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Le Japon, une terre peu accueillante pour les réfugiés


Mardi 30 Mai 2017

Liliane, débarquée d'Afrique il y a dix ans, peut s'estimer chanceuse: elle a obtenu le statut de réfugiée au Japon, pays où rares sont les élus. Mais elle a vite déchanté.
Dans un archipel qui n'a accueilli que 28 réfugiés en 2016 sur les 8.193 dossiers passés au peigne fin, soit un de plus qu'en 2015 malgré une hausse des demandes, l'accompagnement est réduit au minimum, affirme-t-elle.
"Cela m'a vraiment beaucoup déçue, nous sommes laissés à nous-mêmes, il faut se battre seul. Parfois je me dis que ce statut n'a vraiment pas de sens", confie cette femme de 37 ans, qui s'exprime sous un pseudonyme.
Liliane ne sait pas vraiment dire comment elle s'est retrouvée à Tokyo, à des milliers de kilomètres de chez elle, après avoir échoué à obtenir l'asile en Europe. "Ma mère m'a acheté un billet d'avion pour le Japon en tant que touriste. Je ne venais pas parce que j'aimais le pays, je venais parce que je fuyais une situation dans mon pays".
C'était en 2007, puis deux ans plus tard, "on m'a appelée pour me dire: +Félicitations, vous avez été acceptée au Japon comme réfugiée+". "Je me disais que j'aurais des privilèges par rapport à cela, mais il n'y a pas vraiment de privilèges", qu'il s'agisse du financement des études ou des démarches à accomplir (banque, logement...), regrette Liliane.
Elle aime au Japon "la culture", le sentiment de "sécurité" et "l'honnêteté" de ses habitants, mais la langue, "c'est vraiment un handicap". "Je ne sais pas où trouver des cours gratuits. Je regarde la télévision japonaise, et c'est là que j'apprends un peu. Si je connaissais la langue, je trouverais un bon boulot", soupire-t-elle. Actuellement elle doit se contenter d'un "arbeito" (petit travail) de quatre heures par jour.
Liliane n'a pas non plus obtenu le droit de recevoir la visite de sa famille, surtout de sa fille, laissée au pays et âgée de 19 ans aujourd'hui.
Malgré les lacunes du système, Nonnon, 47 ans, aspire à ce statut depuis qu'elle a fui les persécutions militaires dans sa Birmanie natale il y a 25 ans. Elle a d'abord bénéficié d'un droit de séjour humanitaire, avant de basculer en statut de résident, à renouveler régulièrement.
"C'est comme si je n'avais pas de nationalité", confie cette mère de deux enfants, qui ne sont ni Birmans ni Japonais.
Le Japon, très généreux quand il s'agit de fournir une assistance financière, applique en revanche une approche très stricte en matière d'accueil des réfugiés. A peine 30 élus par an, c'est à comparer à un peu plus de 26.300 réponses positives en France l'an dernier.
"Le nombre de demandes (de personnes originaires) de pays générant le plus de réfugiés, tels que la Syrie, l'Afghanistan et l'Irak, est faible", justifie Yasuhiro Hishida, un représentant du Bureau de l'immigration. Loin de la situation européenne où affluent des dizaines de milliers de migrants du Moyen-Orient, la plupart de ceux qui revendiquent le statut de réfugié au Japon sont originaires d'Asie et cherchent à venir pour des raisons purement économiques, argue-t-il.
Une manière pour eux de contourner le système. Car le Japon peine à s'ouvrir aux immigrés et ce malgré une main-d'oeuvre en déclin. Le pays compte 127 millions d'habitants mais sa population devrait diminuer à 87 millions d'habitants d'ici 2060, selon les estimations. Or le nombre d'étrangers vivant au Japon n'était en 2016 que de 2,38 millions, soit moins de 2% de la population - même si ce chiffre a constitué un record.
"Le Japon a gardé une mentalité fermée aux étrangers en tant que nation insulaire qui, jusqu'à récemment, disposait d'une large population", explique Hidenori Sakanaka, un ancien responsable du ministère de la Justice qui dirige un groupe de réflexion pro-immigration.
Selon un sondage de ce ministère publié en mars, le premier du genre, 30% des étrangers au Japon disent avoir été victimes de discrimination.
"Nous autres, avec la peau noire, c'est un peu difficile. Parfois dès qu'on s'assied dans le train, certains Japonais quittent leur siège", raconte Liliane, qui a aussi pâti de ses origines dans sa recherche de travail. "Quand je dis que je viens d'Afrique, c'est comme s'il y avait quelque chose qui clochait. Les opportunités sont très réduites, il faut briser cette barrière".
Réfugiés ou migrants, "aujourd'hui nous avons besoin aussi de l'aide de personnes d'autres cultures, sans quoi le pays va à sa perte", conclut M. Sakanaka.


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