Le Maroc peut-il se permettre le luxe d’organiser le Mondial de football ?


Par Mehdi Alaoui Mhammedi Etudiant chercheur en master 2 à l'Institut de management public et de gouvernance territoriale - Université d'Aix - Marseille
Vendredi 3 Mars 2017

Dans un temps proche, le CIO et la FIFA étaient à la recherche de villes candidates à l’organisation de leurs méga-événements sportifs (Jeux olympiques et Coupe du monde). De nos jours, la donne a changé. Du fait des retombées économiques et sociales sur les villes hôtes, la notoriété internationale que peut apporter ces événements et la pluralité des grands projets de développement urbain lancés lors de la période préalable à l’organisation. Le nombre de villes candidates est de plus en plus croissant et la course est de plus en plus acharnée. Neuf villes ont alors officiellement fait acte de candidature à l’organisation des JO d’été de 2012, finalement attribués à Londres. En 2016, Rio obtient l’organisation des JO d’été, la logique croissante du nombre de candidatures a été confirmée, seize candidatures ont été déposées. Dans l’objectif de populariser le football et développer l’infrastructure footballistique dans les quatre coins du monde, la FIFA décide d’alterner l’organisation de la compétition par continent. Pourtant, l’accueil coûte cher, les coûts liés à l’organisation de ces méga-événements sportifs sont astronomiques, environ 12 milliards d’euros pour les JO d’été d’Athènes en 2004, dont 7,2 milliards à la charge de l’Etat (Junod, 2007) , les JO de Londres 2012 qui ont coûté plus de 12 milliards d’euros (Andreff, 2016), ont été financés à 52% par l’Etat, 8% par des collectivités locales, 19% par une loterie publique et 21% par des fonds privés (Andreff, 2016) . Plus récemment, Rio a mobilisé plus de 17 milliards pour l’organisation des JO d’été de 2016 (Andreff, 2016). L’organisation de la Coupe du monde n’échappe pas à cette tendance inflationniste, l’organisation du Mondial 2010 en Afrique du Sud avait coûté 4,5 milliards d’euros, tandis que  l’accueil du Mondial 2014 à Rio nécessitait un investissement de 11 milliards d’euros.
Une enveloppe budgétaire lourde qui suscite le débat, les questions posées par l’opinion publique et les médias se multiplient : faut-il dépenser des fonds publics dans un grand événement sportif ? Quelles sont les retombées économiques et sociales sur le territoire hôte ? Quelle est l’utilité de ces mastodontes après la fin de la compétition ?
On ne peut pas négliger l’effet positif des compétitions sportives sur la ville hôte, la construction d’une infrastructure sportive permet de dynamiser l’économie du pays à travers la création de l’emploi et la hausse du nombre de visiteurs étrangers. Par ailleurs, l’héritage sur les dimensions sportives, sociales, urbaines et infrastructurelles est conséquent. En pratique, le financement se fait par le biais de trois modalités : la hausse du déficit public, la hausse des impôts ou par une diminution d'autres dépenses publiques. Dans ce contexte marqué par plusieurs années de croissance relativement faible, cette même somme d’argent pourrait être utile si elle est utilisée pour booster l’économie locale et renouveler et renforcer l’infrastructure publique. 
Et voilà que la compétition prend fin, les constructions se transforment en mastodonte inutile (stades immenses mais vides, réseaux de transport vers des sites sportifs non utilisés après la compétition, des infrastructures non entretenues…). Le cadre théorique confirme la donne, des études scientifiques ont démontré que l’effet net sur l'économie d'un méga-évènement est négligeable en moyenne, que ce soit au niveau de l'emploi ou du revenu (Müller, 2015) . Avec des résultats constamment désastreux, Athènes et Rio peuvent servir d’exemple, les images des infrastructures affichent un gaspillage hors normes, la zone olympique d’Athènes et de Rio est transformée en village fantôme, des bâtiments construits pour l'occasion  délaissés, l’état de délabrement des stades est extrêmement étonnant, des piscines laissées à l’abandon, des infrastructures inutiles pour la population avec un coût d’entretien énorme. 
Pendant ce temps, le Maroc travaille d’arrache-pied pour monter sa candidature à l’organisation de la Coupe du monde 2026. Les témoignages et les promesses se multiplient, le Maroc a tous les moyens d’organiser une Coupe du monde. Il a toutes les infrastructures nécessaires, stades, hôtels, communications... », a déclaré le président de la FIFA, Gianni Infantino. Issa Hayatou, le patron de la CAF confirme que la Confédération africaine de football a soutenu et soutiendra toujours la candidature du Maroc pour organiser la Coupe du monde. Heureusement, le dépôt des candidatures est prévu pour décembre 2018. Les auteurs de cette candidature ont peu de temps pour relancer le débat et revoir les tenants et les aboutissants sur l’endettement et l’économie émergente du pays. Le bilan n’est pas assez encourageant avec des résultats toujours désastreux tant à court qu’à long terme, ce qui pousse à s’interroger sur l’utilité de demander l’organisation d’un tel événement. 
 


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