ou mal conçues. Or au Maroc nous avons l’idée que l’homme est méchant, la nature humaine détestable et la démocratie impossible. 
Dangers de la confusion des pouvoirs et bienfaits de leur séparation. D’un point de vue marxiste, il n’y a pas de différence entre monarchie et Makhzen mais puisque ce n’est pas une révolution prolétarienne que nous envisageons et que notre but est une monarchie constitutionnelle fondée sur une réelle séparation des pouvoirs, la critique du Makhzen pour promouvoir une ère de liberté et de responsabilité est tout aussi nécessaire que la sauvegarde de la monarchie. La nécessité du dépassement de la confusion des pouvoirs n’est pas une question purement académique. Voyons ce qu’il en coûte de la négliger. 
Il faut cesser d’avoir une opinion favorable du Makhzen faite de respect, d’admiration, de crainte, de servilité même et voir le côté potentiellement dangereux pour l’Etat de la concentration des pouvoirs. Quant aux citoyens, ils endurent quotidiennement toutes sortes d’excès. Si on se reportait au Maroc de 1970 et que l’on demandât à n’importe quel citoyen: «Est-ce qu’Oufkir, Dlimi, d’autres généraux et personnalités appartiennent au Makhzen?» La réponse aurait été invariablement : «Bien entendu, ils en sont l’âme». 
Or, ils trahirent la monarchie. Après avoir puissamment contribué à consolider le régime, Oufkir, dès qu’il avait perdu tout crédit auprès du Souverain, se mit à comploter. Maintes fois la machine se retourna contre son maître d’El Glaoui à Oufkir, il y a une continuité : celle du serviteur dévoué du Makhzen qui trahit; c’est pour cela que l’abnégation du Makhzen est un mythe : le Makhzen ne sert la monarchie que si elle se conforme à ses voeux et s’il n’y a pas de risque politique. Prenons le cas de D. Basri, dès qu’il vit que le Roi Hassan II subissait la réprobation internationale, le ministre, naguère idéologue de la stabilisation, se retrancha dans le rôle de «ramoneur de cheminée et de femme de ménage du gouvernement». 
Il laissait la monarchie assumer ses responsabilités. Le Makhzen, c’est ça aussi. Pire encore, le Makhzen peut aussi porter atteinte aux intérêts nationaux. Dès qu’il fut limogé, avec les honneurs, D. Basri disait à qui voulait l’entendre que le Maroc allait perdre son Sahara. Dépité, celui qui se glorifiait d’être l’incarnation du Makhzen, se mit à traiter les Marocains d’insectes rampants (bakhouch) et de parler de pacification au sujet de la répression des partis de gauche, sans doute pour provoquer leur colère; une fois qu’il était en France, c’était sans danger pour lui. 
Cet expert en désinformation (il disait ignorer tout de Tazmamart et du commissariat de Derb Moulay Chérif) avait la rage perfide. Il ne pardonna jamais au Roi de l’avoir écarté, d’où cette métaphore, entièrement placée sous le signe du sionisme, de crainte, peut-être que les Marocains n’en comprennent pas une autre: «Lorsqu’on travaillait avec SM Hassan II, nous ne travaillions pas avec Ben Gourion qui, des années plus tard, allait laisser sa place à Sharon».


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