La modernité inégale, ou quand on cherche la construction d’une démocratie généralisée


Nouri Zyad
Vendredi 14 Juillet 2017

Il y a des concepts qui font débat et alimentent indéfiniment la polémique. C’est le cas de la Modernité, concept inépuisable, vu qu’il implique de nombreuses dimensions juridique, économique, philosophique, culturelle, sociologique et pose en même temps des interpellations critiques  concernant son contenu,  son évolution, son identification, ses ambigüités et ses paradoxes.  Il fait appel de surcroit  à des lectures différentes et revêt un aspect fondamental, celui des processus d’évolution des sociétés humaines. Ceci lui confère, par conséquent, un intérêt tout particulier dans la recherche doctrinale et scientifique.
Ouvrage collectif (Harmattan 2016), "La modernité Inégale, Pouvoirs, savoirs et avoirs dans la construction d’une démocratie généralisée" est le fruit des actes du 21ème colloque international organisé à Marrakech en mai 2016, avec la participation d'un ensemble de contributions d’une vingtaine d’intellectuels autour de nombreuses questions inhérentes au concept de modernité. 
Paru sous la direction du professeur Ali Sedjari, l'ouvrage se décline en trois parties, articulées autour des "Champs temporels, théoriques et scientifiques de la   modernité",  "Géopolitique des crises, rôle de l’Etat et nouvel ordre moderne" et "Modernité, démocratie et rôle de l’Etat dans la fabrication des valeurs". L'intérêt actuel de ce débat  n’est pas de savoir quels sont les partisans  du pour et ceux  du contre, ceux qui veulent en finir avec la modernité et ceux qui veulent la réinventer,  mais de la repenser dans un contexte d’accélération du changement et de transformation profonde de nos sociétés contemporaines. Au fond, le défi actuel, dans ce contexte de ruptures et de déchirements culturels, d’opposition de modèles antagonistes,
 tradition et modernité, n’est pas de savoir qui est le géniteur de la modernité, mais celui de la redéfinir à partir de deux valeurs fondamentales : l’humanisme et  l’universalisme. Pour autant ce qui pose problème, ce n’est pas tant la Modernité elle-même,  ce sont plutôt  les inégalités qu’elle engendre  et les divergences qu’elle suscite.
L’inégalité est devenue, en effet, le vrai problème  de notre temps. Elle divise, discrimine, désespère, désagrège, désintègre et sème le doute et le scepticisme sur la modernité. Cette inégalité est à l’origine de fractures multiples, géographique, économique, démographique, sociale, culturelle et technologique, génératrice de conflits latents, de discordes  et de déliaison.
 La Modernité est un concept totalisant autour duquel  se pose la question  du renouvellement du projet de société que nous devrions reconstruire sur la base de nouveaux paradigmes et de nouvelles valeurs, la place de l’Homme dans le monde et les  rapports à entretenir avec les autres peuples de la terre.  Elle renvoie automatiquement  à la régénération des idées et à un examen critique des avatars qu’elle génère et des inégalités et des ambigüités qu’elle recèle. 
D’une Modernité inégale et discriminante  dans tous les domaines de la vie sociale, économique, scientifique, culturelle et technologique, entre les pays développés et ceux qui aspirent au développement, entre les peuples du Nord et ceux du Sud, entre ceux qui n’arrivent pas à transcender les clivages identitaires et ceux qui ne cessent d’inventer l’histoire pour être les maîtres de la terre et de la nature, du progrès et de l’innovation. Comment faire pour inverser la tendance et faire de la Modernité  un projet  sociétale où la démocratie serait à l'honneur dans tous les pays du monde fondée sur les valeurs de la dignité, de partage, de respect des droits, de la liberté, de la responsabilité, de la solidarité, de l’entropie,  de l’altérité et de la cohésion sociale.
Question clé. Question fondamentale à laquelle les auteurs de ce livre, chacun à sa manière, essaye d’apporter des éléments de réponse  pour nourrir la réflexion sur l’avenir de l’humanité. C’est dire qu’une réflexion sereine, sur la modernité et ses soubassements, est aujourd’hui fructueuse et nécessaire pour mettre de l’ordre, de la clarté par rapport à des systèmes de valeurs qui s’opposent et se neutralisent créant parfois les violences les plus extrêmes, qu’elle soit véhiculée par les verbes ou par les actes, à l’heure ou les frontières se brouillent entre société confessionnelles, entre sociétés modernes et sociétés  traditionnelles, entre sociétés démocratiques et sociétés autoritaires.
Dans ce monde surchargé de querelles idéologique, politique et surtout religieuse,  nous croyons que l’heure est à l’urgence parce qu’il nous faut débattre de nos divisions, de nos dispersions, de nos peurs, de nos angoisses si l’on veut arriver à les dépasser, à les gérer. Nous pensons aussi que le débat sur la modernité reste nécessaire, malgré la profusion des travaux et rencontres sur la question et qui ne saura pas redondant, car tout n’a pas été dit, parce que  tout se complexifie, à supposer que telle question puisse être épuisée.
 Les discours sur la modernité appellent une attention particulière, car elle nous permet de mesurer la complexité de notre contemporanéité et, en même temps, elle nous renvoie à nous mêmes, à notre façon de prendre soin de la terre, de la nature et du développement durable. 
L’objectif de ce livre est justement de relever les doutes et les soupçons, les ambigüités et les contradictions qui accompagnent  la Modernité dans une perspective de clarification doctrinale, scientifique et prospective.  Le raisonnement qui prévaut évite de tomber dans le simplisme et le réductionnisme. La matrice fondatrice de ce livre n’est rien d’autre que de savoir s’en sortir de l’imbroglio doctrinal qui la caractérise  et des ambivalences troublantes de notre société contemporaine, en vue de féconder un nouvel idéal  fondé sur l’universalisme et la libération de l’Homme des aliénations et des inégalités de toutes sortes.  La Modernité ne peut être réduite simplement aux inventions et aux innovations, au changement des techniques et des instruments, elle est au cœur de la problématique humaine. Comment mettre l’Homme au cœur de son temps et lui assurer les conditions d’intégration et de promotion sociale et politique. Elle n’aura de sens que si elle contribue au développement d’une conscience sociale collective pour apprendre aux gens à s’aimer et à se respecter, à vivre ensemble et s’entraider, d’où l’intérêt d’une connaissance qui produit plus de convergences que de divergences, plus de lucidité que de cécité, laquelle impose une réforme de la pensée qui nous amènerait à nous reconnaître comme enfants de la Terre, enfants de la Vie, citoyens du monde, des humains tout court. 



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1.Posté par Sabirou le 17/07/2017 22:30 (depuis mobile)
Chapeau pour monsieur Cher professeur sedjari ali

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