Le cinéma a ouvert tôt les yeux sur le risque terroriste


Libé
Samedi 4 Mars 2017

Le cinéma français a su ces dernières années s'emparer du thème du jihadisme, au point de réaliser plusieurs films prémonitoires sur la radicalisation des jeunes et le fossé avec les banlieues. "Il y a eu une mutation chez les cinéastes, se félicite auprès de l'AFP le critique et spécialiste du cinéma, Jean-Luc Douin. Aujourd'hui, ils osent regarder la réalité en face, traiter des sujets brûlants".
 Mais ce ne fut pas simple. Philippe Faucon dit avoir été confronté au déni à la sortie de "La désintégration" (2012), parcours de trois garçons de banlieues, endoctrinés par un prêcheur salafiste qui va les conduire au terrorisme. "On me disait que mes personnages n'existaient pas, a-t-il dit en 2015 à Télérama. Puis les regards ont changé, et le film a même été considéré comme prémonitoire. En tout cas, le cinéma, à travers moi ou d'autres réalisateurs, joue un rôle essentiel pour donner à comprendre cette évolution de la société française". 
Bertrand Bonello a, lui, commencé à réfléchir à un film sur le terrorisme en 2010, ressentant alors "quelque chose d'étouffant" dans la société. "Nocturama", l'histoire de jeunes qui posent des bombes dans Paris, sortira six ans plus tard. D'autres réalisateurs se sont penchés sur la question du terrorisme comme Nicolas Saada et "Taj Mahal" ou Thomas Bidegain et "Les Cowboys", sortis en 2015. "Les événements viennent donner un éclairage cruel, monstrueux à certains de nos films", a commenté ce dernier. Pour lui, cela montre au moins que "le cinéma a les yeux ouverts".
Sans mentionner les nombreux documentaires ou téléfilms sur le sujet, on peut aussi citer "Bastille day" (thriller franco-britannique sorti le 13 juillet 2016, presque aussitôt retiré des salles à la suite de l'attentat de Nice), le franco-mauritanien "Timbuktu" (vainqueur des Césars 2015), "La Route d'Istanbul" (2016) de Rachid Bouchareb (aidé au scénario par l'écrivain Yasmina Khadra), ou "La chute des hommes" (2016) de Cheyenne-Marie Carron.
Initialement prévue en 2014, la sortie de "Made in France" de Nicolas Boukhrief avait été reprogrammée au 18 novembre 2015, avant d'être à nouveau repoussée. Il n'est finalement pas sorti en salle mais en vidéo à la demande (VOD). Ce film sur l'infiltration par un journaliste, de culture musulmane, d'une cellule jihadiste en banlieue parisienne, a nécessité quatre ans avant de prendre forme. "En 2012, les financements publics nous ont été refusés sous prétexte que le sujet était anecdotique. Aujourd'hui, ça paraît dément", a dit le réalisateur. Il s'est dit auprès de l'AFP "malheureusement pas surpris (des attentats de janvier 2015) parce que toutes les personnes que j'avais interrogées pour faire le film, notamment dans la police, me disaient que cela arriverait".
Marie-Castille Mention-Schaar, réalisatrice du film "Le Ciel attendra" (sorti en septembre 2016), a suivi Dounia Bouzar, directrice du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam (CPDSI), et son équipe dans son travail de dé-radicalisation. 
Le tournage de cette histoire de jeunes filles qui vont basculer dans le fanatisme a commencé deux jours après les attentats du 13 novembre 2015. La réalisatrice a failli tout annuler. Finalement, elle a poursuivi son travail parce qu'il était "encore plus urgent pour moi d'essayer de comprendre".
Pour avoir un maximum d'impact, ces films doivent, après leur sortie, être accompagnés de débats et de rencontres avec le public. Philippe Faucon a parlé de son travail l'an passé, dans son ancien lycée marseillais.


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