La perfection de la musique de Mozart sublimée au Maroc

La magie de «Don Giovanni» a opéré au Théâtre national Mohammed V


Danaé Pol
Jeudi 17 Avril 2014

La perfection de la musique de Mozart sublimée au Maroc
La première de « Don Giovanni » au Maroc s’est déroulée samedi 12 avril au Théâtre national Mohammed V de Rabat.  Après l’avant-première de l’œuvre, dans le cadre du projet «  Viens à l’opéra ! » dédié en exclusivité aux jeunes élèves des écoles élémentaires et du collège, c’était aux plus grands d’apprécier le chef-d’œuvre de Mozart magnifié par la mise en scène de Jean-Marc Biskup les 12, 14 et 15 avril.  
 Cet «  opéra des opéras », tel que le nommait Wagner, est une des pièces majeures du répertoire de Mozart, interprétée pour la première fois en 1787 sous la direction du compositeur lui-même au théâtre des Etats de Prague où elle rencontra un immense succès. 227 ans plus tard, l’incommensurable triomphe est toujours présent pour la première de cet opéra au Maroc.  L’Orchestre philharmonique du Maroc (OPM) avait déjà interprété onze opéras au préalable, et c’est avec une maturité certaine que le chef-d’œuvre de Mozart a été abordé. 
 Sous la baguette de Benoît Girault,  l’opéra en deux actes « Don Giovanni », reprend le mythe du séducteur puni, Don Juan. L’action se déroule à Séville, en Espagne au XVIIème siècle, où le blasphémateur Don Juan avance masqué pour séduire Donna Anna.  Celle-ci repousse l’insistant jeune homme, mais le Commandeur doit intervenir pour venir en aide à sa fille. Lors d’un duel nocturne, Don Giovanni blesse le vieil homme à mort et s’enfuit avec son valet Leporello sans le moindre regret. Malgré cette ignominie, Don Giovanni continue à séduire, et par de belles paroles charme Donna Elvira et Zerlina à qui il promet monts et merveilles. Mais, la vraie nature du jeune homme se dévoile peu à peu aux yeux de tous… La surprise est grande quand Don Giovanni, lors d’un repas, entend frapper à sa porte le spectre du Commandeur.  Le spectre saisit de sa main glaciale le profanateur et exige qu’il se repentisse. Celui-ci refuse et, hurlant de douleur, est entraîné dans les flammes de l’Enfer.
 La mise en scène colorée et intelligente du «  dramma giocoso »  est réalisée par Jean-Marc Biskup regroupant 20 choristes, 8 solistes chanteurs et 68 musiciens.  Un prompteur a été installé pour traduire les textes en français, permettant ainsi de suivre l’intrigue. La scène y est vivante et mobile, avec des costumes somptueux, à laquelle il convient d’ajouter les qualités artistiques des interprètes. Le pari était risqué pour une première au Maroc, mais les chanteurs, l’orchestre et les décors nous transportent pour trois heures de pur bonheur. Le spectateur est propulsé à travers des actes séducteurs et vils de Don Juan à l’apparition divine et terrifiante du Commandeur venu se venger.  Passion, revirements, tressaillements et parfois même rires à gorge déployée ont jalonné le spectacle.
Une alliance subtile de deux genres totalement différents à laquelle est combinée une dimension théâtrale où l’illusion est portée par la musique et le décor. Paolo Pecchioli est magistral dans le rôle du méprisable et charismatique Don Juan, en conférant avec brio au personnage toute cette élégance détestable qui le caractérise. Leporello, interprété par Olivier Grand, s’avère incroyablement attachant dans son rôle de fidèle serviteur. Quant aux femmes de Don Juan, incarnées par Mirella di Vita et Irène Candelier, elles sont tiraillées par des sentiments contradictoires.
 Il n’est nul besoin d’être un fin connaisseur pour ressentir un plaisir immédiat en écoutant « Don Giovanni ». Les notes s’assemblent naturellement avec harmonie, les voix s’ajoutent spontanément à l’orchestre et dispensent l’auditeur de tout effort pour prendre plaisir à l’écoute. Ainsi, le mélomane voyage dans l’univers drôle et tragique de 0cet opéra.  
 Alliance de théâtre et de musique, « Don Giovanni » enivre, passionne et fascine l’assemblée. Un grand moment de romantisme traverse l’interprétation du  plus bel opéra de Mozart.  
 Seul regret, l’absence de distribution de livrets à l’entrée. Comportant les dialogues chantés, les éventuels passages parlés, ainsi que les rapides indications de mise en scène et de jeu, ce livret aurait pu constituer une alternative aux incessants va-et-vient entre la scène et le prompteur.   


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