Le Musée des Beaux-Arts de Montréal rend un hommage posthume à Leila Alaoui

L’artiste parcourait le monde pour donner une image digne aux laissés-pour-compte


Mehdi Ouassat
Vendredi 20 Janvier 2017

Le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) organise
du 18 janvier au 30 avril 2017 une exposition inédite intitulée "No Pasara" en hommage à la célèbre artiste-photographe
marocaine Leila Alaoui, décédée suite aux attaques terroristes perpétrées dans la capitale burkinabèe, en janvier 2016.


Organisée avec le concours de la Fondation Leila Alaoui, l'exposition "No Pasara" vise notamment à mettre en relief le talent et l'œuvre de la photographe et vidéaste franco-marocaine Leila Alaoui, qui a consacré son art au service des causes humanitaires et des droits humains. «No Pasara», composée de 24 photos et inspirée du slogan antifasciste espagnol qui signifie «Ils ne passeront pas», est consacrée aux rêves et aux aspirations de jeunes Marocains qui souhaitent traverser la Méditerranée pour atteindre l'Europe. La mer, obstacle qui sépare ces jeunes Marocains de la côte andalouse à la fois si près et si loin, est un thème récurrent de l'exposition. L’artiste avait réalisé ces clichés en 2008 pour le compte de l’Union européenne. Jeunes hommes perchés sur les ruines d’une gloire, scrutant l’horizon en quête d’espoir, enfants faisant face à une montagne de détritus, artisans travaillant avec des outils d’un autre siècle, les photographies de Leila Alaoui témoignent d’une réalité abrupte, une sorte de fossé infranchissable entre le passé et un avenir inaccessible. «L’artiste a passé beaucoup de temps avec les gens qu’elle a photographiés, témoigne la commissaire de l’exposition, Diane Charbonneau, dans une déclaration à «LeDevoir.com»». Certaines photos ont même été prises directement sur l’eau. En effet, déterminée à comprendre cette nécessité de quitter le pays natal, la défunte artiste avait même expérimenté le trajet en barque avec trois «harraga» (Migrants clandestins) qui ont échoué leur traversée de tous les espoirs.
Leila Alaoui capture l’essence de cette jeunesse désespérée grâce à une esthétique riche en émotions où une image vaut mille mots. La mer s’insinue dans ses compositions soignées, particulièrement en arrière-plan, mais aussi la pauvreté et l’aridité des lieux visités. Assis, couchés ou debout, les jeunes sont représentés souvent pensifs, le regard vers l’ailleurs ou nous tournent tout simplement le dos, devenant autant de métaphores de l’inaccessible. Leila Alaoui se déplaçait de Béni Mellal, au centre du pays, jusqu’aux villes portuaires de Nador et Tanger où elle se familiarise avec la migration clandestine. Telle une ethnographe, elle se fait observatrice, à l’écoute de ses sujets avant d’immortaliser leurs états d’âme..
Notons, par ailleurs, que c’est la première fois que l’exposition «No pasara» est présentée en entier. Au départ, la photographe refusait de vendre ses photographies, mais aujourd’hui, une partie des profits réalisés par la vente de ses œuvres est versée aux migrants photographiés.
Née en 1982, Leila Alaoui a étudié la photographie à l’université de la ville de New York. Elle utilisait la photographie et l’art vidéo pour exprimer des réalités sociales à travers un langage visuel qui se situe aux limites du documentaire et des arts plastiques. Son travail est exposé internationalement depuis 2009 (Art Dubaï, l’Institut du monde arabe et la Maison européenne de la photographie à Paris) et ses photographies sont publiées dans de nombreux journaux et magazines, y compris le New York Times et Vogue.
L’artiste avait à deux reprises vécu de près des attaques terroristes, puisqu’elle se trouvait à Paris le 13 novembre 2015 et à New York le 11 septembre 2001, et a fini par trouver la mort dans une autre attaque de djihadistes à Ouagadougou, le 15 janvier 2016. Elle s’était rendue dans la capitale du Burkina Faso dans le cadre d’un projet de documentaire sur les violences faites aux femmes en Afrique de l’Ouest, initié par l’ONG Amnesty International.


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